ENCOMIENDA
La pratique de l'encomienda, qui s'est instituée au xvie siècle dans l'Amérique espagnole, s'inspirait de celle que suivit au Moyen Âge l'Espagne à l'égard des musulmans vaincus. L'encomienda rappelle aussi une institution plus ancienne, en vertu de laquelle des paysans libres et de petits propriétaires se « confiaient » à des seigneurs puissants, leur fournissant des produits de la terre, des redevances, ou des services personnels en échange de leur protection.
Dans les colonies espagnoles d'Amérique, la Couronne, à travers ses représentants, « confiait » (encomendar) un certain nombre d'Indiens à un colon espagnol (encomendero) en récompense de ses services ; l'encomendero percevait, en or, en nature, ou en travail, le tribut dû à la Couronne par les Indiens, qu'il devait en contrepartie protéger, convertir au christianisme et « civiliser ». En 1503, des textes institutionnalisèrent cette pratique qui se superposa au repartimiento : les encomenderos purent ainsi se procurer de la main-d'œuvre pour exploiter leurs mines et leurs terres. À l'encontre des intentions royales, les Indiens furent dépossédés de leurs terres et pratiquement réduits en esclavage. Cette exploitation suscita des oppositions (Montesinos en 1511, soutenu par l'ordre de saint Dominique, Las Casas en 1514) ; la couronne d'Espagne s'efforça à plusieurs reprises de limiter ce système et de l'abolir, mais elle se heurta à la résistance des colons. Au xviie siècle, cette institution perdit quelque peu de son intérêt, car le gouvernement espagnol exigea un plus grand pourcentage sur les revenus. À partir de 1701, les encomiendas détenues in absentia, puis, à partir de 1718, celles dont les titulaires étaient morts, revinrent à l'administration royale. En outre, le droit de les octroyer appartint au roi seul et non plus aux administrateurs des colonies. Les encomiendas disparurent à la fin du xviiie siècle, mais l'exploitation de la main-d'œuvre indienne persista dans de nombreuses régions de l'Amérique espagnole, grâce au système de l'hacienda.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Universalis
Classification
Pour citer cet article
Universalis, « ENCOMIENDA », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
Autres références
-
AMÉRIQUE LATINE, économie et société
- Écrit par Jacques BRASSEUL
- 12 077 mots
- 22 médias
...de 3 p. 100 des terres. L'origine de cette inégalité foncière remonte aux temps coloniaux. Par un édit de 1503, Isabelle la Catholique crée l' encomienda (commanderie), qui assure aux premiers conquistadors un quota d'Indiens dont ils pouvaient exiger tribut et travail gratuit. Le plus illustre... -
AMÉRIQUE (Histoire) - Amérique espagnole
- Écrit par Jean-Pierre BERTHE
- 19 232 mots
- 13 médias
...certain nombre d'indigènes : le système des repartimientos qui aboutit en pratique à une sorte de servage des Indiens dans le cadre médiéval de l' encomienda castillane et donne lieu à toutes sortes d'abus. L'encomienda, c'est-à-dire le droit à la main-d'œuvre indienne, devient la mesure... -
COLONIALISME & ANTICOLONIALISME
- Écrit par Jean BRUHAT
- 5 723 mots
- 2 médias
...Casas (1474-1566) s'oppose à cette idée. « Racontant ce qu'il a vu », il dénonce « la destruction des Indiens », réclame la suppression du système de l' encomienda, c'est-à-dire de la pratique des commanderies où les indigènes étaient remis à des colons qui pouvaient les utiliser comme esclaves à condition... -
CONQUISTADORES
- Écrit par Jean-Pierre BERTHE
- 2 247 mots
- 4 médias
...vétérans. Les uns ont quitté Séville dans l'escadre du capitaine qui les a recrutés ; d'autres parmi la suite de quelque gouverneur royal dont ils attendent encomiendas (droit de bénéficier des corvées et du tribut fournis par les Indiens) ou prébendes administratives. Si ces ambitions sont déçues, ou s'ils... -
GUATEMALA
- Écrit par Marie-Chantal BARRE, Carine CHAVAROCHETTE, Noëlle DEMYK, Universalis, Michel GUTELMAN
- 7 858 mots
- 10 médias
...avoir écrasé la place forte de Quezaltenango. Il y exerça une tyrannie sanglante, brûlant et pillant les villages, déportant et vendant les indigènes. Il est à l'origine du système de l'encomienda, qui consistait à octroyer aux « conquistadores » des terres et des Indiens réduits à la condition... - Afficher les 8 références