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FLAIANO ENNIO (1910-1972)

« J'ai toujours la sensation que tout a été dit. » C'est avec cette profonde conscience du dérisoire que Flaiano a écrit une œuvre éclatée, fondée sur le fragment, l'article de journal, la nouvelle, l'inachevé, marquée par l'ironie et une extraordinaire intelligence. Il fut le scénariste de grands cinéastes, dont Monicelli, Antonioni et surtout Fellini.

Ennio Flaiano est né à Pescara (Abruzzes). Après une enfance affectée par la désunion de ses parents, une adolescence marquée par la lecture de Poe et de Flaubert, des études d'architecture inachevées, il se joint à un cercle romain d'intellectuels libéraux antifascistes et devient critique littéraire, cinématographique, théâtral, et chroniqueur dans de nombreux périodiques, activité qui durera toute sa vie. Ses articles (Lettere, 1978, Nuove Lettere d'amore al cinema, 1990, et Lo Spettatore addormentato, 1983) prouvent sa capacité à poursuivre une constante réflexion sur le rôle et les limites des arts du spectacle, et sur le miroir qu'ils tendent à une société qui l'inquiète. Tout en participant à ses fastes (festivals, manifestations culturelles) Flaiano reste toujours en retrait, « à part ». Esprit aigu, à la fois caustique et discret, il s'intéresse lucidement à toutes les avant-gardes artistiques.

Le début des années 1940 est marqué à la fois par ses premiers travaux pour le cinéma (collaboration au scénario de La Danza nel fuoco, de Simonelli, 1942, puis de La Freccia nel fianco de Lattuada, 1944) et par l'épreuve de la naissance d'une fille lourdement handicapée. Il vit de ses articles, écrit pour le théâtre (La Guerra spiegata ai poveri, 1946), multiplie les chroniques dans la presse, toujours ironique et jonglant avec l'aphorisme, la « chose vue », le paradoxe, le récit court. Il se montre rétif à tout embrigadement, et n'est séduit ni par les communistes ni par les démocrates-chrétiens. Il obtient un grand succès en 1947 avec son unique roman, Tempo di uccidere (Le Chemin de traverse, 1951). Un jeune soldat, contraint de tuer sa maîtresse éthiopienne qu'il ne peut soigner d'une blessure, convaincu qu'elle lui a transmis la lèpre, est poursuivi par la culpabilité. Ce texte, nourri de son expérience de sous-officier en Afrique en 1935-1936, a été rapproché des ouvrages de Camus et de ceux de Dino Buzzati.

Flaiano se consacre de plus en plus au cinéma, coécrit certains des meilleurs films de Totò réalisés par Monicelli (Gendarmes et voleurs, 1951 ; Totò e Carolina, 1953) ou par Rossellini (Où est la liberté ? 1952), où le comédien génial prend un pli mélancolique communiqué en partie par la patte de l'écrivain-scénariste. Il travaille avec Blasetti (Dommage que tu sois une canaille, 1955), coécrit La Nuit d'Antonioni (1961), où scepticisme et désarroi ont toute leur place. S'il travaille avec William Wyler, Mario Soldati, René Clément, c'est toutefois sa collaboration avec Federico Fellini qui sera la plus longue, puisqu'elle embrasse tous les films du cinéaste, des Feux du music-hall, coréalisé avec Lattuada en 1950 à Juliette des esprits en 1965. Amoureux de Rome, sceptiques et ironiques, imaginatifs, tous deux unissent leur fantaisie et parviennent, avec Tullio Pinelli comme coscénariste, à certains des plus grands films de l'histoire du cinéma comme La Strada (1954), La Dolce Vita (1959) ou Huit et demi (1963). La difficulté de créer, la mélancolie omniprésente au milieu d'une société de pacotille – on voit combien ces chefs-d'œuvre sont proches de la thématique flaianienne. C'est pour La Dolce Vita que Flaiano imagine le terme de paparazzi pour désigner les photographes de la via Veneto, les « Champs-Élysées » de Rome.

Voyageant beaucoup, se considérant comme un intellectuel de café, séjournant longuement à Paris[...]

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Pour citer cet article

René MARX. FLAIANO ENNIO (1910-1972) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • FELLINI FEDERICO (1920-1993)

    • Écrit par Gérard LEGRAND
    • 2 760 mots
    • 2 médias
    ...celui de Giulietta Masina, actrice qui « colle » parfaitement aux personnages pittoresques qu'elle incarne, et à un moindre degré celui d' Ennio Flaiano, grand scénariste auquel Fellini doit (peut-être sous l'influence de Rossellini) une part de la coloration « humaniste », voire chrétienne,...

Voir aussi