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BRÜCKE DIE

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<it>Baigneuses</it>, E. L. Kirchner - crédits : AKG-images

Baigneuses, E. L. Kirchner

Un silence presque total accueillit les deux premières expositions, la troisième provoqua les railleries et les injures des peintres académiques et des impressionnistes de Berlin. La conférence prononcée par Corinth (1914) témoigne encore de leur hostilité. Odi profanum vulgus, livre illustré à l'adresse de la bourgeoisie et des peintres retardataires, exprima la déception du groupe qui recruta néanmoins une vingtaine d'adhérents amateurs en 1910. À Berlin, en 1911, Die Aktion et Der Sturm prirent la défense de ce que le critique de la Kölnische Zeitung, après les expositions itinérantes de Cologne et de Düsseldorf, qualifie de « dangereuses œuvres », « enfantillages de quelques cannibales », « mélange d'art allemand et d'art français ». Suivre l'impressionnisme équivalait déjà à être anti-allemand ; le « caractère pervers » du nouvel art est encore imputé à « la grande importation de la marchandise française » par le peintre Vinnen (Protestation des artistes allemands). Munch, à peu près à la même époque, s'effraie devant des gravures de Schmidt-Rottluff : « De grands maux se préparent ». La participation de la Brücke à l'exposition du Sonderbund de Cologne (1912) confirme l'approbation des promoteurs de l'art moderne. Marc et Macke, peintres du Blaue Reiter, viennent en visite. Des musées de province, Essen, Halle, s'ouvrent ; le marchand L. Schames s'intéresse au groupe. Une sorte de consécration est donnée à la Brücke en 1914, par le critique P. Fechter qui, dans son livre Der Expressionnismus, la qualifie pour la première fois d'expressionniste, et Dresde de « patrie de l'expressionnisme ». Fait notable, car tout au long de l'existence de la Brücke (de 1905 à 1913), ni le groupe ni aucun de ses membres ne furent spécifiquement appelés expressionnistes, alors qu'aujourd'hui ce mouvement est proclamé pionnier de l'expressionnisme germanique. C'est vraiment à partir de 1920 que la Brücke trouve une audience populaire et officielle, par réaction contre ce que l'avant-guerre traditionaliste avait prôné. Le socialisant Novembergruppe expose les œuvres de la Brücke, les musées lui ouvrent largement leurs portes. Leurs prix, grâce à Schames, ont décuplé. En 1926, C. Einstein (L'Art des vingt dernières années) fait une place d'honneur à Nolde, puis à Kirchner, et apprécie leurs compagnons. La fortune critique de la Brücke suit les vicissitudes de la politique en Allemagne. Elle figure aux expositions organisées pour la diffamer après 1933, notamment à la grande exposition de l'« Art dégénéré » à Munich, en 1937. Des œuvres caractéristiques de Kirchner sont exposées : Danseuses russes (1909), Rue à Berlin (1913), accompagnées des commentaires : « C'est ainsi qu'un esprit malade voit la nature », « art préhistorique qui crée des mutilés, des femmes qui donnent la nausée ». Des ventes à bon marché ont lieu (Lucerne, 1939). Cette mise au ban du mouvement est responsable, écrit Buchheim, d'une certaine méfiance de la part des nouvelles générations. Cependant, de nombreux artistes ont été touchés par la conception picturale de la Brücke, en Allemagne, aux États-Unis en 1930 (réalistes sociaux), au Brésil (Segall), au Mexique (Orozco). Aujourd'hui, son rôle historique est unanimement reconnu.

Dans le champ des controverses soulevées par les influences reçues par la Brücke, il est un point brûlant, l'influence fauve et sa datation. Les historiens allemands revendiquent l'autonomie de la Brücke, au moment où elle se forme. Buchheim écrit en 1951 : « Ils [les artistes de la Brücke] n'ont pas connu les tableaux des fauves avant l'exposition du Sonderbund de Cologne, en 1912. » Et Grohmann, en 1954 : « Vers 1905, les tableaux des peintres de Chatou et des Dresdois font[...]

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Pour citer cet article

Étiennette GASSER. BRÜCKE DIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Mouvement artistique die Brücke - crédits : AKG-images

Mouvement artistique die Brücke

<it>Maschka mit Maske</it>, O. Müller - crédits : AKG-images

Maschka mit Maske, O. Müller

<it>Baigneuses</it>, E. L. Kirchner - crédits : AKG-images

Baigneuses, E. L. Kirchner

Autres références

  • FAUVISME

    • Écrit par Michel HOOG
    • 4 020 mots
    • 1 média
    ...justifier son antériorité, Kirchner n'a pas hésité à antidater des tableaux. En France, on a, pendant longtemps, ignoré presque totalement les peintres de la Brücke et les premières périodes de Kandinsky, de Jawlensky, d'A. Macke ; puis on a, un peu vite, voulu faire découler tout leur art de celui des fauves....
  • HECKEL ERICH (1883-1970)

    • Écrit par Gérard LEGRAND
    • 194 mots

    L'un des fondateurs du mouvement Die Brücke en 1905, ce jeune architecte passionné de Nietzsche s'avère d'emblée moins violent, plus mélancolique que Kirchner et Schmitt-Rottluf. Si dans ses premiers paysages (Chevaux dans un pré, 1908, Landsmuseum, Münster) Heckel n'emploie...

  • EXPRESSIONNISME

    • Écrit par Jérôme BINDÉ, Lotte H. EISNER, Lionel RICHARD
    • 12 621 mots
    • 10 médias
    Tel est l'état d'esprit qui incite quelques mois plus tard, le 7 juin 1905, quatre étudiants en architecture à l'École technique supérieure de Dresde à s'associer en une communauté d'avant-garde, baptisée Die Brücke, ou Le Pont : Fritz Bleyl (1880-1966), Erich Heckel...
  • KIRCHNER ERNST LUDWIG (1880-1938)

    • Écrit par Lionel RICHARD
    • 2 172 mots
    • 6 médias

    Peintre, graveur et sculpteur allemand, Ernst Ludwig Kirchner fut l'un des principaux animateurs du premier groupe qui fut assimilé ensuite au mouvement expressionniste allemand, Die Brücke, ou Le Pont. Créé en 1905 à Dresde, ce groupe réunit de jeunes peintres qui font le choix d'une...

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Voir aussi