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FLAUBERT GUSTAVE (1821-1880)

Gustave Flaubert - crédits : Courtesy of the Bibliotheque Municipale, Rouen

Gustave Flaubert

Flaubert n'est pas seulement un des plus grands écrivains du xixe siècle, ni uniquement un auteur « à la mode » dont l'étude s'est considérablement développée dans le dernier tiers du xxe siècle : Flaubert constitue un « problème » aussi bien pour les écrivains que pour les critiques, comme si ses textes pouvaient devenir, régulièrement, le lieu d'émergence de nouvelles questions. Son œuvre est présente, dans l'histoire de la littérature occidentale, comme le symbole actif d'un véritable renouvellement dont la critique d'aujourd'hui n'a pas fini de mesurer les significations et les effets. Sa poétique romanesque, qui a transformé radicalement les exigences stylistiques et les techniques narratives du genre, sa conception absolue du métier d'écrivain ont, en France comme à l'étranger, marqué un tournant dans le sens et la portée que notre modernité attribue à la création littéraire en général.

L'« homme-plume »

D'où que l'on se place, la vie de Gustave Flaubert paraît toujours plus ou moins s'identifier à l'acte d'écrire, et se tenir résolument au plus près de sa nécessité intérieure d'être écrivain. La littérature n'est pas simplement son idéal, son vrai lieu ; c'est sa complexion même, sa façon à lui d'être humain : « ... Je suis un homme-plume. Je sens par elle, à cause d'elle, par rapport à elle et beaucoup plus avec elle. » Une certaine fatalité interdit d'ailleurs de considérer Flaubert autrement ; non seulement c'est l'histoire de son œuvre qui compose sa véritable biographie, mais l'essentiel de ce que nous pouvons connaître de sa vie événementielle dérive encore d'un de ses gestes d'écriture les plus familiers : la Correspondance. Commencée à l'âge de dix ans et poursuivie jusqu'aux derniers jours, cette gigantesque et foisonnante correspondance de près de quatre mille lettres constitue un témoignage irremplaçable sur l'homme Flaubert, sur ses idées, ses goûts, sur la conception qu'il se fait de son métier, sur le sens resté incompris à son époque des pratiques d'écriture qu'il invente jour après jour, sur la genèse de ses livres. Un tel témoignage est d'autant plus irremplaçable que ses œuvres sont construites sur un présupposé d'impersonnalité qui ne laisse derrière lui à peu près aucune trace explicite de l'auteur. Mais ces lettres ne sont si bouleversantes de vérité que par la spontanéité et les fastes d'un style qui fait de la Correspondance, bien au-delà du témoignage sur un grand créateur, une des plus belles œuvres épistolaires de la littérature française. Il est en fait assez peu probable que Flaubert ait pensé sa correspondance en terme d'œuvre. En revanche, on peut voir un certain pari sur le futur dans le fait que Flaubert nous ait légué les manuscrits complets de la plupart de ses œuvres. Scénarios, plans, notes, brouillons, mises au net, tous ces documents de rédaction permettent aujourd'hui de reconstituer, du premier jet jusqu'aux ultimes corrections de détail, la genèse de ses livres et son travail du style. Ce que Flaubert nous y donne à voir, ligne après ligne, c'est l'œuvre en train de naître, le destin même de l'homme-plume.

Ces manuscrits, auxquels il accordait de son vivant une importance presque « physique », sont le véritable corps de l'homme-plume, une sorte de double que l'auteur s'était inventé pour vivre et qui contient, à l'état naissant, la mémoire de son expérience et les secrets de fabrication de sa survie littéraire. Si, finalement, le bon géant aux yeux verts s'est décidé à les transmettre à la postérité, ce ne fut pas sans hésiter : « Pourvu que mes manuscrits durent autant que moi, c'est tout ce que je veux. C'est dommage qu'il me faudrait un[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure de Saint-Cloud, agrégé de l'Université, docteur en sémiologie, chargé de recherche au CNRS, directeur adjoint de l'Institut des textes et manuscrits modernes

Classification

Pour citer cet article

Pierre-Marc de BIASI. FLAUBERT GUSTAVE (1821-1880) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Gustave Flaubert - crédits : Courtesy of the Bibliotheque Municipale, Rouen

Gustave Flaubert

Autres références

  • BOUVARD ET PÉCUCHET, Gustave Flaubert - Fiche de lecture

    • Écrit par Philippe DULAC
    • 1 250 mots
    • 1 média

    Commencé dès 1874, puis un moment interrompu par la rédaction des Trois Contes, Bouvard et Pécuchet, dernière œuvre de Gustave Flaubert (1821-1880), est resté inachevé du fait de la mort soudaine de celui-ci. Des deux volumes initialement prévus, seul le premier, qui relate l'histoire des deux héros,...

