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CONSTANTINOPLE IIe CONCILE DE (553)

L'histoire compliquée du IIeconcile de Constantinople est à situer dans la suite des querelles, théologiques et politiques, qui s'élevèrent en Orient après le concile de Chalcédoine (451). Celui-ci avait défini l'existence dans le Christ de deux natures, humaine et divine. Des partisans attardés de saint Cyrille d'Alexandrie, attachés à sa formule de l'« unique nature », refusent obstinément la doctrine de Chalcédoine, où ils voient du nestorianisme. Alors s'établit à Antioche une hiérarchie monophysite (avec Sévère d'Antioche), opposée aussi bien à l'autorité du basileus de Constantinople qu'à l'orthodoxie chalcédonienne.

Empereur depuis 527, Justinien, dont il faut admirer la sincère piété et la compétence théologique aussi bien que les qualités d'administrateur, d'homme de guerre, de législateur et de bâtisseur (notamment de Sainte-Sophie), veut renforcer l'unité de l'Empire sur la base de l'unité de la foi. Monarque théocratique et gardien de l'orthodoxie, il se croit le droit et le devoir d'intervenir souverainement dans les affaires ecclésiastiques et les problèmes théologiques : César est pape ! Sous l'influence de Théodora, l'ambitieuse et intrigante impératrice, secrètement acquise aux monophysites, il va essayer de se concilier ceux-ci et de leur faire accepter Chalcédoine, en leur montrant que la doctrine du concile n'est pas nestorienne et qu'elle peut être comprise dans un sens acceptable pour des disciples de saint Cyrille.

À cette époque, des choses graves se passent à Rome. Le pape Agapet étant mort subitement lors d'un séjour à Constantinople (536), et son successeur Silvère ayant été expulsé par Bélisaire sur l'ordre de Justinien, le diacre romain Vigile, apocrisiaire (représentant du pape) à Constantinople, soutenu par Théodora, se fait élire pape (537). Bientôt, Silvère étant mort en exil, Vigile est reconnu universellement comme le pape légitime et, bien que la position des monophysites soit assez forte à la Cour, il se déclare ouvertement pour Chalcédoine. C'est à ce moment aussi que, devant l'agitation causée chez les moines de Palestine par les controverses origénistes, Justinien publie un édit condamnant comme hérétiques neuf propositions tirées du livre Des principes d'Origène (542-543). L'évêque de Constantinople, Ménas, avec son synode, et le pape Vigile souscrivent à cette condamnation.

C'est alors que Justinien se laisse persuader qu'il pourrait rallier les monophysites s'il condamnait des écrits, déjà anciens, dont on lui dénonçait les tendances nestoriennes : les œuvres de Théodore de Mopsueste, les écrits de Théodoret de Cyr contre saint Cyrille et contre le concile d'Éphèse, la lettre d'Ibas d'Édesse à un certain Maris de Perse contre Cyrille. Un édit impérial de 543 (ou 544) condamne ces trois groupes d'ouvrages qu'on appellera couramment les Trois Chapitres. Cette condamnation qui, malgré les déclarations de Justinien, semblait désavouer Chalcédoine, soulève beaucoup d'émotion, surtout en Occident. On est sensible avant tout à la condamnation de Théodore, mort dans la paix de l'Église plus de cent ans auparavant (428).

Pour assurer sa politique, Justinien avait besoin de l'appui du pape. Mais Vigile, soutenu par l'épiscopat occidental, refuse de donner son accord à la condamnation des Trois Chapitres. Justinien alors le fait enlever de Rome, avec toute la brutalité d'une opération policière (22 nov. 545), embarquer et amener à Constantinople, où il restera séquestré pendant sept ans. Plus d'un an après son arrivée, cédant aux pressions de tout genre exercées contre lui, il publie un document (Judicatum, 11 avr. 548), qui condamne les Trois Chapitres. La réaction est[...]

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Classification

Pour citer cet article

Pierre Thomas CAMELOT. CONSTANTINOPLE IIe CONCILE DE (553) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CONCILE

    • Écrit par Bernard DUPUY
    • 5 666 mots
    • 2 médias
    Constantinople II (533), convoqué par l'empereur Justinien Ier. Le pape était Vigile. En huit sessions, du 5 mai au 2 juin 553, les Pères condamnèrent les « Trois Chapitres » des Nestoriens.
  • JUSTINIEN Ier (482-565)

    • Écrit par José GROSDIDIER DE MATONS
    • 2 247 mots
    • 1 média
    ...Théodoret et Ibas d'Édesse. Ce fut l'affaire des Trois Chapitres, où l'empereur se heurta à la résistance inattendue du pape Vigile. Les décrets du Ve  Concile œcuménique (553), très mal accueillis en Occident, contribuèrent à aggraver les griefs de l'Église romaine contre Byzance, sans pour cela provoquer...
  • ORIGÈNE (185-253/54) & ORIGÉNISME

    • Écrit par Pierre HADOT
    • 5 525 mots
    ...querelles provoquées par l'existence du parti origéniste de la Nouvelle Laure ne cessèrent pas. C'est pourquoi, au Ve Concile œcuménique, convoqué à Constantinople pour régler l'affaire des « Trois Chapitres », en l'année 553, l'origénisme fut à nouveau condamné et les noms d'Origène et d'Évagre anathématisés....
  • VIGILE (fin Ve s.-555) pape (537-555)

    • Écrit par Universalis
    • 623 mots

    Né à la fin du ve siècle à Rome, Vigile, de famille noble, devient diacre romain. En mars 536, il part en mission à Constantinople aux côtés du pape Agapet Ier (535-536), dans une vaine tentative pour dissuader l'empereur Justinien de se lancer à la reconquête de l'Italie. Agapet I...

Voir aussi