GREFFES
La tolérance du receveur pour la greffe
La tolérance d'un individu implique une modification de la réactivité de son organisme inhibant la réponse immunitaire en présence d'un stimulus antigénique. Elle peut être spécifique ou non d'un antigène donné, naturelle ou acquise. Le conditionnement d'un futur receveur en vue de cette tolérance est donc le problème capital qui se pose pour tenter de réussir une greffe vitale. Pour obtenir, à des fins expérimentales ou thérapeutiques, une tolérance artificielle générale, on peut recourir à plusieurs méthodes qui entraînent une dépression du système lymphocompétent.
Méthodes immunodépressives biologiques
Chez l'homme, dans certains cas exceptionnels, il existe une tolérance non spécifique naturelle ou spontanément acquise. Ainsi, les allogreffes de peau réussissent, d'une part, au cours des grands déficits immunitaires congénitaux touchant l'ensemble du système lymphoïde et, d'autre part, sont rejetées beaucoup plus lentement chez les individus atteints de la maladie de Hodgkin ou de la maladie de Besnier-Boeck-Schaumann (déficience des mécanismes d'hypersensibilité cellulaire retardée). L'ablation du thymus, chez l'animal nouveau-né, induit une tolérance aux allogreffes par suite d'une aplasie fonctionnelle du système lymphocytaire.
Méthodes immunodépressives chimiques
Les corticoïdes surrénaux, tels que la cortisone, permettent la réussite d'allogreffes et même de xénogreffes de tissu tumoral chez la souris. En pratique, ces substances ne font que retarder la réponse immunitaire normale et ne prolongent que de quelques jours la survie des greffes normales. Elles sont cependant toujours considérées comme utiles par leur effet anti-inflammatoire en association avec d'autres procédés plus directement efficaces. Les thiopurines (azathioprine), les agents alkylants (cyclophosphamide, chlorambucil) bloquent la multiplication ou la fonction lymphocytaire en un point précis. Ils sont capables d'induire des tolérances prolongées vis-à-vis des greffes. Mais c'est la ciclosporine A, découverte en 1970 et utilisée largement depuis 1983, qui a longtemps constitué le meilleur médicament antirejet. C'est depuis son utilisation systématique que la technologie des transplantations d'organes et celle des greffes très sensibles (greffes du visage réalisées à Amiens le 27 novembre 2005 puis, en 2007, à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil) ont pu être pratiquées avec succès. D’autres médicaments immunosuppresseurs efficaces comme le tacrolimus et le sirolimus, tous deux isolés de Streptomyces, sont également utilisés.
Méthodes immunodépressives physiques
Une irradiation intense et générale diminue chez l'homme et l'animal le volume des organes lymphoïdes ; elle détruit un grand nombre de lymphocytes, qui sont les cellules les plus radiosensibles. Cette technique permet d'inhiber électivement l'étape initiale d'induction de la synthèse des anticorps et les multiplications cellulaires qu'elle implique. Le degré de l'immunodépression est fonction de l'intensité du rayonnement. Pour obtenir une tolérance totale, une dose létale de rayons est nécessaire. Dans ces conditions, la greffe de moelle osseuse, riche en cellules juvéniles (cf. cellules souches) ne sera pas rejetée : les cellules médullaires du donneur colonisant la moelle osseuse et la rate du receveur reconstituent le potentiel hématopoïétique (cf. sang) de ce dernier et restaurent son système de défense aux infections bactériennes, virales ou mycosiques. Cette technique peut ainsi éviter la mort par aplasie médullaire après irradiation accidentelle, comme l'a démontré, en 1958, Georges Mathé lorsqu'il a soigné ainsi et guéri des scientifiques yougoslaves qui avaient été accidentellement[...]
Pour nos abonnés, l'article se compose de 7 pages
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean PAUPE : professeur de médecine expérimentale, chef du service d'immuno-allergologie infantile à l'hôpital Necker-Enfants malades
Classification
Pour citer cet article
Jean PAUPE, « GREFFES », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
Médias

Autogreffe, xénogreffe, allogreffe et isogreffe
Encyclopædia Universalis France
Autogreffe, xénogreffe, allogreffe et isogreffe
Les quatre variétés de greffes et leurs résultats
Encyclopædia Universalis France
Autres références
-
AGENCE DE LA BIOMÉDECINE
- Écrit par Corinne TUTIN
- 6 336 mots
[...]la biomédecine est encore bien jeune pour qu'un bilan de son activité puisse être dressé. En tout cas, la journée qu'elle a organisée le 22 juin 2005 sur le don d'organes, qui renouvelait une opération mise en place cinq ans plus tôt par l'Établissement français des greffes, a été un succès. « Alors[...] -
AUTOGREFFE DE CARTILAGE
- Écrit par Jacques BAHUAUD
- 2 440 mots
On entend par autogreffe de cartilage la technique qui consiste à utiliser du tissu cartilagineux d'un sujet prélevé dans une zone indemne et non fonctionnelle afin de le réimplanter pour réparer des lésions post-traumatiques de cartilage du même sujet en toute sécurité sur le plan immunologique[...]
-
BARNARD CHRISTIAAN (1922-2001)
- Écrit par Christian CABROL
- 6 422 mots
-
BIO-INGÉNIERIE
- Écrit par Chantal GUÉNIOT
- 5 005 mots
-
BRÛLURES
- Écrit par Henri LABORIT, Bernard WEBER
- 13 659 mots
Lesgreffes sont indispensables à la cicatrisation des brûlures profondes. Elles ont été faites parfois précocement et même immédiatement. En fait, elles ne doivent être pratiquées que sur un lit tissulaire propre et sain. Elles se recueillent au dermatome dans des régions saines, doivent être fines[...] - Afficher les 35 références
Voir aussi
- FŒTALE VIE
- FŒTUS
- GANGLIONS LYMPHATIQUES
- ANTIGÈNES D'HISTOCOMPATIBILITÉ
- RÉACTION DU GREFFON CONTRE L'HÔTE
- IRRADIATION
- CORTISONE
- RADIOBIOLOGIE
- CORTICOÏDES ou CORTICOSTÉROÏDES
- HLA (Human Leucocyte Antigens) SYSTÈME
- ANTICORPS
- CHIMÉRISME
- ANTILYMPHOCYTAIRE SÉRUM
- REJET DE GREFFE
- TOLÉRANCE IMMUNITAIRE
- LYMPHOCYTES
- RÉACTION IMMUNITAIRE
- COMPLEXE MAJEUR D'HISTOCOMPATIBILITÉ (CMH)
- DÉFICIT IMMUNITAIRE ou IMMUNODÉFICIENCE
- IMMUNODÉPRESSION
- AUTOGREFFE ou GREFFE AUTOLOGUE
- CORTICOTHÉRAPIE
- CYTOTOXICITÉ
- IMMUNOGÉNÉTIQUE
- LYMPHOCYTES K
- ALLOGREFFE ou GREFFE ALLOGÉNIQUE