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MATHÉMATIQUE ÉPISTÉMOLOGIE DE LA

Logique et ontologie

Pour toute une école qui prend son inspiration dans l'invention de la logique contemporaine par Gottlob Frege (1848-1925) et Bertrand Russell (1872-1970), et l'entreprise qui fut la leur d'une nouvelle philosophie exacte suivant les rails de cette logique, le problème de l'épistémologie de la mathématique est jusqu'à nouvel ordre circonscrit par le célèbre dilemme de Benacerraf. Celui-ci se formule à peu près comme suit. Nous ne pouvons que vouloir que les affirmations de la mathématique soient vraies, et qui plus est vraies d'une vérité homologue à celle du sens commun, c'est-à-dire qu'elles attribuent à des objets réellement existants, extérieurs à son discours, des propriétés qui sont effectivement les leurs. Mais les objets requis pour une telle présentation de la vérité sont forcément des entités comme 7 ou 5, nulle part trouvables dans l'espace, le temps, ou plus généralement dans l'expérience : des entités qu'il semble inévitable de qualifier d'idéales. Voilà qui paraît forcer l'adoption d'une position dite platoniste, assumant la thèse ontologique de tels objets idéaux nantis de leurs propriétés à découvrir par les mathématiciens ; seulement, par définition, nous n'avons aucune relation causale avec de tels objets, ce qui ne nous permet pas de comprendre, en tout cas de manière naturaliste, comment nous pourrions en toute certitude dire le vrai à leur sujet.

Le travail de l'école épistémologique qui s'attaque à ce dilemme consiste donc à définir un statut ingénieux pour les objets mathématiques, les rattachant à une strate ontologique plausible, tout en fixant les règles d'une sémantique pour les théories mathématiques de ces objets, expliquant sous quelles conditions et pourquoi certains énoncés sont vrais. Ultimement, un tel montage doit aussi « retrouver » la mathématique communément publiée, enseignée, utilisée : on ne se satisferait pas de justifier au plan épistémologique une mathématique déviante ou idiosyncrasique.

Les tentatives de cette espèce se présentent généralement sous un visage logicien fort technique. On fait usage, intensément, des objets logico-mathématiques fondamentaux (ensembles, catégories, arbres, entiers), et on s'efforce de mettre en place la sémantique recherchée en se conformant à la forme générale pour toute théorie logique de la vérité introduite par Alfred Tarski (1902-1983) dans son célèbre article de 1936 « O pojciu wynikiana logicznego » (« Sur le concept de conséquence logique », in Przeglad Filozoficzny), où il définissait le dispositif théorique rebaptisé au cours des années 1950 par son fondateur théorie des modèles. L'école épistémologique analytique, acceptant et assumant le cadre de réflexion que nous venons de décrire, a donné lieu au cours du xxe siècle à des prises de position fort diverses, oscillant entre des options baptisées réalistes, logicistes ou fictionnalistes par exemple. Dans son ouvrage Thinking about Mathematics (2000), Stewart Shapiro (né en 1951) donne une vue synthétique de ces travaux.

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Écrit par

  • : professeur de philosophie des sciences, logique et épistémologie à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

Jean-Michel SALANSKIS. MATHÉMATIQUE ÉPISTÉMOLOGIE DE LA [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CONSTRUCTIVISME, mathématique

    • Écrit par Jacques-Paul DUBUCS
    • 1 372 mots

    Le constructivisme est une philosophie des mathématiques définie par deux composantes. Au plan ontologique, le constructiviste considère les objets mathématiques, non comme existant « par eux-mêmes », mais comme le résultat des constructions mentales du mathématicien. Au plan méthodologique, il insiste...

  • CONVENTIONNALISME, mathématique

    • Écrit par Gerhard HEINZMANN
    • 1 052 mots

    Selon Kant, les jugements mathématiques ne sont ni analytiques et nécessaires, ni synthétiques et contingents. Ils sont synthétiques et a priori. Le conventionnalisme mathématique est une conception philosophique qui abandonne le caractère synthétique a priori des jugements géométriques. En effet,...

  • FINITISME ET ULTRAFINITISME, mathématique

    • Écrit par Jacques-Paul DUBUCS
    • 1 492 mots

    Le finitisme est un point de vue sur les fondements des mathématiques essentiellement défendu par le mathématicien David Hilbert (1862-1943) dans les années 1920, et particulièrement développé dans „Sur l'infini“, son célèbre article de 1925.

    Le principe fondamental du finitisme...

  • FONDATIONNALISME ET ANTIFONDATIONNALISME, mathématique

    • Écrit par Jean-Paul DELAHAYE
    • 870 mots

    Jamais dans aucune science la recherche de fondements – ou de fondations – n'a été aussi approfondie qu'en mathématiques. Les méthodes proposées sont nombreuses et le débat qui est né de ces diverses propositions (voir les articles liés) semble sans fin et ne pas progresser vers une solution unique...

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Voir aussi