IMMUNOLOGIE
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L'immunologie moléculaire
En 1892, P. Ehrlich a élaboré une théorie sur l'apparition des anticorps qu'on désigne par « théorie des chaînes latérales ». Les cellules formant les anticorps comporteraient des constituants membranaires capables de fixer spécifiquement des antigènes. Ces chaînes seraient ensuite libérées dans la circulation et seraient les anticorps. Pour expliquer la spécificité de cette fixation, il l'a comparée à l'adaptation d'une clef (antigène) à la serrure (anticorps), et il a admis qu'il s'agirait d'une réaction chimique. L'existence de récepteurs membranaires pour les antigènes devait être démontrée ultérieurement.
Le savant allemand Paul Ehrlich (1854-1915), Prix Nobel de médecine en 1908. Bactériologiste et physiologiste, il est considéré comme le père de la chimiothérapie.
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L. Landois, qui étudiait les transfusions sanguines, a constaté en 1875 qu'il fallait utiliser le sang de la même espèce. En 1898, Bordet a introduit les termes d'isoanticorps et d'isohémagglutination en constatant que les sérums des lapins immunisés avec les globules rouges d'un animal d'une autre espèce agglutinaient ces derniers, mais non ceux de lapin. Cependant, en 1902, Landsteiner a démontré l'existence d'hémagglutinines dans des sérums humains pour des érythrocytes d'autres humains, et il a établi l'existence des groupes sanguins A, B et O. Plus tard, c'est aussi lui qui a découvert le facteur rhésus en utilisant le sang de singes rhésus. Ces constatations sont le point de départ des transfusions sanguines contrôlées, et elles ont permis d'éviter des accidents transfusionnels. Il a été aussi démontré que les groupes sanguins sont héréditaires.
Au cours des trois décennies 1910-1940, l'introduction de nouvelles méthodes, en particulier chimiques, a permis un développement important des connaissances, ainsi que des applications pratiques : vaccinations, méthodes de diagnostic. En 1921, Calmette et Guérin ont établi la vaccination antituberculeuse par une souche bovine atténuée (vaccin B.C.G.). Dans plusieurs laboratoires, on avait essayé de neutraliser les toxines diphtérique et tétanique pour l'immunisation. C'est en 1924 que Ramon a mis au point un procédé de neutralisation convenable en supprimant la toxicité par une formolisation. Il désigna ces préparations atoxiques par anatoxines, tandis que les anglophones les appellent toxoïdes, comme l'avait proposé Ehrlich. Pour augmenter l'efficacité des vaccins, Le Moignic et Pinay ont introduit l'emploi de lipides comme adjuvants (1916). Ramon (1935) a essayé d'autres substances, mais elles provoquaient parfois des lésions aux endroits des injections. Actuellement, certains vaccins contiennent des substances adjuvantes inoffensives, et dans les immunisations expérimentales d'animaux on utilise l'adjuvant de Freund (1947) ou des produits extraits du B.C.G., par exemple, pour augmenter l'immunogénicité des antigènes.
Le vétérinaire français Gaston Ramon (1886-1963) s'oriente vers la recherche après 1918. Il découvre les anatoxines, un type de vaccin absolument nouveau. Il consacre quarante années à l'Institut Pasteur dont il a été le directeur dans les années 1930.
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En 1904, Arrhenius a introduit le terme d'immunochimie, et Ehrlich et Bordet ont admis que les réactions immunologiques ont une base chimique, mais c'est surtout grâce aux travaux de Landsteiner et de ses collaborateurs que l'emploi de méthodes chimiques s'est développé. À partir de 1914, Landsteiner a étudié, à l'aide de réactions sérologiques, la spécificité des antigènes en fixant par voie chimique (en particulier par diazotation) divers groupements simples sur des antigènes protéiques : il donna le nom de « haptènes » à ces groupements, incapables à l'état libre d'induire la formation d'anticorps, mais caractéristiques pour la spécificité des réactions immunologiques. En 1933, Landsteiner a publié une monographie sur la spécificité des réactions sérologiques qui a eu une grande influence sur le développement des études immunologiques, de même que le livre de Wells (1925), traduit en français par L. Boez en 1928 (Les Aspects chimiques de l'immunité), et la monographie de Marrack, The Chemistry of Antigens and Antibodies (1935).
Le médecin autrichien Karl Landsteiner (1868-1943), père de l'immunologie sanguine, définit les groupes sanguins A, B et O, et fait avancer la recherche sur le traitement de la syphilis et de la poliomyélite. Il reçoit le prix Nobel de médecine en 1930.
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Les premiers essais de purification d'anticorps ont été réalisés par Felton qui a trouvé que la fraction dite « euglobulines » des immunsérums antipneumococciques de cheval sont riches en anticorps. Heidelberger et Kendall (1936) ont isolé des anticorps purs de ces sérums en dissociant, par de fortes concentrations en sels, les complexes antigène-anticorps insolubles. Par des études à l'aide de l'ultracentrifugation (Heidelberger et Pedersen, 1937) et de l'électrophorèse (Tisélius et Kabat, 1938), il a été démontré que les anticorps appartiennent aux globulines du sérum de masse moléculaire de 180 000 e [...]
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Écrit par :
- Joseph ALOUF : membre titulaire de l'Académie nationale de pharmacie, professeur honoraire à l'Institut Pasteur, Paris, directeur de recherche honoraire au C.N.R.S., professeur à l'Institut Pasteur de Lille
- Pierre GRABAR : membre de l'Académie de médecine, directeur honoraire de l'Institut de recherche sur le cancer du C.N.R.S, Villejuif, professeur honoraire à l'Institut Pasteur
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Pour citer l’article
Joseph ALOUF, Pierre GRABAR, « IMMUNOLOGIE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 11 août 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/immunologie/