Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

GREFFES

Un tissu (ou un organe) détaché d'un être vivant continue de vivre et souvent même de fonctionner pendant un certain temps ; en conséquence, si on le rattache à l'être dont il provient ou à un être différent, peut-il s'y intégrer et participer au fonctionnement de l'ensemble organique ? Tel est le problème de la greffe. On désigne ainsi le transfert d'un tissu ou d'un fragment d'organe d'une région à une autre d'un même organisme, ou entre un organisme et un autre, qui peut être ou non de même espèce. Le mot transplantation est réservé à la greffe d'un organe accompagnée du rétablissement immédiat de la continuité vasculaire, c'est pourquoi on dira « greffe de peau », mais « transplantation de rein ».

Contrairement à la greffe des explants végétaux sur des plants suffisamment robustes dits « porte-greffes » (qui fait partie, depuis l'Antiquité, des techniques courantes en arboriculture), les greffes animales, objet du présent article, posent des problèmes délicats au biologiste et au médecin.

Leur résolution est l'une des avancées majeures de la thérapeutique, dans la seconde moitié du xxe siècle.

La greffe, conflit immunitaire

Le devenir d'une greffe animale est conditionné en effet par des phénomènes immunitaires, qui expriment un conflit biologique entre le receveur et le donneur. Ce conflit dépend de facteurs génétiques, car si les greffes d'un sujet à lui-même sont généralement acceptées grâce à la reconnaissance du « soi » par l'organisme, en revanche, la greffe d'un matériel provenant d'un donneur génétiquement différent est rejetée car le receveur reconnaît le « non-soi » et réagit contre le matériel exogène qui a été greffé.

Ces facteurs génétiques déterminent une antigénicité spécifique de l'individu. Aussi longtemps que le receveur n'a pas atteint sa maturité immunologique, ce qui est le cas chez les Mammifères pendant la vie embryonnaire, le greffon n'est pas rejeté. La réaction de rejet dépend en effet de l'activité d'une catégorie de globules blancs : les cellules de la lignée lymphoïde, qui ont reçu le nom de cellules immunologiquement compétentes (CIC).

Autogreffe, xénogreffe, allogreffe et isogreffe - crédits : Encyclopædia Universalis France

Autogreffe, xénogreffe, allogreffe et isogreffe

La terminologie qui s'applique aux différentes modalités de greffes correspond aux caractéristiques du donneur et du receveur. On doit distinguer par ailleurs les greffes homovitales (le tissu vivant doit survivre chez le receveur) des greffes homostatiques, qui n'apportent qu'une charpente destinée à être colonisée par les cellules du receveur.

Vers 1850, G. Heine, L. Flourens, J. R. Wolfe réussirent des greffes d'os chez l'homme. Dans ce cas, il s'agissait de greffes homostatiques, car le greffon, lorsqu'il provient d'un autre organisme, joue le rôle de « tuteur » pour la reconstitution osseuse qui est assurée par le receveur. R. Virchow, C. Robin réalisèrent les premières greffes homovitales (peau) et J.-L. Reverdin s'intéressa aux autogreffes d'épiderme qui, par la suite, s'avérèrent très utiles pour la réparation rapide des plaies et des brûlures étendues. Vers la fin du xixe siècle furent tentées les premières greffes de tumeurs cancéreuses chez l'animal.

C'est au début du xxe siècle que fut soupçonnée l'origine immunologique du phénomène de rejet. Les progrès de l'asepsie et de la technique chirurgicale permettent à A. Carrel et P. Guthrie la reconstitution de gros vaisseaux et des réimplantations de membres ou d'organes. Durant la Première Guerre mondiale et les années suivantes, les greffes d'os font de grands progrès avec P. Leriche et A. Policard.

Puis survient une longue période d'incertitude durant laquelle les recherches se bornent à confirmer le rejet constant des allogreffes et des xénogreffes[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur de médecine expérimentale, chef du service d'immuno-allergologie infantile à l'hôpital Necker-Enfants malades

Classification

Pour citer cet article

Jean PAUPE. GREFFES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Peter Medawar - crédits : Central Press/ Hulton Archive/ Getty Images

Peter Medawar

Autogreffe, xénogreffe, allogreffe et isogreffe - crédits : Encyclopædia Universalis France

Autogreffe, xénogreffe, allogreffe et isogreffe

Greffon : acceptation et rejet - crédits : Encyclopædia Universalis France

Greffon : acceptation et rejet

Autres références

  • AGENCE DE LA BIOMÉDECINE

    • Écrit par Corinne TUTIN
    • 1 153 mots
    ...la biomédecine est encore bien jeune pour qu'un bilan de son activité puisse être dressé. En tout cas, la journée qu'elle a organisée le 22 juin 2005 sur le don d'organes, qui renouvelait une opération mise en place cinq ans plus tôt par l'Établissement français des greffes, a été un succès. « Alors...
  • AUTOGREFFE DE CARTILAGE

    • Écrit par Jacques BAHUAUD
    • 445 mots

    On entend par autogreffe de cartilage la technique qui consiste à utiliser du tissu cartilagineux d'un sujet prélevé dans une zone indemne et non fonctionnelle afin de le réimplanter pour réparer des lésions post-traumatiques de cartilage du même sujet en toute sécurité sur le plan immunologique et...

  • BARNARD CHRISTIAAN (1922-2001)

    • Écrit par Christian CABROL
    • 1 169 mots

    Figure de la chirurgie cardiaque, le Sud-Africain Christiaan Barnard naît en 1922 dans la petite ville de Beaufort West (Cap-Ouest), dans une famille de quatre enfants dont le père est un pasteur protestant.

    Après avoir entrepris ses études primaires dans sa ville natale, il poursuit ses études...

  • BIO-INGÉNIERIE

    • Écrit par Chantal GUÉNIOT
    • 911 mots

    Créer des organes en laboratoire... Depuis quelques années, ce scénario digne d'Aldous Huxley n'est plus une utopie : plusieurs personnes dans le monde vivent avec une trachée, une vessie ou un urètre bioartificiels. Mais façonner un organe plein vascularisé, comme le foie, se révèle...

  • Afficher les 35 références

Voir aussi