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GRAMMAIRES (HISTOIRE DES) Les grammairiens grecs

L'emboîtement des éléments du « logos »

Cette pédagogie, dont l'efficacité peut à juste titre être mise en doute, reflète à sa façon une intuition fondamentale et sans cesse réaffirmée de la pensée grammaticale des Grecs : le discours – logos – se constitue par assemblage – sunthesis, suntaxis – d'éléments (stoikheia) selon un processus hiérarchisé en niveaux. Deux citations, séparées par environ six siècles, illustrent bien la permanence de cette idée. Dans le cours de la recherche sur la justesse des noms, à laquelle est consacré le Cratyle de Platon, Socrate se laisse emporter (c'est lui qui le dit) à embrasser l'ensemble du processus de production du logos (Crat., 424 d-425 a) : « [De même que les peintres mêlent les couleurs], de même nous autres, nous appliquerons aux choses les sons élémentaires (stoikheia), un à chaque chose, selon qu'il paraîtra nécessaire, ou plusieurs ensemble, formant ce qu'on appelle des syllabes (sullabas), puis composant à leur tour les syllabes qui sont les composants des noms (onomata) et des verbes (rhèmata) ; puis, derechef, à l'aide des noms et des verbes nous constituerons un objet qui allie la beauté à la complétude d'un tout : le logos. » Écoutons maintenant Apollonius Dyscole, le maître de la grammaire alexandrine au iie siècle de notre ère, poser, au seuil de son traité Peri suntaxeôs (De la construction), la thèse de l'homologie constructionnelle entre les niveaux (p. 2 Uhlig) : « Bien à l'avance déjà les éléments (stoikheia), mentionnés en premier en tant que matière indivisible, préfigurent la construction, car les enchaînements d'éléments ne se font pas au hasard, mais dans les limites de la construction correcte... Au niveau au-dessus, la syllabe (sullabè) est soumise au même principe, puisque les constructions qui assemblent les syllabes doivent être complètes et correctes pour produire le mot (lexis). Et il s'ensuit clairement que les mots, qui sont les parties de la phrase complète bien construite (meros tou kata suntaxin autotelous logou), sont soumis à leur tour à la congruence (katallèlotès) de la construction. »

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Écrit par

  • : maître assistant à l'École normale supérieure

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Pour citer cet article

Jean LALLOT. GRAMMAIRES (HISTOIRE DES) - Les grammairiens grecs [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • ARABE (MONDE) - Langue

    • Écrit par
    • 9 385 mots
    • 3 médias
    ...c'est-à-dire qu'il en fût tiré un corps de règles, une claire description d'un usage devenu coercitif. La tradition impute l'initiative de la constitution d'une grammaire au calife ‘Alī, qui l'aurait ordonnée pour défendre précisément la pureté linguistique du texte sacré contre les risques de corruption que lui...
  • ARISTOPHANE DE BYZANCE (257 av. J.-C.?-? 180 av. J.-C.)

    • Écrit par
    • 192 mots

    Directeur de la bibliothèque d'Alexandrie vers ~ 195, Aristophane de Byzance publia une version d'Homère, la Théogonie d'Hésiode, Alcée, Pindare, Euripide, Aristophane et peut-être Anacréon. Un grand nombre des « arguments » qui figurent au début des manuscrits de comédies et...

  • BEAUZÉE NICOLAS (1717-1789)

    • Écrit par
    • 278 mots

    Né à Verdun, Beauzée s'attache d'abord aux sciences et aux mathématiques avant de s'intéresser à la grammaire. Lorsque Dumarsais meurt en 1756, Beauzée lui succède à la rédaction des articles de grammaire de l'Encyclopédie. Il publie en 1767 sa Grammaire générale ou...

  • CORAN (AL-QURĀN)

    • Écrit par et
    • 13 315 mots
    • 1 média
    ...qui faisait de la langue arabe en général, et du texte coranique en particulier, l'insurpassable expression de la transcendance elle-même. Commentaires grammaticaux et recherches philologiques n'ont donc pas été, dans l'Islam des origines et jusque dans le monde islamique contemporain, des disciplines...
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