Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

MASINA GIULIETTA (1921-1994)

Formée à l'école du théâtre et de la radio – où elle interprète des textes de Federico Fellini –, Giulietta Masina fait ses débuts au cinéma en 1948 (si l'on exclut une figuration dans Paisà de Roberto Rossellini) dans Sans pitié d'Alberto Lattuada. Remarquée tout de suite pour la sensibilité de son jeu malgré un physique ingrat qui la cantonne dans des rôles de composition, Giulietta Masina aurait pu n'être qu'une comédienne parmi d'autres, si Fellini n'avait trouvé en elle l'actrice d'exception capable de donner corps à ses élans visionnaires. Dans les années 1950, après Les Feux du music-hall où elle interprète le rôle d'une médiocre actrice dans une compagnie de variétés, il la dirige successivement dans La Strada (1954), Il Bidone (1955), Les Nuits de Cabiria (1957). La pauvre fille de La Strada, l'épouse frustrée d'Il Bidone, la prostituée émerveillée des Nuits de Cabiria expriment une sorte de pureté franciscaine. Gelsomina et Cabiria sont un peu le même personnage, porteur d'espérance et manifestant la volonté d'affronter la vie malgré les tourments et les malheurs. Dans un mouvement du visage et du corps dont la maîtrise et l'économie gestuelle la font parfois comparer à Charlie Chaplin, Giulietta Masina exprime la croyance en l'homme et l'espoir en la divinité selon l'apologue évoqué dans La Strada : même les petits cailloux du sol ont un sens dans la cosmogonie de l'univers. Masina a su donner un visage au mystère qui habite les films de Fellini : capable de rendre sensible à la grâce la plus endurcie des brutes (La Strada), forte au point de surmonter les plus grandes désillusions et de sourire à la vie (Les Nuits de Cabiria), la jeune femme est, dans ces années si riches du cinéma italien, la figure emblématique d'une spiritualité assumée.

Avec les années 1960 (si l'on tient compte aussi du fait que la comédienne a été dirigée pendant les années 1950 par Rossellini, Comencini, Castellani, Eduardo De Filippo) commence une sorte de marginalisation. Masina, peut-être trop marquée par l'empreinte fellinienne, ne trouve guère d'occasions d'étaler son talent. Si son époux lui donne encore un grand rôle dans Juliette des esprits (1965) – où elle est toutefois un peu écrasée par Sandra Milo, Valentina Cortese, Caterina Boratto, Sylva Koscina, et où elle joue plutôt en creux pour exprimer une féminité brimée par une présence masculine trop envahissante –, ses apparitions se font de plus en plus rares ; de fait, sa carrière se poursuit surtout à la radio et à la télévision. Au cinéma, on la voit notamment – un bref rôle – dans La Folle de Chaillot (1969) de Bryan Forbes. C'est la magie du vieux maître qui la propulse une nouvelle fois dans l'actualité et dans le bonheur d'être une grande actrice : Ginger et Fred (1985) lui donne l'occasion, au côté de Marcello Mastroianni, de camper un personnage de vieille danseuse de claquettes qui se produit dans un show télévisé où elle retrouve un instant l'exaltation de la jeunesse. Dans ce portrait au vitriol d'une émission de grande audience, Masina donne encore une fois à Fellini la possibilité d'incarner sans bavure une personnalité tout en nuance de femme partagée entre la retraite résignée et l'envie de continuer à briller.

Après deux ultimes interprétations (Frau Holle, 1985, de Juraj Jakubisco, et Aujourd'hui peut-être, 1991, de Jean-Louis Bertucelli où elle joue en s'exprimant dans un français plein de charme), elle cesse toute activité et veille sur Federico Fellini, dont le décès la frappe de plein fouet. Déjà malade, elle ne tarde pas à le rejoindre dans une sorte d'ultime connivence, au terme de la vie commune qui, depuis leur mariage en 1943, les avait fidèlement unis.[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite, université professeur émérite, université Paris I-Panthéon Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Jean A. GILI. MASINA GIULIETTA (1921-1994) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • FELLINI FEDERICO (1920-1993)

    • Écrit par Gérard LEGRAND
    • 2 760 mots
    • 2 médias
    ...rencontre le populaire acteur Aldo Fabrizi, qui le fait travailler dès 1942 à la rédaction de divers scénarios. À la même époque, Fellini fréquente Rossellini à la société de production A.C.I. Il écrit des textes pour la radio : l'une de leurs interprètes estGiulietta Masina, qu'il épousera en 1943.
  • FELLINI FEDERICO - (repères chronologiques)

    • Écrit par Joël MAGNY
    • 1 071 mots

    20 janvier 1920 Naissance de Federico Fellini à Rimini, dans une modeste famille de la petite bourgeoisie.

    1923-1938 Enfance paisible et études très moyennes au collège et au lycée de Rimini. Federico Fellini découvre le cinéma avec Maciste aux enfers, de Brido Grignone (1925) au cinéma Fulgor....

Voir aussi