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VUILLARD ÉDOUARD (1868-1940)

L'indifférence au nouveau

On représente souvent Vuillard comme un nabi repenti, un traître à la cause de l'art moderne. En fait, son passage par l'avant-garde n'a été pour lui qu'une expérience, ou plutôt une série d'expériences. L'influence de ses camarades fut alors déterminante, et il semble douteux qu'il ait pris de lui-même des initiatives hardies. Aussi bien, c'est au moment où éclatent les premières révolutions artistiques du xxe siècle qu'il retrouve définitivement la voie de la tradition. Les décorations Vaquez avaient pu sembler « modernes » en 1896, mais quand, au Salon d'automne de 1905, elles voisinent avec la « cage aux fauves », leur retenue devient évidente. André Gide, effarouché par la véhémence de Matisse, lui oppose Vuillard, son « constant besoin d'harmonie », sa « mélancolie point romantique, point hautaine, discrète ». Ce contraste ne fait que s'accuser par la suite, et l'on peut dire qu'à partir de 1900 la contribution de Vuillard à l'histoire des formes est nulle. Tout son effort, au contraire, se situe à contre-courant : à contre-courant des mouvements abstraits, son réalisme ; à contre-courant de l'expressionnisme, sa pudeur ; à contre-courant des vagues successives d'iconoclasme, son respect de la tradition.

Vuillard ne procède pas ainsi par réaction contre l'art de son temps : il lui est étranger. Il ignore totalement le souci de faire du nouveau. Son aventure se déroule dans les limites étroites d'un milieu et d'un style définis pour l'essentiel dès les débuts, et il accepte ces limites avec un plaisir ascétique. On devine chez lui une tension constante entre une sensibilité voluptueuse et la volonté qui en réprime les impulsions. Mais cette tension ne se manifeste jamais de façon spectaculaire (qu'on pense à Braque, passant du fauvisme à la discipline cubiste). Pour apprécier la saveur de cet art, saveur morale autant qu'esthétique, il faut, en plein xxe siècle, garder le goût d'une figure démodée et délectable : la litote.

— Pierre GEORGEL

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Pour citer cet article

Pierre GEORGEL. VUILLARD ÉDOUARD (1868-1940) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Jardins publics, É. Vuillard - crédits : Universal History Archive/ Universal Images Group/ Getty Images

Jardins publics, É. Vuillard

<it>Femmes au jardin</it>, C. Monet - crédits : Hulton Fine Art Collection/ Getty Images

Femmes au jardin, C. Monet

Autres références

  • ÉDOUARD VUILLARD, PEINTRE DÉCORATEUR - (repères chronologiques)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 717 mots

    1892 Vuillard exécute sa première commande de panneaux décoratifs à Paris, six dessus-de-porte pour Paul Desmarais, un cousin de Thadée Natanson, directeur de la Revue blanche. L'année suivante, il réalise, pour le même commanditaire, un paravent, Les Couturières, où il emploie pour...

  • JARDINS PUBLICS (É. Vuillard)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 213 mots
    • 1 média

    La série de neuf panneaux qu'Édouard Vuillard (1868-1940) exécute en 1894 sur le thème des Jardins publics est son premier grand ensemble décoratif. Vuillard y met en pratique l'expérience accumulée tant dans son activité liée au théâtre (décors pour le théâtre de l'Œuvre fondé par Lugné-Poe)...

  • NABIS

    • Écrit par Antoine TERRASSE
    • 3 183 mots
    • 5 médias
    Par Lugné-Poe aussi qui partagea un moment un atelier avec Bonnard, Vuillard et Maurice Denis, les nabis étaient entrés en contact avec Paul Fort qui, en 1890, à dix-huit ans, venait de fonder le Théâtre d'art, destiné, selon les termes de Pierre Louÿs, à « contredire par une rivalité active et...
  • PONT-AVEN ÉCOLE DE

    • Écrit par Antoine TERRASSE
    • 1 006 mots
    • 1 média

    En mai 1886, à Paris, eut lieu la huitième et dernière exposition des impressionnistes : douze années s'étaient écoulées depuis leur première manifestation chez Nadar. Au sein du groupe, des divisions s'étaient opérées. Les uns, comme Monet, demeuraient attachés à une analyse fidèle de...

  • ROUSSEL KERR-XAVIER (1867-1944)

    • Écrit par Jean-Paul BOUILLON
    • 323 mots

    Au moment où il faisait ses études à Paris au lycée Condorcet, Roussel a connu Vuillard, Maurice Denis et Lugné-Poe. Après un passage à l'école des Beaux-Arts, il fréquente l'académie Julian où il retrouve les futurs nabis. Il participe tout naturellement à leur première exposition...

Voir aussi