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DEUXIÈME RÉPUBLIQUE

Le conflit du président et de l'Assemblée

Louis Napoléon, depuis la crise de juin 1849, mène une politique plus personnelle. Il multiplie les voyages en province, regroupe son propre parti qui, outre les fidèles bonapartistes rassemblés autour de Persigny, comprend des libéraux restés à l'écart du parti de l'Ordre (T. Ducos, Billault), des représentants des milieux d'affaires soucieux d'efficacité (le banquier Fould, les avocats Rouher et Baroche, Morny, demi-frère du prince-président ; il a ses journaux, Le Pays, Le 10-Décembre, et, à partir de janvier 1850, Le Napoléon. Le prestige napoléonien, diverses mesures (par exemple, l'augmentation de la solde des sous-officiers) et la multiplication des grandes revues favorisèrent les relations entre l'armée et celui qu'on commence à appeler le « prince Louis Napoléon ».

La Société du 10-Décembre, présidée par le général Piat, apparaît comme le noyau d'un grand parti napoléonien comptant à Paris des boutiquiers, des petits rentiers et des ouvriers, elle apporte un soutien un peu trop ostensible à des manifestations en faveur du président. Une fraction importante du parti de l'Ordre suit Louis Napoléon, notamment les catholiques non légitimistes, Montalembert aussi bien que Louis Veuillot.

Le parti de l'Ordre est affaibli après le vote des lois réactionnaires qui ont mis en place un programme de défense sociale et politique ; la fusion des deux branches, Bourbons et Orléans, était un préalable indispensable à toute restauration monarchique. Or la mort, le 26 août, en Angleterre, de Louis-Philippe, qui s'était convaincu de la nécessité de la fusion, n'avait pas résolu les difficultés. Des efforts sont tentés à la fois par des légitimistes (comme le duc de Noailles) et par des orléanistes comme Salvandy, Molé, le duc de Broglie, Guizot (mais celui-ci est mis de plus en plus à l'écart de la vie active). Pendant l'été 1850, Salvandy alla à Wiesbaden s'entretenir avec le comte de Chambord. Cette fusion est cependant rendue impossible d'une part à cause des oppositions de principes (une circulaire de Barthélemy du 30 août 1850, au nom du comte de Chambord, désavoue « l'appel au peuple comme impliquant la négation du grand principe national de l'hérédité monarchique »), d'autre part en raison des rivalités de personnes ; la reconnaissance du comte de Chambord, petit-fils de Charles X, serait acceptée par les fils de Louis-Philippe, mais la duchesse d'Orléans, soutenue par Thiers, Jules de Lasteyrie, Charles de Rémusat et Roger du Nord, ne veut pas que son fils, le comte de Paris, s'efface. La situation est d'autant plus complexe qu'il est question de la candidature à la présidence de la République du prince de Joinville, fils de Louis-Philippe, auquel la prise de Mogador avait donné un certain prestige.

L'impossibilité de solution politique résultait des divergences au sein du parti de l'Ordre et du désaccord entre le parti et le président de la République ; elle était compliquée par l'absence de solution constitutionnelle, due au fait que le mandat de Louis Napoléon ne pouvait être renouvelé en 1852 en raison de l'interdiction qu'en faisait la Constitution. En outre, la majorité issue d'un suffrage universel tronqué ne pouvait être que favorable au parti de l'Ordre.

Louis Napoléon prévint les mesures qu'annonçait ouvertement contre lui le général Changarnier, qui était à la fois commandant de l'armée de Paris et de la garde nationale et député ; un discours provocant du général à la Chambre, sans l'autorisation réglementaire du ministre de la Guerre, entraîna sa destitution le 3 janvier 1851. À cette occasion, Thiers exhorta les députés à protester en déclarant : « Si l'Assemblée cède, il n'y aura plus qu'un pouvoir [...] Le mot viendra plus[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Bordeaux

Classification

Pour citer cet article

André Jean TUDESQ. DEUXIÈME RÉPUBLIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Lamartine - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Lamartine

Autres références

  • 1848 ET L'ART (expositions)

    • Écrit par Jean-François POIRIER
    • 1 189 mots

    Deux expositions qui se sont déroulées respectivement à Paris du 24 février au 31 mai 1998 au musée d'Orsay, 1848, La République et l'art vivant, et du 4 février au 30 mars 1998 à l'Assemblée nationale, Les Révolutions de 1848, l'Europe des images ont proposé une...

  • ABOLITION DE L'ESCLAVAGE DANS LES COLONIES FRANÇAISES

    • Écrit par Sylvain VENAYRE
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    La lutte pour l'abolition de l'esclavage commence au xviiie siècle, menée par les Britanniques Granville Sharp et William Wilberforce, les Américains Anthony Benezet et John Wesley ou le Français Guillaume Raynal. En France, en dépit de la Déclaration des droits de l'homme et...

  • AGULHON MAURICE (1926-2014)

    • Écrit par Quentin DELUERMOZ
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    Historien, professeur au Collège de France, spécialiste d’histoire de la France des xixe et xxe siècles.

    Né à Uzès (Gard) en 1926 dans une famille d’instituteurs républicains, Maurice Agulhon effectue ses études à Avignon puis à Lyon, avant d’être reçu à l’École normale supérieure en 1946....

  • BARROT ODILON (1791-1873)

    • Écrit par Universalis
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    Homme politique français, né le 19 juillet 1791 à Villefort (Lozère), mort le 6 août 1873 à Bougival.

    Monarchiste libéral, Camille Hyacinthe Odilon Barrot commence sa carrière en 1814 comme avocat à la Cour de cassation. Sa notoriété de défenseur des libéraux lui vaut d'être élu président de...

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