FONCTIONS ANALYTIQUES Représentation conforme
La représentation conforme la plus anciennement connue est la projection stéréographique, inventée par les Grecs (Hipparque, Ptolémée). Les problèmes cartographiques conduisirent à la découverte d'autres applications conservant les angles d'un domaine sphérique sur un domaine plan, telle la projection de Mercator (xvie siècle). Au début du xixe siècle, Carl Friedrich Gauss étudia systématiquement les propriétés intrinsèques des surfaces de l'espace habituel ; en particulier, il examina les applications bijectives d'une surface sur une autre qui sont différentiables, ainsi que leur réciproque, et qui conservent les angles. La notion de représentation conforme reçut un nouvel éclairage avec l'avènement de la théorie des fonctions d'une variable complexe, à laquelle elle est intimement liée. Bernhard Riemann sut exploiter cette relation de façon particulièrement féconde, introduisant la notion de surface de Riemann, qui résout les difficultés dues aux « fonctions multiformes » et donne un cadre convenable à la théorie du prolongement analytique. Cette théorie pose un certain nombre de problèmes topologiques qui ont conduit Bernhard Riemann et Henri Poincaré à développer les premières bases de la topologie algébrique.
Définition
La représentation conforme
Considérons un domaine D du plan R2. On dit qu'une application différentiable f de D dans R2 est conforme en un point z0 de D si sa dérivée (ou application linéaire tangente) D1 f (z0) en z0 conserve les angles orientés (cf. calcul infinitésimal – Calcul à plusieurs variables). En convenant que l'angle en z0 de deux chemins différentiables γ1 et γ2 passant par z0 est l'angle de leurs tangentes en z0, on voit que cette condition revient à la suivante : l'angle orienté en f (z0) des chemins images f ∘ γ1 et f ∘ γ2 est égal à l'angle orienté de γ1 et γ2 en z0, quels que soient les chemins γ1 et γ2 différentiables passant par z0.
On sait qu'une application linéaire du plan dans lui-même, qui conserve les angles orientés est une similitude directe de centre O. Ainsi, la conformité de f en z0 signifie que l'application linéaire tangente D1f (z0) est une similitude directe. Il est très commode de représenter les similitudes à l'aide de la multiplication des nombres complexes. Dans la suite, on considérera que le plan est le corps des nombres complexes C, et l'on écrira x + iy pour le point (x, y) du plan (cf. nombrescomplexes) ; une similitude directe de centre O est alors une application de la forme z ↦ az, où a est un nombre complexe non nul dont le module et l'argument sont respectivement le rapport et l'angle de la similitude ; dans la base canonique (1, i) de C sur R, la matrice de la similitude considérée s'écrit :
Dire que f est conforme en z0 revient donc à dire que sa dérivée est de la forme h ↦ ah, avec a ∈ C, a ≠ 0 ; par conséquent, le rapport :
Ainsi toute fonction holomorphe f dans D, dont la dérivée ne s'annule pas, est conforme en tout point de D. Or on peut montrer que l'image d'une partie ouverte de C par une fonction holomorphe non constante est ouverte ; l'image du domaine D par une fonction holomorphe non constante f est donc un domaine f (D). De plus, si f est injective (on dit quelquefois univalente), sa dérivée ne s'annule pas ; f définit une bijection de D sur f (D) dont l'application réciproque est holomorphe dans f (D) ; f est alors une représentation conforme de D sur f (D). Les domaines D et f (D) sont dits conformément équivalents, ou encore isomorphes ; en ce qui concerne la théorie des fonctions analytiques, ils ont les mêmes propriétés, car l'application : g ↦ g∘f est une bijection de l'ensemble des fonctions holomorphes dans f (D) sur l'ensemble des fonctions holomorphes dans D. Enfin, si g est une représentation conforme de f (D) sur un nouveau domaine D′, la composée g∘f est une représentation conforme de D sur D′.
