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LESSING GOTTHOLD EPHRAIM (1729-1781)

Lessing, premier grand critique littéraire et fondateur de la critique théâtrale en Allemagne, fut le « libérateur » de la scène allemande à laquelle il a donné quelques pièces demeurées classiques. Au temps de Diderot et de Voltaire, il se révéla comme la meilleure plume de son pays au service de la philosophie des Lumières. Historien des arts, des religions, polémiste et quelquefois théologien, il a été un représentant éminent de l'Europe des Lumières, bourgeoise et cosmopolite.

Pour un théâtre allemand

Gotthold Ephraim Lessing - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Gotthold Ephraim Lessing

La famille Lessing était établie à Kamenz, en Lusace (Saxe) : c'est là que naquit Gotthold Ephraim Lessing. Son père, pasteur luthérien, lui fit donner une excellente formation grecque, latine et française avant de l'envoyer étudier la théologie à Leipzig. Un an plus tard, après un violent conflit avec lui, Lessing abandonnait les études de théologie, passait pour peu de mois à la médecine et, finalement, décidait de se consacrer au théâtre. Un des premiers en Allemagne, il allait tenter de vivre de sa plume. Jusque-là, les poètes avaient toujours plus ou moins dépendu de la faveur des princes ; Lessing, sa vie durant, vécut des revues auxquelles il collabora et de ses pièces : en fin de compte, de la faveur du public. Le premier en Allemagne, il s'est appuyé sur la bourgeoisie des villes, sur un public de femmes et d'hommes « éclairés » qu'il appelait à fonder et soutenir une culture allemande moderne, rationaliste, en même temps fidèle aux traditions nationales et ouverte à l'Europe. Il a vivement combattu le théâtre classique français, mais il était proche de Diderot et son action a souvent ressemblé à celle des Encyclopédistes.

Ses premières pièces de théâtre, intitulées Le Libre Penseur (Der Freigeist) et Les Juifs (Die Juden), sont oubliées mais montrent une verve qui lui avait valu à Leipzig, dès ses jeunes années, le renom d'être un Molière allemand. Leurs sujets ne manquaient pas de hardiesse, en particulier quand il raille les préjugés et l'hostilité systématique envers les juifs. En 1765, il donnait, avec Miss Sarah Sampson, un drame bourgeois, inspiré du théâtre anglais, sur un sujet contemporain, dans le simple cadre d'une auberge. Cette œuvre était destinée à illustrer une idée que Lessing opposait aux admirateurs allemands du théâtre classique français : « Il est certain que si l'Allemand voulait, au théâtre, suivre son penchant naturel, notre scène ressemblerait plus à l'anglaise qu'à la française. » Corneille et Molière allaient bientôt être chassés de la scène allemande par Shakespeare.

En marge de ses polémiques, menées en particulier à Berlin dans les Lettres sur la littérature (Literaturbriefe, 1759-1765), Lessing publiait en 1766 un ouvrage classique sur la théorie des arts : Laokoon ou les Limites entre peinture et poésie (Laokoon oder über die Grenzen der Malerei und der Poesie). Cette question des différences entre peinture et poésie a été beaucoup débattue dans un siècle où on parlait encore de la peinture comme d'une « poésie muette ». L'analyse très serrée de Lessing a eu le mérite d'établir que poésie et peinture diffèrent aussi fondamentalement que le temps et l'espace, les actions et les objets.

Lessing traduisit le théâtre bourgeois de Diderot et, en 1767, donna lui aussi une « comédie sérieuse » : Minna von Barnhelm, dont la parution marque une des grandes dates de l'histoire du théâtre allemand. Pour la première fois on voyait à la scène la réalité contemporaine ; au jugement de Goethe, « cette pièce est le produit le plus vrai de la guerre de Sept Ans ; elle est d'un contenu national parfaitement représentatif de l'Allemagne du Nord ; elle est la première œuvre théâtrale tirée de la vie, d'un événement important, spécifiquement de son temps ; son effet fut[...]

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Pour citer cet article

Pierre GRAPPIN. LESSING GOTTHOLD EPHRAIM (1729-1781) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Gotthold Ephraim Lessing - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Gotthold Ephraim Lessing

Autres références

  • LAOCOON, OU DES FRONTIÈRES DE LA PEINTURE ET DE LA POÉSIE, Gotthold Ephraim Lessing - Fiche de lecture

    • Écrit par Elisabeth DÉCULTOT
    • 1 269 mots
    • 2 médias

    S'il fallait résumer le Laocoon de Gotthold Ephraim Lessing (1729-1781) aux seules thèses qui en constituent l'armature apparente, on arriverait à un résultat malingre et de surcroît peu original pour le xviiie siècle. D'une démonstration hérissée de détails érudits émergent deux axiomes...

  • NATHAN LE SAGE, Gotthold Ephraim Lessing - Fiche de lecture

    • Écrit par Jean-Louis BESSON
    • 834 mots
    • 1 média

    Poème dramatique en cinq actes et en vers, Nathan le Sage fut écrit par l'Allemand Gotthold Ephraim Lessing (1729-1781) entre novembre 1778 et mars 1779. Dans cette pièce marquée par l'esprit des Lumières, l'auteur riposte aux attaques dont il avait fait l'objet de la part de pasteurs dogmatiques...

  • ALLEMANDES (LANGUE ET LITTÉRATURES) - Littératures

    • Écrit par Nicole BARY, Claude DAVID, Claude LECOUTEUX, Étienne MAZINGUE, Claude PORCELL
    • 24 585 mots
    • 29 médias
    ...allemandes sortent soudain de l'ombre où les avaient confinées depuis un siècle les désastres de la guerre de Trente Ans. Trois écrivains en même temps : Lessing, Klopstock, Wieland. Le premier (1729-1781) est un combattant : il aime l'action, le défi, les idées nouvelles ; champion de la tolérance, s'essayant...
  • CRITIQUE D'ART

    • Écrit par Jean Louis SCHEFER
    • 2 904 mots
    • 1 média
    On doit sans doute à Lessing la première tentative de caractérisation du signe pictural dans sa spécificité, par une subdivision des catégories aristotéliciennes de mimèsis (répétition figurative) et de diégèse(narration) : « S'il est vrai, lit-on dans le Laocoon, que la peinture...
  • DRAME - Drame romantique

    • Écrit par Anne UBERSFELD
    • 4 598 mots
    • 5 médias
    La théorie du drame romantique connaît son début en Allemagne en plein xviiie siècle avec Lessing et sa Dramaturgie de Hambourg (Laocoon, 1766) qui annonce d'abord le drame bourgeois. Ces textes décisifs marquent une rupture violente avec les idéaux du classicisme français et sont un...
  • EMPFINDSAMKEIT, littérature

    • Écrit par Véronique KLAUBER
    • 654 mots

    L'Empfindsamkeit, la plus forte et la plus universelle des manifestations préromantiques, déferla d'Ouest en Est entre 1740 et 1790 sur toute l'Europe littéraire et artistique. La vague, partie de l'Angleterre, balaya devant elle le rationalisme tranquille de l'Aufklärung (les Lumières) pour...

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