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CONSTANTIN LE GRAND (285 env.-337)

Constantin et le christianisme

Le Don de Constantin - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Le Don de Constantin

Les croyances personnelles du souverain sont très discutées. S'est-il converti à la foi chrétienne sincèrement et en connaissance de cause ? Fut-il simplement un habile politique qui se rallia par intérêt à une croyance qui à ses yeux représentait l'avenir ou assurait à un Empire réunifié une meilleure base idéologique ? En fait, la sincérité de l'empereur ne doit pas être mise en doute, car il faut le juger en fonction de l'esprit de son temps, qui ignorait l'athéisme, le rationalisme et l'indifférentisme. Tant qu'il appartint à la famille « herculienne », dont Maximien fut le premier représentant, ses convictions furent incertaines, proches sans doute du monothéisme tolérant et vague de son père. En 310, il eut à Grand, dans les Vosges, une « vision », assurément authentique pour lui, et se rallia à un culte solaire apollinien. En 312, avant la bataille du pont Milvius, il plaça sur les boucliers de ses hommes un signe mystérieux, peut-être les trois X qui lui promettaient trente ans de règne, mais que plus tard les évêques de son entourage interprétèrent comme un signe chrétien : selon A. Piganiol, Constantin était chrétien sans le savoir, et le devint pour de bon quand on l'eut persuadé qu'il l'était. D'après d'autres auteurs, il eut une seconde « vision » en 312 (que l'on rapprocha plus tard de celle de Clovis à Tolbiac) et le signe placé sur les boucliers était réellement chrétien, bien que l'on ne puisse en préciser la forme, étant donné les divergences de la tradition transmise par Lactance et Eusèbe. Quoi qu'il en soit, en 313 la Lettre de Milan garantit aux chrétiens une tolérance qui équivalait à la reconnaissance officielle de leur religion. Entre 313 et 320, tandis que Licinius se tournait contre les chrétiens, Constantin, sans répudier un déisme vague encore teinté de paganisme solaire, se rapprocha peu à peu du christianisme, sans devenir jamais théologien, si bien qu'en face des hérésies il hésita et se déjugea souvent : après avoir laissé condamner les ariens au concile de Nicée, en 325 (définition du Credo orthodoxe), il les rappela, exila Athanase, l'encombrant défenseur de la foi de Nicée, et mourut baptisé par un évêque arien. Mais il eut une haute idée de sa charge d'« évêque du dehors », c'est-à-dire d'évêque des païens, et comprit fort bien, grâce à Eusèbe, que le monothéisme chrétien serait la base idéologique de sa monarchie.

Il respecta le paganisme, encore puissant en Occident, dans les campagnes, dans l'armée, auprès de l'élite intellectuelle, et n'en condamna que certaines pratiques magiques ou immorales. En revanche, l'Église bénéficia de sa faveur, surtout après la « palinodie » qui suivit les crimes de 326 : il l'autorisa à recevoir des legs qui l'enrichirent considérablement, et accorda aux évêques une juridiction qui empiétait sur les droits de l'État. Il ne semble pas avoir prévu le danger d'une alliance entre le trône et l'autel, la difficulté de gouverner entre la tentation du « césaropapisme » et celle de la théocratie.

Constantinople fut fondée en 324, au lendemain de la victoire sur Licinius. Pourquoi une nouvelle capitale, et à cet endroit ? Constantin, comme Auguste, eut conscience de fonder un empire nouveau, et Rome ne répondait plus aux besoins de l'époque, puisque les empereurs de la tétrarchie l'avaient déjà abandonnée. Les raisons religieuses ne sont pas satisfaisantes, car au ive siècle Rome fut à la fois la forteresse du paganisme sénatorial et la résidence de la papauté. La vieille Byzance fut préférée à Alexandrie et à Antioche, parce qu'elle était, dans sa décadence, plus facile à remodeler, que sa situation stratégique en face des Barbares[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Grenoble

Classification

Pour citer cet article

Paul PETIT. CONSTANTIN LE GRAND (285 env.-337) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Constantin - crédits : Index/  Bridgeman Images

Constantin

Arc de Galère (détail) - crédits : Brad Hostetler/ FLickr ; CC BY 2.0

Arc de Galère (détail)

Concile de Nicée - crédits : AKG-images

Concile de Nicée

Autres références

  • ASCENSION DE CONSTANTIN - (repères chronologiques)

    • Écrit par Xavier LAPRAY
    • 194 mots

    305 Abdication de Dioclétien, fondateur de la tétrarchie.

    306 Constantin acclamé César en Bretagne ; Maxence prend le titre de princeps à Rome.

    307 Maxence bat Sévère envoyé pour le combattre.

    308 Tentative de remise en ordre de Galère : Constantin confirmé comme César ; Maxence déclaré...

  • TÊTE DE LA STATUE COLOSSALE DE CONSTANTIN (Rome)

    • Écrit par Gilles SAURON
    • 218 mots
    • 1 média

    La basilique construite par Maxence sur la Velia, à proximité du forum, a été dotée par son successeur Constantin d'une statue colossale en marbre pour les parties visibles – tête, mains, pieds – le représentant selon le type du Jupiter assis. La tradition de placer les statues impériales dans les...

  • ANTIQUITÉ - L'Antiquité tardive

    • Écrit par Noël DUVAL
    • 4 261 mots
    • 3 médias
    ...Thessalonique au temps de Galère), en Asie Mineure (Nicée et Nicomédie), en Syrie (Antioche, capitale des rois séleucides, qui demeure une résidence temporaire), Constantin choisit l'ancienne Byzance pour y construire sa ville (Constantinopolis), qui restera la capitale de l'Empire d'Orient. Toutes ces villes...
  • CATACOMBES

    • Écrit par Philippe PERGOLA
    • 2 032 mots
    C'est avec la « paix de l'Église », la reconnaissance officielle du christianisme par l'empereur Constantin et la conversion en masse des habitants de la ville que les catacombes chrétiennes vont connaître un développement étonnant. Avec la paix de l'Église s'est également développé le...
  • CATHOLICISME - Histoire de l'Église catholique des origines au pontificat de Jean-Paul II

    • Écrit par Jean DANIÉLOU, André DUVAL
    • 16 441 mots
    • 10 médias
    La conversion de l'empereur Constantin, en 313, est un événement d'immense conséquence. Hier étrangère à la société, voici que l'Église en devient une des forces vives, lui communiquant ses espérances et transformant ses mœurs. Elle demeure force d'éducation et d'unité lorsque les structures de l'Empire...
  • CÉSAROPAPISME

    • Écrit par Jean GOUILLARD, Michel MESLIN
    • 5 400 mots
    • 2 médias
    ...totalitarisme du régime de la Tétrarchie et les chrétiens (304-312) fut de courte durée, bien que les persécutions, surtout en Orient, aient été violentes. Après une tolérance de fait, très vite, par la volonté de Constantin, une série de mesures accordèrent à l'Église chrétienne une situation privilégiée....
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Voir aussi