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FELLINI FEDERICO (1920-1993)

En exploitant jusqu'à leurs ultimes conséquences deux traditions cinématographiques chères à l'Italie, le « spectacle » en tant que tel et une familiarité avec l'« au-delà » moins fantastique que secrètement (et ironiquement) intégrée à la vie quotidienne, Fellini s'est imposé comme l'un des rares cinéastes de la Péninsule dont la renommée mondiale ne soit pas seulement due à un succès d'estime. Cinéaste populaire autant qu'intellectuel, entrepreneur à la fois audacieux, généreux et avisé, il a su s'identifier à un rêve d'adolescence. Quand on lui demande sa patrie d'élection, il répond tout naturellement : « Cinecittà. »

Années d'apprentissage

Né à Rimini en 1920, Federico Fellini débarque à Rome en 1939, après quelques mois passés à Florence où il s'est initié au journalisme. Espéra-t-il vraiment devenir grand reporter, après avoir, dans son enfance, tenté de suivre un cirque ? Dans l'état actuel de la « légende Fellini », on peut dire que le collaborateur régulier de l'hebdomadaire satirique Marc'Aurelio a songé au cinéma sitôt arrivé à Rome. Il participe avec toute la rédaction de Marc'Aurelio à l'invention de gags pour le comique Macario, et rencontre le populaire acteur Aldo Fabrizi, qui le fait travailler dès 1942 à la rédaction de divers scénarios. À la même époque, Fellini fréquente Rossellini à la société de production A.C.I. Il écrit des textes pour la radio : l'une de leurs interprètes est Giulietta Masina, qu'il épousera en 1943.

<it>La Strada</it>, de Federico Fellini - crédits : Ponti-De Laurentiis Cinematografica/ Collection privée

La Strada, de Federico Fellini

C'est en juin 1944, dans Rome libérée, que Rossellini l'invite à écrire avec lui et Sergio Amidei le scénario d'un court métrage qui, en s'étoffant, va devenir Rome, ville ouverte. Pendant six ans, Fellini travaillera à des scénarios pour les films de Rossellini, de Pietro Germi et d' Alberto Lattuada. Apprentissage qui lui révèle sa vocation propre de cinéaste, mais ne lui indique pas la voie de son originalité. Il semble que ce soit à la suite d'un malentendu qu'il figure comme « co-réalisateur » aux côtés de Lattuada, pour ce qui reste son premier film : Luci del varietà (1951), et cela même si le sujet, l'ambiance et certains détails de cette histoire de comédiens égarés lui reviennent incontestablement. Les premiers films de Fellini vont ainsi se nourrir de réminiscences d'autant plus inépuisables que largement imaginaires. Mais leur forme est encore hésitante. La parodie des photo-romans (Le Cheik blanc, 1952) est monnaie courante à l'époque, La Strada (qui vaut un oscar à Giuletta Masina) s'inspire ouvertement de Chaplin. Plus intéressants à distance sont I Vitelloni (1953), salué comme une « tranche de vie » provinciale à la fois nostalgique et critique, mais où la chronique (typique des années cinquante) laisse passer çà et là une inquiétude irrationnelle et une fascination pour le théâtre qui annoncent de plus grands films. Citons aussi Il Bidone (1955), film raté, à la conclusion conformiste, mais où Fellini met puissamment en question la notion de miracle. Deux noms « dominent » sa production d'alors : celui de Giulietta Masina, actrice qui « colle » parfaitement aux personnages pittoresques qu'elle incarne, et à un moindre degré celui d' Ennio Flaiano, grand scénariste auquel Fellini doit (peut-être sous l'influence de Rossellini) une part de la coloration « humaniste », voire chrétienne, de films dont les thèmes pourraient sembler d'une noirceur presque totale.

