Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CONQUISTADORES

Les conquistadores sont les conquérants par excellence, c'est-à-dire les quelques milliers d'hommes qui ont donné à l'Espagne son empire américain. Ils n'ont pas usurpé leur renommée : entre la découverte du Pacifique par Balboa (1513) et le triomphe de Pizarro au Pérou (1535), il ne leur a pas fallu un quart de siècle pour accomplir les conquêtes décisives. Avec les moyens singulièrement limités de leur époque – des navires de faible tonnage, quelques chevaux, de rares canons et plus d'armes blanches que d'arquebuses –, des bandes d'aventuriers opérant pour leur compte ont vaincu et détruit des empires indigènes parvenus à un très haut degré d'organisation et de puissance et surmonté de formidables obstacles naturels.

1500 à 1600. Expansion ibérique et Réforme - crédits : Encyclopædia Universalis France

1500 à 1600. Expansion ibérique et Réforme

Pizarro (1475-1541), explorateur espagnol - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Pizarro (1475-1541), explorateur espagnol

Hernan Cortés - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Hernan Cortés

Mais les conquistadores sont peut-être plus célèbres que connus, en dépit, ou à cause, de quatre siècles de polémiques. L'historiographie conservatrice espagnole les idéalise en paladins de la croisade outre-mer, tandis que les pamphlets des adversaires de l'Espagne en font des soudards assoiffés de sang et de pillage. Il convient de tenir compte des réalités sociales du xvie siècle pour ramener aux dimensions du réel une image déformée par les mythes antagonistes de l'épopée chevaleresque et de la légende noire. Il ne faut pas non plus que le destin exceptionnel des chefs fasse oublier le plus grand nombre : pour quelques capitaines heureux à qui l'aventure rapporta des titres de noblesse et de grasses seigneuries, les malchanceux furent légion qui moururent de faim ou d'épuisement dans la steppe et la forêt ou périrent sous les flèches des Indiens de Floride et du Venezuela, ou sous le couteau d'obsidienne des sacrificateurs aztèques. D'autres se retrouvèrent les mains vides après dix ou vingt ans de campagnes. C'est pourtant cette piétaille qui a porté le poids de l'entreprise, comme le rappelle avec orgueil Bernal Díaz del Castillo, qui fut un de ces soldats du rang, dans son Histoire véridique de la Conquête de la Nouvelle-Espagne, répondant à la chronique de Gómara, qui exaltait avant tout le rôle personnel de Cortés.

Origines des conquistadores

Les conquistadores viennent en majorité des régions pauvres d'Espagne, celles qui, faute de pouvoir nourrir un excédent d'hommes, ont toujours fourni des émigrants et des soldats : Estrémadure ( Cortés, les Pizarro, Balboa, Alvarado, Hernando de Soto, Valdivia, Orellana), Castille (Pedrarias Dávila, Ordás, Coronado, Ojeda, Bernal Diaz, Almagro, Nuño de Guzmán) ; beaucoup d'Andalous aussi (Núñez Cabeza de Vaca, Diaz de Solis, Ponce de León, Olid, Belalcázar) et de Basques (Elcano, Urdaneta, Garay, Legazpi, les Oñate et les Ibarra). Mais des étrangers de toute provenance se mêlent aux Espagnols : Portugais, Juifs convertis ou conversos, aventuriers italiens, flamands ou français. Les relations étroites qui liaient à Charles Quint la banque des Welser ont même permis à quelques Allemands de jouer dans la conquête un rôle de premier plan : ainsi Nicolas Federman au Venezuela et Ulrich Schmidel au Río de la Plata.

Les origines sociales des conquistadores ne sont pas moins variées. Beaucoup se donnaient pour d'authentiques hidalgos : de fait, si la grande aristocratie ne participe guère aux premières expéditions, bon nombre de cadets de petite noblesse partirent chercher fortune aux Indes. La plupart sont pourtant d'extraction modeste et souvent populaire : paysans pauvres attirés par le mirage de Séville, soldats en rupture d'engagement, orphelins ou enfants trouvés, tôt jetés dans une vie de vagabondage, comme Almagro, ou héritiers d'honorables familles en quête d'une fortune rapide, tel Bernal Diaz, fils d'un regidor de Medina del Campo. Ce sont le plus souvent des hommes jeunes : Alvarado a vingt-cinq ans quand il passe aux Indes,[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : maître assistant à l'École pratique des hautes études, directeur du Centre d'études prospectives et d'informations internationales

Classification

Pour citer cet article

Jean-Pierre BERTHE. CONQUISTADORES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

1500 à 1600. Expansion ibérique et Réforme - crédits : Encyclopædia Universalis France

1500 à 1600. Expansion ibérique et Réforme

Pizarro (1475-1541), explorateur espagnol - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Pizarro (1475-1541), explorateur espagnol

Hernan Cortés - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Hernan Cortés

Autres références

  • AMÉRIQUE (Structure et milieu) - Géographie

    • Écrit par Jacqueline BEAUJEU-GARNIER, Danièle LAVALLÉE, Catherine LEFORT
    • 18 105 mots
    • 9 médias
    Les nouveaux arrivants utilisèrent les Indiens comme main-d'œuvre pour les mines et l'agriculture et ils s'installèrent plus volontiers dans les lieux où de fortes communautés indiennes avaient déjà pratiqué une certaine mise en valeur de l'espace. Mais cette exploitation sans merci, de même que les...
  • AMÉRIQUE (Histoire) - Amérique espagnole

    • Écrit par Jean-Pierre BERTHE
    • 21 855 mots
    • 13 médias
    La poussée espagnole se concentre, à partir de 1519, sur la conquête du continent. Les voyages de rescate, partis à la recherche d'or, de perles et d'esclaves, permettent de deviner, dès 1517, depuis Cuba, la grandeur et les richesses de l'Empire aztèque ; et, depuis Panamá, vers...
  • AMÉRIQUE LATINE, économie et société

    • Écrit par Jacques BRASSEUL
    • 13 724 mots
    • 22 médias
    ...inégalité foncière remonte aux temps coloniaux. Par un édit de 1503, Isabelle la Catholique crée l' encomienda(commanderie), qui assure aux premiers conquistadors un quota d'Indiens dont ils pouvaient exiger tribut et travail gratuit. Le plus illustre de ces conquistadors, Hernán Cortés, s'est...
  • NOUVEAU MONDE CHRONIQUES DU

    • Écrit par Jacques LAFAYE, Itamar OLIVARES
    • 3 656 mots
    • 8 médias
    La conquête militaire et spirituelle du Nouveau Monde, consécutive à la découverte, fut d'abord et avant tout un fait espagnol. En moins de cinquante ans de la plus formidable aventure de tous les temps, les conquistadores achevèrent, dans les grandes lignes, de conquérir l'Amérique. Les épisodes...
  • Afficher les 31 références

Voir aussi