Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

MEMLING HANS (1435 env.-1494)

La conquête de l'harmonie

Toute approche quelque peu attentive de l'art de Memling en révèle à la fois la permanence et la profonde originalité. Dès le début se dégage une symbiose étonnante entre sa vision et celle de l'école dans laquelle il va se fondre. L'assimilation des formes créées par ses devanciers lui est même d'autant plus aisée qu'il demeure étranger à l'esprit qui les anime si différemment. Son art apparaît dès lors surtout comme l'aboutissement des conquêtes formelles de son siècle. Le style harmonieux et en apparence facile dans lequel il les intègre fait parfois passer Memling pour un aimable éclectique impuissant à se libérer de la tradition. Et cependant son œuvre montre à l'évidence l'originalité de sa vision et des solutions qu'il propose aux problèmes de l'espace et de la lumière.

Le portrait, genre dans lequel il rejoint les plus grands, est aussi celui où il est le plus progressiste. Dégagé peu à peu du fond sombre dont il était jusqu'alors inséparable (Bruges, Florence, Londres, New York), le modèle est placé près d'une fenêtre (Bruges, Chicago, Francfort, Lugano, New York) ou dans une galerie (Berlin, Paris, Bruxelles, Florence) pour ne plus se détacher bientôt que sur un paysage libre (Anvers, Bâle, Bruxelles, Copenhague, Florence, La Haye, Montréal, Venise) comme on commençait à le faire en Italie. Des thèmes peu traités par ses aînés et apparemment d'inspiration italienne deviennent l'objet de sa prédilection : Saintes Conversations, Vierges en majesté entourées d'anges, Vierges en buste sur fond de paysage. Il humanise jusqu'aux thèmes les plus usés (Annonciation Lehman ; Vierge au donateur, Ottawa), et certaines de ses œuvres comptent parmi les plus insolites de l'école (polyptyque portatif, Strasbourg ; Bethsabée, Stuttgart ; volets de fiançailles, New York-Rotterdam). Les plans du tableau s'articulent avec une aisance accrue, et l'espace s'amplifie dans une lumière diffuse favorisée par un éclaircissement des couleurs. Cette nouvelle dimension spatiale, surtout évidente dans les Saintes Conversations, situées dans une galerie ouverte de toutes parts sur un vaste paysage, et dans les portraits, a pour effet d'atténuer la tension des scènes et des personnages en les intégrant dans un espace qui les prolonge.

<it>Portrait de Sibylla Sambetha</it>, H. Memling - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Portrait de Sibylla Sambetha, H. Memling

Portrait de Maarten van Nieuwenhoven, H. Memling - crédits : The Print Collector/ Getty Images

Portrait de Maarten van Nieuwenhoven, H. Memling

L'harmonie à laquelle Memling a accédé très tôt est l'effet d'une épuration constante qu'il s'impose en artiste en pleine possession des ressources de son art. Cette obsession de la perfection formelle le porte à atténuer les arêtes vives, les contours trop nets, les lignes tourmentées, les gestes trop violents, dans une incessante recherche d'élégance et de clarté. Mais cette démarche est loin d'être purement intellectuelle. Le dessin préparatoire du Jugement dernier de Dantzig, par exemple, apparu aux rayons infrarouges, révèle un Memling insoupçonné, aux ressources inventives innombrables, étonnamment libre dans l'exécution de formes et de mouvements qu'il étudie par approches successives avant de choisir la plus expressive et la plus harmonieuse. Ce Memling-là ne doit rien qu'à lui-même ; il est le plus attachant, parce que dégagé du mythe d'une perfection toute faite.

— Jacqueline FOLIE

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : chef de travaux à l'Institut royal du patrimoine artistique, Bruxelles, Belgique

Classification

Pour citer cet article

Jacqueline FOLIE. MEMLING HANS (1435 env.-1494) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>La Châsse de sainte Ursule</it>, H. Memling - crédits :  Bridgeman Images

La Châsse de sainte Ursule, H. Memling

Le Martyre de saint Sébastien, H. Memling - crédits : The Print Collector/ Print Collector/ Getty Images

Le Martyre de saint Sébastien, H. Memling

<it>Le Mariage mystique de sainte Catherine</it>, H. Memling - crédits :  Bridgeman Images

Le Mariage mystique de sainte Catherine, H. Memling

Autres références

  • APOCALYPSE DE JEAN

    • Écrit par Jean HADOT
    • 6 538 mots
    • 3 médias
    ...d'inquiétude. Le souffle tumultueux de l'Apocalypse s'est apaisé. C'est la même atmosphère paisible, mais plus imprégnée de mysticisme, qu'on trouve chez Hans Memling, venu du pays rhénan se fixer à Bruges. On admire, au musée Memling, un Triptyque de la Vierge et des deux saint Jean, dont le volet droit...
  • DAVID GÉRARD (entre 1450 et 1460-1523)

    • Écrit par Jacques FOUCART
    • 1 077 mots

    L'un des principaux peintres de Bruges après Memling (mort en 1494), Gérard David est pour tout dire le dernier grand primitif flamand. Reçu franc maître dans la gilde des peintres de Bruges dès 1484, il reste, à l'égal d'un Memling, étroitement lié au renom et à l'histoire de cette ville,...

  • GOTHIQUE ART

    • Écrit par Alain ERLANDE-BRANDENBURG
    • 14 896 mots
    • 27 médias
    ...renouvelé de l'arabesque, dissimulé sous une palette éclatante. Il va devenir la référence obligatoire d'un grand nombre d'artistes flamands et allemands. Hans Memling (mort en 1494) montre à cet égard une certaine indépendance dans son goût pour la narration. Dès la génération suivante, des peintres manifestent...
  • NATURE MORTE

    • Écrit par Robert FOHR
    • 5 700 mots
    • 10 médias
    ...d'Amsterdam et de Bruxelles) ; lorsqu'elle s'en détache, c'est pour orner le revers d'un panneau à sujet religieux, élément d'un diptyque ou d'un polyptyque ( Hans Memling, vers 1485 ; Jan Provost, vers 1510), à moins qu'il ne s'agisse, plus trivialement, d'une porte de placard, dont elle est alors chargée d'évoquer...

Voir aussi