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QUARTON ENGUERRAND (av. 1419-env. 1466)

Enguerrand Quarton (ou Carton), originaire de la région de Laon où il s'est probablement formé, a exercé son activité de peintre et enlumineur en Provence, pour une nombreuse clientèle. On lui a demandé des retables de grandes dimensions, mais aussi l'illustration de livres d'heures. Après avoir collaboré, au début de sa carrière, avec Barthélemy d'Eyck comme enlumineur, il reste un peintre qui n'a jamais oublié la sculpture monumentale des cathédrales de Laon et de Reims. Le retable Cadard, le couronnement de la Vierge et la « Pietà » d'Avignon représentent l'apogée de la peinture française de la fin du Moyen Âge.

Une formation flamande ?

Enguerrand Quarton est né avant 1419, peut-être autour de 1410, dans le diocèse de Laon. Il a sans doute fait son apprentissage à Laon vers 1431-1433. Mais, puisqu'il connaît la peinture des Pays-Bas du Sud, le Maître de Flémalle (R. Campin ?), Jan van Eyck et Roger van der Weyden, peut-être a-t-il eu la possibilité de se former dans cette région. Dans ce cas, il n'aurait pas quitté tout de suite son pays, ravagé par les troubles de la guerre de Cent Ans pour chercher fortune dans la lointaine Provence. Avait-il déjà acquis une certaine notoriété dans son pays d'origine ? En tout cas, dès le mois de février 1444, il se trouve à Aix et, deux ans plus tard, à Arles. Sa renommée considérable devait inciter la veuve d'un notable de Tarascon à lui commander, en 1446, un retable pour le maître-autel de l'église Sainte-Marthe. L'aura flatteuse de cette commande le suivra à Avignon, sa résidence définitive dès le printemps de 1447. Bien rémunéré, il est en mesure de payer des loyers élevés pour sa maison, qu'il quittera en 1452 pour une demeure encore plus coûteuse, rue Saunerie, dans un des meilleurs quartiers d'Avignon. Cette même année, un des hommes les plus fortunés d'Avignon, Pierre Cadard, ne voit pas de meilleur peintre à qui confier l'exécution d'un retable dans l'église des Célestins.

<it>Le Couronnement de la Vierge</it>, E. Quarton - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Le Couronnement de la Vierge, E. Quarton

Malgré les recherches minutieuses de trois générations de savants, nous ignorons les détails de la vie privée du peintre – est-il resté célibataire ? – ainsi que la date précise de sa mort. Une quittance du 14 juillet 1466 est le dernier document connu qui le mentionne. En attendant d'autres découvertes, on peut retenir que Quarton est actif en Provence de 1444 à 1466 et que sa clientèle s'y compose de la bourgeoisie marchande et surtout du haut clergé aisé. La rapidité d'exécution de ses travaux et sa ponctualité à les livrer devaient être appréciées par ses clients. On connaît plusieurs prix-faits, c'est-à-dire des devis, des brouillons de contrat, pour des œuvres importantes : les retables de Tarascon et d'Avignon, les prix-faits pour Le Couronnement de la Vierge à Villeneuve-lès-Avignon (1453) et pour deux retables perdus, celui commandé par l'abbesse du couvent Sainte-Claire à Avignon, représentant un couronnement de la Vierge avec saint François et sainte Claire (1461), et un autre, qui était destiné au maître-autel de l'église Notre-Dame-de-la-Major à Arles (1462-1464). Pour faire face à ces commandes, Quarton engage, en 1457, un peintre originaire du diocèse de Strasbourg, travaillant déjà à Aix, Jean de La Cour, pour « exécuter tous les travaux qui lui seront indiqués ».

Au début de son séjour en Provence, il a dû connaître le peintre Barthélemy d'Eyck, car les deux artistes figurent comme témoins dans un acte notarial de vente au bénéfice du peintre Pierre Bordier (1444). Il est donc tout à fait plausible de retrouver la main de Quarton et de Barthélemy dans un somptueux livre d'heures (Ms. M 358, bibliothèque Pierpont Morgan à New York), contenant trois enluminures de Quarton. La majeure partie de l'illustration de cet ouvrage est[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur honoraire d'histoire de l'art, universités de Montréal et de Tours

Classification

Pour citer cet article

Claude SCHAEFER. QUARTON ENGUERRAND (av. 1419-env. 1466) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Le Couronnement de la Vierge</it>, E. Quarton - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Le Couronnement de la Vierge, E. Quarton

<it>La Pietà d'Avignon</it>, attribué à Enguerrand Quarton - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

La Pietà d'Avignon, attribué à Enguerrand Quarton

Autres références

  • BARTHÉLEMY D'EYCK Maître du roi René (vers 1415/1419-apr. 1472)

    • Écrit par Claude SCHAEFER
    • 2 729 mots
    De la même époque date un document redécouvert grâce à la ténacité de Charles Sterling : le 19 février 1444, Barthélemy d'Eyck et Enguerrand Quarton sont mentionnés comme témoins dans un acte notarié à Aix. Un autre peintre, Bordier, est mentionné, qui achetait de l'étain servant à la fabrication...
  • GOTHIQUE ART

    • Écrit par Alain ERLANDE-BRANDENBURG
    • 14 896 mots
    • 27 médias
    ...(mort en 1481) après un voyage en Italie (avant 1447). Il saura se détacher de cette influence à la fin de sa carrière pour retrouver un rythme gothique. Enguerrand Quarton, le Maître de Moulins demeurent fidèles à cette tradition septentrionale dans un refus clairement affirmé. Les peintres espagnols...
  • JÉSUS ou JÉSUS-CHRIST

    • Écrit par Joseph DORÉ, Pierre GEOLTRAIN, Jean-Claude MARCADÉ
    • 21 165 mots
    • 26 médias
    L'art provençal a produit deux chefs-d'œuvre du gothique tardif : La Pietà d'Avignon (vers 1457, Louvre) et Le Couronnement de la Vierge (vers 1454, Louvre) d'Enguerrand Quarton. Chez ce dernier les deux personnages aux traits identiques qui couronnent la Vierge sont à la fois le Père et...
  • LAON CATHÉDRALE DE

    • Écrit par Gérard ROUSSET-CHARNY
    • 1 269 mots
    • 3 médias

    Du haut de sa colline, la cathédrale de Laon (Aisne), dressée comme une carène de vaisseau, regarde au loin la plaine et les carrières d'où les bœufs ont monté, pendant près d'un siècle, les pierres qui ont servi à sa construction. Site unique en France, ce plateau en forme de butte constitue...

Voir aussi