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FLAUBERT GUSTAVE (1821-1880)

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Flaubert, notre contemporain

L'évolution des lectures critiques de l'œuvre

Flaubert n'est devenu une véritable « star » de la littérature mondiale que vers les années 1960-1980. En 1970, le Flaubert de R. Debray-Genette (éd. Didier) favorisait cette prise de conscience en retraçant, textes à l'appui, la lente émergence critique de l'œuvre de 1870 à 1970. En fait, à quelques exceptions près (Maupassant, Théodore de Banville, George Sand, Baudelaire), les contemporains de Flaubert n'ont pas compris le sens et la nouveauté de son travail. Les moins défavorables le tolèrent moyennant de multiples réserves (Sainte-Beuve) ou en le réduisant pour l'annexer à une cause (Zola et les naturalistes). Les autres rejettent l'œuvre en bloc. Les années 1890-1920 font place à de nouvelles lectures philosophiques et psychologiques (P. Bourget, J. de Gaultier, G. Lukács, H. James) beaucoup plus pertinentes. Mais c'est dans les années 1920 que Flaubert se trouve brusquement projeté sur la scène critique par Charles Dubos, Percy Lubbock, et surtout par Marcel Proust lors de la polémique qui l'oppose à ce sujet à Albert Thibaudet. À partir de cette époque, la publication de la correspondance et des œuvres de jeunesse renouvelle du tout au tout la lecture de l'œuvre : les études flaubertiennes (D. L. Dumorest, R. Dumesnil, G. Leleu, etc.) entrent dans une phase de reconnaissance institutionnelle et notamment universitaire. Il faut pourtant attendre l'après-guerre pour que commence à se dessiner l'horizon d'une réception critique plus dynamique : les textes d'E. Auerbach (1946), de Queneau (1947), de Sartre (1948), de Seznec (1949), de M. J. Durry et de G. Poulet (1950), de L. Bopp (1951) représentent une première vague de renouvellement, bientôt suivie par un intense travail de réexamen du corpus flaubertien. La phase qui s'ouvre en 1953 avec Le Degré zéro de l'écriture de R. Barthes se solde rapidement par une multiplication et une diversification considérable des recherches : 1954 (J. P. Richard, J.-B. Pontalis), 1955-1956 (G. Poulet, G. Lukács), 1957 (J. L. Borges, Ullmann, et une floraison de textes critiques pour le centenaire de Madame Bovary). Mais une nouvelle histoire de la critique flaubertienne commence avec les années 1960 : les travaux de Matignon, de Sartre encore, de J. Rousset en 1960, les nouvelles analyses de jeunes critiques comme R. Girard (1961), Fairlie, Bruneau, Sagnes (1962), M. Blanchot, Bollème (1963) se croisent avec l'impact d'une nouvelle édition des œuvres complètes par M. Nadeau. La seconde moitié des années 1960, sous l'influence des écrivains du « nouveau roman », donne à Flaubert une place prépondérante de « précurseur ». La montée du « mythe » Flaubert s'accompagne d'un prodigieux développement des études critiques en France avec l'apparition de la génération structuraliste et la mise au point de nouvelles méthodes d'investigation. Flaubert devient l'objet d'étude par excellence : 1966 (C. Gothot-Mersch, Brombert, G. Genette, Sartre), 1967 (M. Foucault, Bart, Cento, J. Proust). À partir de 1968, il devient presque impossible de citer les critiques français et étrangers qui contribuent, parfois de manière considérable, à la relecture de l'œuvre de Flaubert ; tandis que les pionniers continuent à donner des travaux de plus en plus importants. L'Idiot de la famille que Jean-Paul Sartre publie en 1971-1972 pourrait en être le symbole : près de trois mille pages d'une vision renouvelée de la psychologie et de la création flaubertiennes. Mais les années 1970-1980, ouvertes par le centenaire de L'Éducation sentimentale et par la nouvelle édition des œuvres complètes par M. Bardèche au Club de l'honnête homme (1971-1975), se caractérisent assez[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure de Saint-Cloud, agrégé de l'Université, docteur en sémiologie, chargé de recherche au CNRS, directeur adjoint de l'Institut des textes et manuscrits modernes

