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MÉGARIQUE ÉCOLE

Du chef de l'école de Mégare, Euclide, aucun texte ne nous est parvenu ; l'enseignement du maître et celui de ses successeurs à la tête de l'école, Eubulide, Alexinus, Diodore Cronos, nous sont seulement connus par des allusions et des critiques de Platon, d'Aristote, de Diogène Laërce et d'Aristoclès.

On sait de façon certaine qu'Euclide défendait certains principes de l'éléatisme ; mais, d'autre part, il est probable qu'il subit l'influence de Socrate, ainsi qu'en témoignent certains passages du Théétète. Pour lui, le Bien est un, comme la vertu est une ; on lui donne, certes, plusieurs noms : la Sagesse, la Prudence, ou la Pensée (Nous). Cependant, il est unique, et rien hors de lui n'est réel. Il ne semble pas néanmoins, comme le suggère Aristoclès au sujet des mégariques en général, qu'Euclide ait soutenu un éléatisme radical. Ainsi que le remarque Bréhier, l'influence de Socrate sur sa pensée ne se limite pas chez lui à l'affirmation de la nature éthique de l'être : le bien unique est l'être de chaque essence, elle-même unique et immuable, excluant tout autre comme un non-être. L'atomisme des mégariques serait ainsi un atomisme logique, un socratisme éléatisant contre lequel Platon, dans Le Sophiste (246 b, 248 a), se défend : ce seraient eux les véritables « amis des idées », face auxquels le maître de l'Académie soutient la réalité de l'autre et du non-être, leur mélange nécessaire au jugement.

Après la mort d'Euclide, l'école se fait surtout connaître pour sa dialectique redoutable : mais celle-ci se distingue essentiellement de la dialectique éléatique ou socratique ; Diogène Laërce rapporte qu'Euclide reprochait à Socrate d'attaquer, au moyen d'exemples, non les conclusions de ses adversaires, mais leurs prémisses. Les principaux sophismes attribués aux mégariques semblent tous utiliser une certaine réduction à l'absurde : ainsi l'argument du menteur (« Épiménide qui est crétois dit : « Tous les Crétois sont menteurs ») montre l'impossibilité de rapporter la vérité au mensonge ; de même l'argument du tas montre, en sens inverse, que la distinction entre peu et beaucoup est arbitraire : quand commence le tas ? à quel grain de blé supplémentaire ? et comment se fait-il que l'adjonction d'un seul grain suffise à former le tas ?

Diodore Cronos, tout particulièrement, excellait en ce genre d'exercice : ses arguments font l'objet de nombreuses attaques de la part d'Aristote ; il niait le mouvement, puisque seules ses extrémités sont fixées par la position du mobile ; il niait le devenir puisque seuls sont repérables des états actuels ; il niait le possible, car nous ne rencontrons jamais que du déjà réalisé ou du nécessaire. Ainsi en arrivait-il à rejeter toute connaissance empirique. Pour Diodore, l'avenir est tout entier présent dans la nécessité de telle nature particulière ; il n'est ni contingent ni soumis à des conditions extérieures, car le conditionnant et le conditionné ne sont que deux aspects de la même réalité. En ce sens, le célèbre argument du moissonneur, qu'on peut probablement lui attribuer, préfigure totalement l'argument « paresseux » : il est, dit-il, nécessaire que vous moissonniez ou que vous ne moissonniez pas ; car, ou bien vous moissonnerez, ou bien vous ne moissonnerez pas, et ce ne peut être l'un et l'autre ; donc, en toute nécessité, vous ferez l'un ou l'autre, quoi qu'il puisse se produire. La nécessité logique transformée en futur évacue la contingence temporelle par le jeu de la disjonction exclusive. On reconnaît ici la logique exacte de l'argument de la bataille tant employé par Chrysippe le stoïcien contre les péripatéticiens.[...]

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Pour citer cet article

Olivier JUILLIARD. MÉGARIQUE ÉCOLE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANTIQUITÉ - Naissance de la philosophie

    • Écrit par Pierre AUBENQUE
    • 11 137 mots
    • 8 médias
    ...de l'école fut Antisthène (env. 440-370). Les cyrénaïques (Aristippe, Hégésias) situent dans le plaisir, qui est un mouvement, le but de la vie. Moins bien connus, mais non moins importants, sont les mégariques (Euclide de Mégare, Diodore Cronos, Stilpon) qui, dans la tradition à la fois des...
  • DIODORE CRONOS (mort en 296 av. J.-C.)

    • Écrit par Pierre HADOT
    • 313 mots

    Philosophe de l'école de Mégare, sur l'enseignement duquel nous ne possédons que des témoignages fragmentaires. Comme les autres mégariques, Diodore se situe dans la tradition éléate et cherche, comme Zénon d'Élée, à nier dialectiquement l'existence du mouvement (cf....

  • LOGIQUE

    • Écrit par Robert BLANCHÉ, Jan SEBESTIK
    • 12 972 mots
    • 3 médias
    Aristote avait eu à affronter les critiques des dialecticiens de l'école de Mégare. L'un d'eux, Eubulide, avait imaginé, entre autres paradoxes, celui du menteur. Fidèles à l'enseignement éléatique, posant une alternative entre l'être et le non-être, ils rejetaient l'être en puissance et, plus généralement,...
  • MODALITÉS, logique

    • Écrit par Pascal ENGEL
    • 7 573 mots
    • 1 média
    La logique modale sera ultérieurement développée par ceux-ci et par les mégariques, qui cherchent en particulier à définir l'implication en termes modaux. Celle-ci se distingue, pour Diodore Cronos, du conditionnel (implication matérielle) tel que l'interprétait Philon et Mégare (« si ...

Voir aussi