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LISZT FRANZ (1811-1886)

Les années 1840 : le retour à la Hongrie natale

En moins de dix ans, Liszt, le virtuose, va parcourir à plusieurs reprises toute l'Europe. Il mène une vie qui, même avec les moyens de communication d'aujourd'hui, demanderait une énergie au-dessus de la moyenne. Mais il ne se contente pas de voyager : il donne des concerts et compose sans trêve. Partout où il passe, il exerce une action stimulante sur la vie et l'activité musicales. Il donne souvent des récitals dans des buts charitables, et participe à toutes les bonnes œuvres qu'il juge utiles. Il propage avec zèle les œuvres de ses prédécesseurs et même celles de ses contemporains importants et moins importants ; il les joue plus souvent, peut-être, que les siennes propres. C'est à cette époque qu'est né le mythe d'un Liszt dévoué, accomplissant une mission artistique et sociale. Le compositeur s'identifie parfaitement à ce rôle créé à son usage, au détriment même de sa propre activité créatrice. C'est également l'époque où ses horizons, sa culture et sa musicalité trouvent leur dimension véritablement européenne ; dans cette Europe, il va retrouver sa Hongrie natale. Il y est attiré au début par les signes extérieurs d'une reconnaissance et par un accueil plus passionné, peut-être, qu'ailleurs ; mais, au fur et à mesure, il va pénétrer plus avant dans la vie spirituelle, mentale et musicale du peuple hongrois, dont il connaîtra de mieux en mieux les problèmes particuliers, le destin, les idéaux, les défauts et les valeurs. Il s'efforcera dès lors de contribuer activement à l'élévation culturelle de cette petite nation dont il n'apprendra jamais parfaitement la langue, mais dont le langage musical spécifiquement national, sinon populaire, deviendra peu à peu le sien. Ce processus est particulièrement bien illustré par les phases successives du cycle des Rhapsodies hongroises où, dans les premières versions (les Magyar Dallok, « Chant hongrois »), les transcriptions des mélodies toutes faites, à prétention populaire, sont encore prédominantes. Plus tard, les variantes personnelles, les idées originales « à la hongroise » se multiplient pour arriver, dans la rhapsodie la plus réussie, à l'élaboration d'un idiome à la fois national et typiquement « lisztien ». Les éléments hongrois du langage musical de Liszt s'intégreront plus tard dans son style « international » et en deviendront des parties organiques. C'est encore au cours de ses « années de pèlerinage » que Liszt se familiarise avec les musiques allemande et russe (il se lie personnellement avec Wagner, Glinka, Alexandre Dargomyjski). Son art doit beaucoup à ces deux cultures musicales, mais l'inverse est également vrai : les membres du « Groupe des Cinq » verront en lui l'apôtre et le précurseur de leurs propres options, et, sur la bannière (imaginaire) de la « nouvelle école allemande » pratiquant la musique à programme, on verra figurer, à côté du nom de Wagner, celui de Liszt. Il n'est pas de compositeur, contemporain ou postérieur, si « officiellement » opposées soient les tendances qu'il représente, qui n'ait profité de l'activité musicale liée à la « vie publique » de Liszt, et surtout de son art. Enfin, deux éléments biographiques importants interviennent alors : au cours de ses tournées, Liszt s'arrête de plus en plus souvent à Weimar, qui fut autrefois la ville des Muses ; il caresse l'idée de s'y établir, de s'y fixer définitivement. L'autre élément est l'apparition d'une femme dans sa vie. Quelques années après sa séparation définitive d'avec Marie d'Agoult, il fait la connaissance, en 1847, de la princesse Carolyne Sayn-Wittgenstein, en qui il voit la compagne idéale pour commencer une vie nouvelle. Carolyne, sans devenir une compagne vraiment[...]

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Écrit par

  • : diplômée en musicologie à l'académie de musique Franz-Liszt à Budapest, musicologue, docteur de troisième cycle en esthétique et sciences d'art à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, maître de recherche à l'Institut de musicologie

Classification

Pour citer cet article

Marta GRABOCZ. LISZT FRANZ (1811-1886) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Liszt - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Liszt

Liszt et ses amis - crédits : Three Lions/ Hulton Archive/ Getty Images

Liszt et ses amis

Autres références

  • SONATE POUR PIANO EN SI MINEUR (F. Liszt)

    • Écrit par Pierre BRETON
    • 278 mots

    Née à la fin du xviie siècle sous la plume de Johann Kuhnau – dont les six célèbres « sonates à programme » des Histoires bibliques sont éditées en 1700 –, la sonate pour clavier prend d'abord la forme de courts et brillants exercices : les Essercizi per gravicembalo (clavecin)...

  • ALBÉNIZ ISAAC (1860-1909)

    • Écrit par André GAUTHIER
    • 1 685 mots
    • 1 média
    ...retrouve peu après à Bruxelles, grâce à une bourse d'études offerte par le roi Alphonse XII, puis, en 1880, à Budapest, où il réalise son rêve de rencontrer Liszt. Il accompagne le vieux maître à Rome et à Weimar, apprenant de lui, plus que les derniers secrets de la virtuosité transcendante, la portée universelle...
  • ARRANGEMENT, musique

    • Écrit par Michel PHILIPPOT
    • 4 319 mots
    • 1 média
    ...d'arrangements célèbres et fort différents : le premier par Berlioz, sous le titre de Marche hongroise dans son oratorioLa Damnation de Faust, le second par Liszt dans sa Quinzième Rhapsodie pour piano. D'autres fois, les arrangements s'adressaient à des œuvres que nous estimons classiques mais qui, au moment...
  • ATONALITÉ

    • Écrit par Juliette GARRIGUES, Michel PHILIPPOT
    • 4 382 mots
    • 9 médias
    ...utiliser, pour terminer une œuvre musicale, la cadence parfaite et, progressivement, à abandonner jusqu'à l'accord parfait sur la tonique comme accord final. Il semble que le premier musicien qui se soit permis cette licence ait été Liszt, dans deux pièces pour piano intitulées Trübe Wolken (Nuages gris...
  • BARTÓK BÉLA (1881-1945)

    • Écrit par Jean GERGELY
    • 7 809 mots
    • 2 médias
    ...fervent exprimé dans un langage musical allemand » d'après Kodály. Mais il dépasse ses modèles. La Rhapsodie op. 1 est plus lisztienne que la musique de Liszt d'une certaine époque, tout comme les Études. Dans les deux Suites, sa personnalité s'affirme intégralement ; à côté des éléments du passé...
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Voir aussi