Classification

Pour citer cet article

Pierre-Marc de BIASI. FLAUBERT GUSTAVE (1821-1880) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 20/03/2024

Média

Gustave Flaubert - crédits : Courtesy of the Bibliotheque Municipale, Rouen

Gustave Flaubert

Autres références

  • BOUVARD ET PÉCUCHET, Gustave Flaubert - Fiche de lecture

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    Commencé dès 1874, puis un moment interrompu par la rédaction des Trois Contes, Bouvard et Pécuchet, dernière œuvre de Gustave Flaubert (1821-1880), est resté inachevé du fait de la mort soudaine de celui-ci. Des deux volumes initialement prévus, seul le premier, qui relate l'histoire des deux héros,...

  • L'ÉDUCATION SENTIMENTALE, Gustave Flaubert - Fiche de lecture

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    Lorsqu'il publie Salammbô en 1862, Gustave Flaubert (1821-1880) a consacré quatre années à ressusciter l'Antiquité de Carthage. Il aspire à revenir dans son siècle et à s'atteler à l'écriture d'un roman qui serait situé au cœur de celui-ci. Aussi remet-il en chantier une œuvre de jeunesse, restée...

  • ŒUVRES DE JEUNESSE (G. Flaubert)

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    La Bibliothèque de la Pléiade avait réservé jusqu'ici à Gustave Flaubert un sort bizarrement inégal : d'un côté, une bonne édition de la Correspondance par Jean Bruneau (4 volumes étaient parus au moment de la publication de ces Œuvres de jeunesse, le cinquième est sorti en 2007)...

  • MADAME BOVARY, Gustave Flaubert - Fiche de lecture

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    Première des œuvres publiées par Gustave Flaubert (1821-1880), Madame Bovary (1857) vaut d'emblée à celui-ci un procès pour outrage à la morale et à la religion, mais aussi un succès important qui ne se démentira jamais, même si l'accueil fait par la critique, mis à part un Baudelaire enthousiaste...

  • SALAMMBÔ, Gustave Flaubert - Fiche de lecture

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    Aussitôt après la publication de Madame Bovary, en 1857, Gustave Flaubert (1821-1880) se met en quête d'un nouveau thème de roman. Au terme de cinq années vouées à rédiger la chronique d'un bourg normand sous Louis-Philippe, il est résolu « à ne plus s'occuper du bourgeois » et à s'évader d'Yonville...

  • LA TENTATION DE SAINT ANTOINE, Gustave Flaubert - Fiche de lecture

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    La tentation de saint Antoine a hanté Gustave Flaubert (1821-1880) et l'a accompagné durant toutes ses années d'écrivain. Dès l'âge de vingt-quatre ans, lors d'un voyage en Italie, il découvre le tableau de Bruegel représentant les visions de l'ermite et rêve d'adapter la Tentation au théâtre, sans...

  • TROIS CONTES, Gustave Flaubert - Fiche de lecture

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    Trois Contes est le dernier livre de Gustave Flaubert (1821-1880) publié de son vivant. En septembre 1875, celui-ci, interrompant la rédaction difficile de Bouvard et Pécuchet, reprend un projet très ancien, l’histoire de saint Julien l’Hospitalier. Il achève cette « petite bêtise moyenâgeuse »...

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    Deux expositions qui se sont déroulées respectivement à Paris du 24 février au 31 mai 1998 au musée d'Orsay, 1848, La République et l'art vivant, et du 4 février au 30 mars 1998 à l'Assemblée nationale, Les Révolutions de 1848, l'Europe des images ont proposé une...

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    ...trajectoire ambiguë qui avait été leur vie pendant six ans, au terme de cette quête indécise qui ne les avait menés nulle part, qui ne leur avait rien appris. » Conclusion radicale qui fait naturellement écho à la fin de L'Éducation sentimentale(« Et ils résumèrent leur vie. Ils l'avaient manquée tous...
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    En 1846, elle rencontre Gustave Flaubert dans l’atelier de James Pradier pour qui elle pose. Il a vingt-cinq ans, elle en a trente-cinq, elle est célèbre alors que lui n’a encore rien publié. Mais après lui avoir accordé quelques rares nuits passionnées, l’ermite de Croisset n’a de cesse de multiplier...
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