Après avoir tenté dans Les Nuits de Cabiria (1957) une sorte de compromis avec le néo-réalisme déjà déclinant, Fellini va réanimer le personnage de Moraldo (le provincial qui, à la fin des Vitelloni, part pour Rome), et se munir ainsi d'un porte-parole. Le projet, amplement transformé,[...]

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Pour citer cet article

Gérard LEGRAND. FELLINI FEDERICO (1920-1993) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>La Strada</it>, de Federico Fellini - crédits : Ponti-De Laurentiis Cinematografica/ Collection privée

La Strada, de Federico Fellini

La Dolce Vita, F. Fellini - crédits : Hulton Archive/ Moviepix/ Getty Images

La Dolce Vita, F. Fellini

Autres références

  • HUIT ET DEMI, film de Federico Fellini

    • Écrit par Michel CHION
    • 1 073 mots

    Federico Fellini (1920-1993) a commencé en tant que cinéaste-chroniqueur, montrant des portraits attachants de la province italienne Les Vitelloni (I Vitelloni, 1953). Ensuite, le succès mondial de La Strada, 1954, mélodrame inoubliable, en fit une vedette que l'on rattacha au courant peu défini...

  • HUIT ET DEMI (F. Fellini), en bref

    • Écrit par Joël MAGNY
    • 185 mots

    « 8 1/2 est un film aussi important pour la carrière de Fellini que pour notre cinéma », écrivait Alberto Moravia à la sortie du film. Avec Huit et demi (Otto e mezzo), en effet, Federico Fellini (1920-1993), qui collabora autrefois avec Roberto Rossellini, rompt définitivement avec le néo-réalisme...

  • TUTTO FELLINI (expositions)

    • Écrit par Jean A. GILI
    • 1 028 mots
    • 1 média

    À partir de l'automne de 2009, un grand nombre de manifestations et de publications rassemblées sous le titre Tutto Fellini ! ont permis de porter un regard renouvelé sur l'œuvre du cinéaste italien. Ainsi, l'exposition présentée au Jeu de Paume, Fellini, la Grande Parade (20...

  • BRAZIL, film de Terry Gilliam

    • Écrit par Laurent JULLIER
    • 949 mots
    Brazil a failli s'appeler 1984 1/2, un titre qui le plaçait sous les auspices d'Orwell et de Fellini. À 1984 (publié en 1949), il emprunte en effet le cadre narratif d'une société écrasante aux citoyens sous haute surveillance permanente, et avec Huit et demi (Otto e mezzo, 1962)...
  • CINÉMA (Aspects généraux) - Histoire

    • Écrit par Marc CERISUELO, Jean COLLET, Claude-Jean PHILIPPE
    • 21 694 mots
    • 41 médias
    Federico Fellini, assistant et scénariste de Rossellini, est un poète, un peintre baroque et un visionnaire. Il se soucie moins de témoigner de la réalité, sociale ou politique. Il porte un univers qu'il doit impérieusement exprimer. Ce qu'il voit n'est que le miroir de ses songes. Ses personnages sont...
  • EKBERG ANITA (1931-2015)

    • Écrit par Universalis
    • 327 mots
    • 1 média

    Actrice italienne d’origine suédoise, Anita Ekberg devint un sex-symbol international grâce à son interprétation d’une star de cinéma américaine à la plastique sculpturale dans le film de Federico Fellini, La Dolce Vita (1960). On garde en mémoire la scène nocturne où elle se baigne dans...

  • ÉROTISME

    • Écrit par Frédérique DEVAUX, René MILHAU, Jean-Jacques PAUVERT, Mario PRAZ, Jean SÉMOLUÉ
    • 19 774 mots
    • 7 médias
    ...qui ne tourne pas au complexe ? le désir de dominer et d'être dominé qui ne tourne pas au sadomasochisme ? C'est le monde de Huit et demi (1962), où Fellini, sous le prétexte du conte mental, présente directement ce que ses films réalistes indiquaient par allusions. Le petit journaliste aux prises avec...
  • Afficher les 14 références

Voir aussi