GRANDS SINGES

Utilisation d'outils

Comme pour le langage et la communication, la question relative à l’utilisation d’outils chez les grands singes (et autres animaux) a été et est encore largement étudiée. En effet, la fabrication et l'utilisation d'outils renvoient aux capacités d'innovation, de transmission du savoir et d'adaptation à des environnements dans lesquels des ressources importantes peuvent être accessibles seulement indirectement, grâce à un outil.

Tous les grands singes peuvent et savent manipuler des outils, en milieu naturel comme en captivité. En revanche, la fréquence d'utilisation et la complexité des outils confectionnés et(ou) utilisés diffèrent selon les espèces. Les orangs-outans s’en servent ponctuellement, notamment pour certains fruits (par exemple ceux issus d’arbres du genre Neesia). Les gorilles les utilisent très rarement en milieu naturel, les premières observations datant seulement de 2005. Ce sont les chimpanzés qui fabriquent et manient le plus d'outils en milieu naturel. Par exemple, avec deux grosses pierres servant de marteau et d’enclume, ils cassent des noix de palme. Cette activité a notamment été observée en Guinée (zone de Bossou) et en Côte d'Ivoire (région de Taï). Au Sénégal, aux alentours de Fongoli, des chimpanzés sont capables de fabriquer une « mini-lance » (branche débarrassée de ses feuilles et mâchouillée à l’une de ses extrémités pour en faire un bout plus ou moins pointu) qui leur permet de chasser des galagos (petits primates nocturnes) logés le jour dans le creux des arbres. D’autres confectionnent des « éponges » avec des feuilles afin de récupérer de l'eau dans des trous d'arbres. Cependant, certaines communautés n'utilisent pratiquement pas d'outils (bien qu'elles vivent parfois dans le même type d'habitat qu'une autre communauté de chimpanzés se servant d’outils). Cela pourrait être dû aux contraintes écologiques de chaque habitat, mais aussi à des habitudes au sein de la communauté avec transmission culturelle.

Quant aux bonobos, en milieu naturel, ils ne se servent que très rarement d'outils, ces derniers étant relativement simples (comme se mettre une grande feuille sur la tête pour se protéger de la pluie) et ne visant pas à acquérir de la nourriture. En captivité, ils se montrent en revanche tout aussi doués que les chimpanzés pour élaborer et utiliser des outils pour accéder à de la nourriture cachée, par exemple. Ces observations ont conduit les scientifiques à se demander pourquoi les bonobos n'utilisaient pas d'outils en milieu naturel. Peut-être n’en ont-ils tout simplement pas besoin, leur habitat étant considéré comme plus stable et plus riche en fruits que celui des chimpanzés ? Cette question est encore largement étudiée et il n’y a pas de consensus pour cette hypothèse.

L’utilisation d’outils a largement stimulé les réflexions concernant la culture chez les grands singes. Désormais, les primatologues s'accordent sur le fait qu'il existe bien une culture chez ces animaux, notamment parce que certains comportements sont sans lien avec les facteurs génétiques ou environnementaux, et ne peuvent s’expliquer que par un apprentissage social. Par exemple, la « danse de la pluie » n’est pas observée chez toutes les communautés de chimpanzés étudiées et elle ne semble pas avoir d’utilité particulière. Lorsque la pluie commence à tomber, certains individus se dressent sur leurs deux jambes (se mettent en bipédie) et effectuent une sorte de danse lente autour des arbres. C’est comme s’ils chargeaient au ralenti un individu imaginaire. Cette question de la culture reste encore parfois débattue, certains chercheurs rejetant l'idée d'une continuité entre culture humaine et animale.