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HUME DAVID (1711-1776)

La théorie de la croyance et le problème religieux

Qu'est-ce, pourtant, que croire ? La théorie classique et celle de Hume partent ici d'une même constatation : l'idée d'un objet n'est pas la croyance en l'existence de cet objet (c'est en ce sens que Descartes remarquait qu'une idée n'est, en elle-même, ni vraie ni fausse). Mais la théorie classique part de cette constatation pour situer la croyance dans un autre domaine, celui de l'affirmation, du jugement liant deux idées : pour elle, la croyance n'est donc possible que par le caractère relationnel et systématique de la pensée. Tout autre est le point de vue de Hume quand il écrit : « La croyance peut être très précisément définie : une idée vive unie ou associée à une impression présente » (Traité, III, 7). La croyance, comme la relation, sera expliquée à partir de l'impression.

« Il est loin d'être vrai, précise une note du même texte, que, dans tout jugement que nous formons, nous unissons deux idées différentes : car, dans cette proposition : Dieu est, ou, certes, dans toute autre qui a trait à l'existence, l'idée d'existence n'est pas une idée distincte que nous unissons à celle de l'objet, et qui soit capable, par son union, de former une idée composée. » En ce sens, la croyance n'apporte à l'idée aucun élément intellectuel nouveau. Elle consiste dans la manière dont nous concevons l'idée. « Une idée à laquelle on acquiesce se sent autrement qu'une idée fictive » et, ajoute Hume, « cette différence de sentiment, je tente de l'expliquer en l'appelant supériorité de force, de vivacité, de consistance, de fermeté ou de stabilité. »

Cette théorie, on le voit, est purement descriptive. Fournit-elle, pour le moins, des principes de distinction ? Ici, une fois encore, Hume fait intervenir l'expérience de l'effort, ou celle de la facilité. Les matières qui demandent une grande attention seront l'objet d'une croyance faible ; au contraire, celles qui réclament le moins d'effort seront l'objet de la croyance la plus vive. Il y a donc des principes naturels, au sens d'« aisés ». Et c'est pour cela que tout le monde adhère, et de façon continuelle, à certaines croyances. Ne nous faisons donc pas violence, et fions-nous aux instincts stables et universels.

Aux yeux de Hume, les sciences ne sont pas « fondées », au sens où elles le sont, chez Descartes, par la véracité divine, chez Kant par la structure de notre entendement. Elles sont seulement universellement admises. L'esthétique, la morale reposent de même sur une sorte de consentement unanime. Ainsi, il y a des jugements moraux qu'un homme de bonne foi ne peut, sincèrement et au fond de son cœur, rejeter. Sans doute tout cela demeure-t-il subjectif, et nulle valeur morale ne saurait être démontrée, établie objectivement et par raison. Mais la science, l'esthétique, la morale peuvent être établies sur l'universalité de la nature humaine.

Le problème posé par la religion est plus délicat. Les essais que Hume consacre à ce sujet sont d'une interprétation difficile ; ainsi, dans ses Dialogues, on discerne mal quel personnage exprime exactement son point de vue. On peut se demander à bon droit si Hume est déiste ou athée, s'il admet ou condamne la preuve qui s'élève à Dieu à partir de l'ordre de l'Univers, etc. Mais, de toute façon, les dogmes religieux lui semblent outrés et difficiles. Pour croire ce qu'enseigne la religion, l'esprit doit faire un grand effort, en sorte qu'il ne croit jamais tout à fait. D'ailleurs, aux yeux de Hume, les principes de la religion, contrairement à ceux de la science et de la morale, ne semblent pas nécessaires à la conduite de la vie. On peut considérer qu'en matière de religion Hume rejoint l'incrédulité de son[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Institut (Académie des sciences morales et politiques)

Classification

Pour citer cet article

Ferdinand ALQUIÉ. HUME DAVID (1711-1776) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

David Hume - crédits : AKG-images

David Hume

Autres références

  • ENQUÊTE SUR L'ENTENDEMENT HUMAIN, David Hume - Fiche de lecture

    • Écrit par Francis WYBRANDS
    • 806 mots
    • 1 média

    D'abord intitulée Essais philosophiques sur l'entendement humain, l'Enquête sur l'entendement humain (1748) se veut une reprise corrigée et rendue plus accessible de la première partie du volumineux Traité de la nature humaine paru en 1739-1740. « Newton du monde moral » (Kant),...

  • ART (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 282 mots
    ... L’individu-artiste a précédé l’individu-spectateur, auquel la philosophie ne s’intéressera qu’à partir du xviiie siècle. Il appartiendra à David Hume (1711-1776) de se pencher le premier sur la difficile question du goût. S’interrogeant sur les raisons qui nous amènent à juger belle une...
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Voir aussi