  • L'ÉDUCATION SENTIMENTALE, Gustave Flaubert - Fiche de lecture

    • Écrit par Philippe DULAC
    • 1 453 mots

    Lorsqu'il publie Salammbô en 1862, Gustave Flaubert (1821-1880) a consacré quatre années à ressusciter l'Antiquité de Carthage. Il aspire à revenir dans son siècle et à s'atteler à l'écriture d'un roman qui serait situé au cœur de celui-ci. Aussi remet-il en chantier une œuvre de jeunesse, restée...

  • ŒUVRES DE JEUNESSE (G. Flaubert)

    • Écrit par Pierre-Marc de BIASI
    • 973 mots

    La Bibliothèque de la Pléiade avait réservé jusqu'ici à Gustave Flaubert un sort bizarrement inégal : d'un côté, une bonne édition de la Correspondance par Jean Bruneau (4 volumes étaient parus au moment de la publication de ces Œuvres de jeunesse, le cinquième est sorti en 2007)...

  • MADAME BOVARY, Gustave Flaubert - Fiche de lecture

    • Écrit par Philippe DULAC
    • 1 258 mots
    • 1 média

    Première des œuvres publiées par Gustave Flaubert (1821-1880), Madame Bovary (1857) vaut d'emblée à celui-ci un procès pour outrage à la morale et à la religion, mais aussi un succès important qui ne se démentira jamais, même si l'accueil fait par la critique, mis à part un Baudelaire enthousiaste...

  • SALAMMBÔ, Gustave Flaubert - Fiche de lecture

    • Écrit par Philippe DULAC
    • 1 141 mots

    Aussitôt après la publication de Madame Bovary, en 1857, Gustave Flaubert (1821-1880) se met en quête d'un nouveau thème de roman. Au terme de cinq années vouées à rédiger la chronique d'un bourg normand sous Louis-Philippe, il est résolu « à ne plus s'occuper du bourgeois » et à s'évader d'Yonville...

  • LA TENTATION DE SAINT ANTOINE, Gustave Flaubert - Fiche de lecture

    • Écrit par Philippe DULAC
    • 1 166 mots
    • 1 média

    La tentation de saint Antoine a hanté Gustave Flaubert (1821-1880) et l'a accompagné durant toutes ses années d'écrivain. Dès l'âge de vingt-quatre ans, lors d'un voyage en Italie, il découvre le tableau de Bruegel représentant les visions de l'ermite et rêve d'adapter la Tentation au théâtre, sans...

  • TROIS CONTES, Gustave Flaubert - Fiche de lecture

    • Écrit par Guy BELZANE
    • 1 798 mots

    Trois Contes est le dernier livre de Gustave Flaubert (1821-1880) publié de son vivant. En septembre 1875, celui-ci, interrompant la rédaction difficile de Bouvard et Pécuchet, reprend un projet très ancien, l’histoire de saint Julien l’Hospitalier. Il achève cette « petite bêtise moyenâgeuse »...

  • 1848 ET L'ART (expositions)

    • Écrit par Jean-François POIRIER
    • 1 189 mots

    Deux expositions qui se sont déroulées respectivement à Paris du 24 février au 31 mai 1998 au musée d'Orsay, 1848, La République et l'art vivant, et du 4 février au 30 mars 1998 à l'Assemblée nationale, Les Révolutions de 1848, l'Europe des images ont proposé une...

  • BOUILHET LOUIS (1822-1869)

    • Écrit par Claude BURGELIN
    • 237 mots

    Plus que de l'écrivain, c'est de l'ami de Flaubert dont on se souvient aujourd'hui. Le destin de Bouilhet, parallèle à bien des égards à celui de Flaubert, en offre comme une reproduction dans un mode mineur, et sous le signe de l'échec. Condisciple de Flaubert, célibataire comme lui, confiné à Rouen,...

  • LES CHOSES, Georges Perec - Fiche de lecture

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    ...trajectoire ambiguë qui avait été leur vie pendant six ans, au terme de cette quête indécise qui ne les avait menés nulle part, qui ne leur avait rien appris. » Conclusion radicale qui fait naturellement écho à la fin de L'Éducation sentimentale(« Et ils résumèrent leur vie. Ils l'avaient manquée tous...
  • COLET LOUISE (1810-1876)

    • Écrit par Christine GENIN
    • 1 188 mots
    En 1846, elle rencontre Gustave Flaubert dans l’atelier de James Pradier pour qui elle pose. Il a vingt-cinq ans, elle en a trente-cinq, elle est célèbre alors que lui n’a encore rien publié. Mais après lui avoir accordé quelques rares nuits passionnées, l’ermite de Croisset n’a de cesse de multiplier...
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