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LISZT FRANZ (1811-1886)

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Weimar et l'activité créatrice

La période de Weimar (1848-1861) est la plus calme et la plus équilibrée de la vie de Liszt. Pourtant, ces quatorze années compteront bien des incidents. Car l'exhibition, la société et le succès sont devenus pour l'artiste une passion nuisible mais indispensable. Par ailleurs, le mode de vie à la fois superficiel et rigoureux, fondé en partie sur des obligations sociales, que lui impose Carolyne, se révèle trop accablant pour lui. Carolyne s'arroge en effet le droit d'intervenir, d'une façon agressive, dans tous les détails de la vie de son compagnon, dans ses relations avec ses enfants, et jusque dans son activité créatrice.

La lutte du compositeur pour promouvoir la musique nouvelle ne fait que commencer ; lutte avec lui-même pour parvenir à la tranquillité extérieure et intérieure nécessaire à tout travail continu et régulier ; lutte contre l'indifférence toute bourgeoise de la petite ville endormie ayant oublié depuis longtemps son passé glorieux, contre les possibilités matérielles insuffisantes et l'esprit étroit de la cour ; lutte contre les détracteurs de plus en plus nombreux de son art ; et toujours, comme ce sera le cas jusqu'à la fin de sa vie, lutte pour la consécration des œuvres de ses contemporains (Schumann, Berlioz, Wagner), même si ces illustres compositeurs se sont montrés parfois ingrats à son égard, en appréciant mal son art et son abnégation. L'enseignement, qui exige de lui beaucoup d'énergie et dont il se chargera jusqu'à la fin de sa vie, la mort en 1859 de son fils Daniel, la protestation ouverte des représentants de la tendance « conservatrice » contre la musique nouvelle et Liszt (notamment dans un texte de 1860 signé, entre autres, par Joseph Joachim et Brahms), les intrigues renouvelées de la cour de Weimar : autant d'entraves au travail paisible de création tant désiré par Liszt et depuis si longtemps. Mais, même dans les conditions les plus défavorables, son talent s'affirme irrésistiblement : durant les années de Weimar, Liszt a créé un grand nombre d'œuvres importantes. C'est à cette époque que ses recherches de jeunesse, ses essais prometteurs mais inaboutis, ses tentatives pour exploiter plusieurs voies destinées à renouveler le langage musical (qui s'alimentait jusqu'alors à des sources hétérogènes, incompatibles les unes avec les autres) ont mûri pour former un style uni malgré son caractère éclectique, et déboucher sur une conception grandiose de l'écriture musicale. La perfection qui hante l'artiste n'est atteinte que dans quelques compositions : ainsi, et avant tout, dans la Faust-Symphonie et la Sonate en si mineur ; mais, là encore, après plusieurs remaniements, Liszt n'est, pour ainsi dire, jamais content de lui-même ; sa nature créatrice vise toujours plus haut et ne lui permet pas de considérer une œuvre comme définitive ou achevée. Sa méthode de travail le montre bien : corrections, additions, remaniements continuels. De chaque pièce, nous connaissons des versions innombrables dont la dernière n'est pas toujours la meilleure, et il n'est pas facile de choisir la variante la plus accomplie ou la plus conforme à la pensée du créateur. Pourtant, ces compositions, même inachevées, sont des chefs-d'œuvre. La série de douze poèmes symphoniques (Le Tasse, Les Préludes, Mazeppa, Hungaria, etc.) représente le triomphe de la musique à programme. C'est grâce à ce genre nouveau inventé par lui que Liszt est parvenu au renouvellement fondamental, sur les plans de la forme et du contenu, de la symphonie traditionnelle (Dante – et Faust-symphonies). Parmi les œuvres écrites pour piano et orchestre, les deux Concertos (en mi bémol majeur et en la majeur) méritent une mention particulière, ainsi que la Danse macabre, dans laquelle[...]

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Écrit par

  • : diplômée en musicologie à l'académie de musique Franz-Liszt à Budapest, musicologue, docteur de troisième cycle en esthétique et sciences d'art à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, maître de recherche à l'Institut de musicologie

Classification

Pour citer cet article

Marta GRABOCZ. LISZT FRANZ (1811-1886) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 21/03/2024

Médias

Liszt - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Liszt

Liszt et ses amis - crédits : Three Lions/ Hulton Archive/ Getty Images

Liszt et ses amis

Autres références

  • SONATE POUR PIANO EN SI MINEUR (F. Liszt)

    • Écrit par
    • 278 mots

    Née à la fin du xviie siècle sous la plume de Johann Kuhnau – dont les six célèbres « sonates à programme » des Histoires bibliques sont éditées en 1700 –, la sonate pour clavier prend d'abord la forme de courts et brillants exercices : les Essercizi per gravicembalo (clavecin)...

  • ALBÉNIZ ISAAC (1860-1909)

    • Écrit par
    • 1 685 mots
    • 1 média
    ...retrouve peu après à Bruxelles, grâce à une bourse d'études offerte par le roi Alphonse XII, puis, en 1880, à Budapest, où il réalise son rêve de rencontrer Liszt. Il accompagne le vieux maître à Rome et à Weimar, apprenant de lui, plus que les derniers secrets de la virtuosité transcendante, la portée universelle...
  • ARRANGEMENT, musique

    • Écrit par
    • 4 319 mots
    • 1 média
    ...d'arrangements célèbres et fort différents : le premier par Berlioz, sous le titre de Marche hongroise dans son oratorioLa Damnation de Faust, le second par Liszt dans sa Quinzième Rhapsodie pour piano. D'autres fois, les arrangements s'adressaient à des œuvres que nous estimons classiques mais qui, au moment...
  • ATONALITÉ

    • Écrit par et
    • 4 382 mots
    • 9 médias
    ...utiliser, pour terminer une œuvre musicale, la cadence parfaite et, progressivement, à abandonner jusqu'à l'accord parfait sur la tonique comme accord final. Il semble que le premier musicien qui se soit permis cette licence ait été Liszt, dans deux pièces pour piano intitulées Trübe Wolken (Nuages gris...
  • BARTÓK BÉLA (1881-1945)

    • Écrit par
    • 7 809 mots
    • 2 médias
    ...fervent exprimé dans un langage musical allemand » d'après Kodály. Mais il dépasse ses modèles. La Rhapsodie op. 1 est plus lisztienne que la musique de Liszt d'une certaine époque, tout comme les Études. Dans les deux Suites, sa personnalité s'affirme intégralement ; à côté des éléments du passé...
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