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JACOBI FRIEDRICH HEINRICH (1743-1819)

Spinozisme, athéisme et fatalisme

Toutefois, dans les années mêmes où il allait se trouver engagé dans le débat sur le spinozisme, Jacobi commença à douter de la possibilité de la morale et de la liberté, thème central de ses romans. En 1782, dans une lettre à la princesse Gallitzin, il se demande si l'on peut vraiment nier cette nécessité que les Anciens ont illustrée par le thème du destin.

Quoi qu'il en soit, le point de départ de la polémique sur le spinozisme fut occasionnel : au cours d'un voyage en Allemagne du Nord, en 1780, Jacobi avait rencontré Lessing qui, en commentant le Prométhée de Goethe, n'avait pas hésité à se déclarer spinoziste. Par la suite, ayant appris que Moses Mendelssohn, l'un des plus grands représentants de la philosophie des Lumières à Berlin, avait l'intention d'écrire un ouvrage à la mémoire de Lessing, disparu en 1781, Jacobi crut devoir l'informer de la conversation qu'il avait eue avec Lessing ; cette nouvelle jeta Mendelssohn dans la stupeur et l'embarras ; il s'ensuivit alors un échange de lettres, lesquelles, avec des modifications et appendices divers, furent publiées d'abord en 1785, puis en 1789, et enfin dans le quatrième volume des œuvres de Jacobi. Mais, en réalité, dans cet écrit (Über die Lehre des Spinoza in Briefen an Herrn M. Mendelssohn), il reste fidèle au développement le plus profond de sa pensée. Tout en admirant la rigoureuse cohérence de Spinoza, il y voit la raison de repousser non seulement cette philosophie, mais toute philosophie qui prétendrait à une universelle démonstration en se fondant sur le principe d'identité, c'est-à-dire sur les antiques axiomes idem est idem (ce qui en est identique à soi-même) et ex nihilo nihil fit (rien ne naît du néant). Par cette voie, en effet, on ne peut pas plus expliquer la causalité en l'homme en tant que liberté qu'en Dieu en tant que création et providence, mais on est contraint de nier tout devenir effectif, en réduisant toute réalité à une morte et vide identité, privée de ses déterminations et caractéristiques individuelles. Jacobi condamne aussi – dirigeant alors ses critiques contre Herder et, implicitement, contre Goethe – des formes intermédiaires de naturalisme qui tendent à exclure la liberté et la création en faisant appel, sans tomber pourtant dans le mécanisme et dans le finalisme, à une sorte de finalité et de spontanéité intérieures à la nature et à la divinité. La tâche de la vraie philosophie est au contraire de démasquer les apparentes conciliations et les compromis intenables, et d'insister toujours plus sur l'opposition entre ceux qui reconnaissent par la foi (ce prétendu « saut mortel ») Dieu, la liberté, l'existence – c'est-à-dire, comme l'exprime souvent Jacobi, les philosophes de type platonicien – et ceux qui, à l'inverse, en prétendant démontrer ces certitudes premières, les dissolvent et tombent nécessairement dans les formes les plus absolues du mécanisme, de l'athéisme et du fatalisme.

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Écrit par

  • : dottore in filosofia e professore ordinario di storia della filosofia nell'università di Roma

Classification

Pour citer cet article

Valerio VERRA. JACOBI FRIEDRICH HEINRICH (1743-1819) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • NOSTALGIE

    • Écrit par Marie-Claude LAMBOTTE
    • 5 254 mots
    • 1 média
    ...orientation de pensée que Kant et Fichte, affirme les limites de la raison devant le sentiment d'infinitude absolue qu'elle ne pourra jamais résoudre. Aussi bien, la nostalgie, qui tend vers l'éternité de l'objet au sens où celui-ci, pour Jacobi, garantirait la valeur et la pérennité de l'...
  • SPINOZA BARUCH (1632-1677)

    • Écrit par Robert MISRAHI
    • 12 159 mots
    • 1 média
    L'Europe cultivée est, au xviiie siècle, relativement unifiée. Tandis que d'Holbach traduit Toland, que Mirabeau lit d'Holbach, Toland et Spinoza, Diderot rencontre Herder à Paris et s'entretient avec lui de Spinoza ; mais il a également une correspondance avec Jacobi.

Voir aussi