Exemples de représentations conformes
Chaque fonction holomorphe injective dans un domaine D définit une représentation conforme de D sur f (D). Par exemple, la fonction z ↦ z2 est holomorphe et injective dans le demi-plan supérieur, défini par Im z > 0 ; son image est le complémentaire dans C de R*+ (ensemble des nombres réels strictement positifs), c'est-à-dire le plan fendu suivant le demi-axe réel positif. Comme :
La parabole (1) admet l'axe réel pour axe de symétrie ; son foyer est en O et son sommet d'ordonnée positive. L'image de la demi-droite x = 0, y > 0 est le demi-axe réel négatif. De plus, la droite y = b(b > 0) est transformée en la parabole :
Par restriction de la représentation conforme précédente, on obtient une représentation conforme du demi-plan y > b sur l'extérieur d'une parabole.
On peut étudier de la même façon la fonction holomorphe z ↦ zn (n entier > 0), qui est injective dans le secteur angulaire
Les applications réciproques de ces représentations conformes fournissent de nouveaux exemples : dans le plan fendu suivant le demi-axe réel positif, on définit sans ambiguïté la fonction z ↦ z1/n par la condition :
En composant de telles représentations conformes, on peut construire une représentation conforme d'un secteur angulaire quelconque sur un autre, par exemple sur le demi-plan supérieur. Pour préciser la représentation z ↦ z1/2 du plan fendu sur le demi-plan supérieur, décrivons les transformées des droites parallèles aux axes. L'image de la droite x = a (a ≠ 0) est la demi-hyperbole équilatère :
Étudions maintenant la représentation conforme définie par la fonction z ↦ 1/z, qui est holomorphe et injective dans C − {0} et admet pour image C − {0} ; cette transformation est sa propre réciproque (transformation involutive).
Ici :
La fonction z ↦ ez donne un nouvel exemple de représentation conforme. Elle est holomorphe dans tout le plan et sa restriction à la bande 0 < Im z < 2 π est injective ; l'image de cette bande est le plan fendu suivant le demi-axe réel positif. Comme ez = ex+iy = exeiy, c'est-à-dire |ez| = ez et arg ez = y, nous décrirons l'image à l'aide des coordonnées polaires r et θ (0 < θ < 2 π). Les segments x = constante de la bande sont transformés en cercles de centre O (privés du point réel > 0) ; les droites y = constante sont transformées en demi-droites passant par O. La transformation réciproque, notée lg, représente le plan fendu conformément sur une bande.
La fonction :
Étudions d'abord la dernière fonction : elle est holomorphe dans le plan privé de O, et prend la même valeur aux points u et 1/u ; restreinte à l'extérieur |u| > 1 du disque unité, elle est injective et représente conformément l'extérieur du disque unité sur le plan privé de l'image du cercle unité, c'est-à-dire le plan privé du segment d'extrémité − 1 et 1. Si u = reiθ (r > 1), les coordonnées de son image sont :
Il est maintenant facile de voir que la fonction cos définit une représentation conforme de la demi-bande 0 < Re z < 2 π, Im z > 0 sur le plan privé de la demi-droite Im z = 0, Re z > − 1.
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Écrit par
- Christian HOUZEL : directeur de recherche au C.N.R.S., professeur à l'université de Paris-VIII-Denis-Diderot
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Voir aussi
- HOMOGRAPHIE
- GÉOMÉTRIES NON EUCLIDIENNES
- GENRE D'UNE COURBE OU D'UNE SURFACE
- HOMÉOMORPHISME
- CARTE, topologie
- ATLAS ANALYTIQUE
- APPLICATION CONFORME
- VARIÉTÉ ANALYTIQUE COMPLEXE
- STÉRÉOGRAPHIQUE PROJECTION
- REPRÉSENTATION CONFORME
- RIEMANN SURFACE DE
- INVERSION, mathématiques
- DOMAINE, mathématiques
- DÉRIVATION COMPLEXE
- SCHWARZ KARL HERMANN AMANDUS (1843-1921)
- RIEMANN SPHÈRE DE
- FONCTION HOLOMORPHE
- SIMILITUDE, mathématiques
- EXPONENTIELLE FONCTION