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GÖBEKLI TEPE, site archéologique

Un bestiaire de chasseurs

Plan du site de Göbekli Tepe - crédits : Encyclopædia Universalis France

Plan du site de Göbekli Tepe

Les constructions circulaires ou légèrement ovales qui ont déjà été fouillées sont désignées par des lettres. La construction A comprend six piliers déjà dégagés, la construction B neuf, la C dix-huit et, enfin, la D treize. Il est à noter que la faune sauvage consommée, dont des ossements ont été retrouvés sur le site – gazelles, bovidés et onagres –, n’est que très rarement représentée sur les bas-reliefs contrairement aux animaux traditionnellement peu consommés – carnivores, reptiles – ou dont le capital en viande ne constitue pas le principal attrait. On peut donc considérer que la faune des bas-reliefs privilégie des représentations mythologiques, beaucoup plus que celles d’animaux liés à l’alimentation. Outre les bas-reliefs, il existe aussi quelques sculptures en ronde-bosse, représentant les mêmes espèces animales.

Cette situation nous rappelle celle des grottes ornées du Paléolithique supérieur de l’Europe occidentale quelques millénaires plus tôt – Lascaux, Niaux ou Altamira –, où les grands herbivores (chevaux, bisons, aurochs, mammouths) dominent dans les représentations alors que les fouilles archéologiques montrent que ces populations du Magdalénien consommaient pour l’essentiel des rennes, presque jamais figurés. Il en va de même pour la thématique, plus ancienne encore, de la grotte Chauvet (vers – 35000), où dominent cette fois les animaux « dangereux » (lions, rhinocéros ou ours), qui ne faisaient pas plus partie de la diète des chasseurs-cueilleurs de l’Aurignacien.

En parallèle avec les figurations de l’Europe occidentale, on remarque aussi qu’à Göbekli Tepe les représentations humaines sont exceptionnelles. On peut mentionner, à la base d’une stèle (numérotée 43) de la construction D, voisinant avec un scorpion, un vautour, un serpent et un carnivore, une petite représentation d’un homme ithyphallique sans tête. Ainsi, en Europe comme à Göbekli Tepe, ces sociétés de chasseurs-cueilleurs se pensent essentiellement au travers des animaux : les humains ne se considèrent à cette époque que comme une espèce parmi d’autres, et plutôt fragile par rapport à certaines comme les grands carnivores, encore très présents en Asie occidentale, ou encore l’auroch, qui fut le plus grand animal de ces régions. On sait aussi que, dans les sociétés traditionnelles observées par les ethnologues, les clans ou groupes familiaux font remonter leur origine à un ancêtre mythique, souvent un animal – ce qu’on appelle le totémisme.

Ces thèmes iconographiques ne sont pas propres à Göbekli Tepe. On les retrouve sur des sites légèrement plus récents du PPNB, comme à Nevali Çori (Turquie) ou, un peu plus loin, à Jerf el Ahmar (Syrie). Le taureau, le serpent et le vautour y sont privilégiés. À Çatal Hüyük, en Anatolie centrale – où les aurochs sont omniprésents, peints sur des fresques ou sous forme de bucranes réels munis de mufles d’argile peints –, on connaît une célèbre scène peinte au VIIe millénaire représentant des vautours attaquant des hommes sans tête. On a souvent associé la présence des vautours et des défunts avec la coutume ultérieure (époques historiques) de ces régions qui consistait à exposer ces derniers en plein air, parfois dans des « tours du silence », afin qu’ils soient dévorés, et ainsi « purifiés », par les rapaces charognards. Par ailleurs, les cultes autour des crânes seront l’une des caractéristiques du Néolithique proche-oriental. Récupérés après dessiccation du corps et remisés dans des espaces particuliers – comme à Çayönü Tepesi en Turquie au VIIIe millénaire (PPNB) – voire munis d’un visage d’argile et d’yeux en coquillage, ces « crânes surmodelés » sont connus à plusieurs dizaines d’exemplaires, comme à Jéricho (Cisjordanie) ou Tell Aswad (Syrie).

Lorsque[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France

Classification

Pour citer cet article

Jean-Paul DEMOULE. GÖBEKLI TEPE, site archéologique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Plan du site de Göbekli Tepe - crédits : Encyclopædia Universalis France

Plan du site de Göbekli Tepe

Stèle ornée, Göbekli Tepe - crédits : Vincent Musi/ National Geographic Creative/ Bridgeman Images

Stèle ornée, Göbekli Tepe

Göbekli Tepe, Turquie - crédits : Jean-Paul Demoule

Göbekli Tepe, Turquie

Autres références

  • CHASSEURS-CUEILLEURS (archéologie)

    • Écrit par Jean-Paul DEMOULE
    • 4 727 mots
    • 3 médias
    ...les pratiques rituelles ne laissent pas nécessairement de traces reconnaissables. On considère néanmoins les constructions circulaires mégalithiques de Göbekli Tepe, dans le sud de la Turquie, remontant à environ 9 500 avant notre ère, juste au moment de l’émergence du Néolithique, comme les « premiers...
  • FIGURATION, paléolithique et néolithique

    • Écrit par Jean-Paul DEMOULE
    • 4 571 mots
    • 6 médias
    ...semblent plutôt relever de cultes domestiques, sont élevées les premières constructions à but exclusivement cérémoniel et sans doute religieux. Ainsi, à Göbekli Tepe (Turquie), une vingtaine de constructions circulaires en pierres sèches, d’une vingtaine de mètres de diamètre, englobaient dans leurs murs...

Voir aussi