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CHARLES QUINT (1500-1558)

1500 à 1600. Expansion ibérique et Réforme - crédits : Encyclopædia Universalis France

1500 à 1600. Expansion ibérique et Réforme

Mêlé au sort de tant de pays divers, Charles Quint, éternel voyageur, a partagé inégalement entre eux son temps. Né à Gand en 1500, il a résidé environ vingt-huit ans aux Pays-Bas, surtout pendant son enfance, dix-huit ans en Espagne (principalement dans sa jeunesse ; il devait aussi y mourir en 1558), huit ans en Allemagne à l'époque de la maturité. Il s'est rendu sept fois en Italie, quatre fois en France, deux fois en Angleterre et deux fois en Afrique, tantôt en visiteur pacifique, tantôt à la tête d'une expédition. Il a été appelé par trop de tâches divergentes ; aussi sa biographie présente-t-elle des difficultés quasi insurmontables. En suivant l'ordre chronologique, on donne une impression de chaos. En étudiant séparément les grands problèmes qu'il a dû affronter, on laisse dans l'ombre les liens qui les unissent. Cette dernière solution offre cependant l'avantage d'introduire un peu d'ordre dans une matière singulièrement confuse.

Empire de Charles Quint - crédits : Encyclopædia Universalis France

Empire de Charles Quint

Appelé Charles Quint en tant qu'empereur et Charles Ier comme roi d'Espagne, Charles de Habsbourg était le petit-fils de Maximilien de Habsbourg et de Marie de Bourgogne par son père Philippe le Beau, mort en 1506, de Ferdinand d'Aragon et d'Isabelle de Castille par sa mère Jeanne la Folle ; il recueillit l'héritage de quatre maisons princières : les Pays-Bas et la Franche-Comté (1507) ; la Castille et ses possessions d'Amérique ; l'Aragon et ses dépendances italiennes, Sardaigne, Sicile et royaume de Naples (1516) ; les États héréditaires des Habsbourg en Allemagne (1519). Il y joignit la même année le titre impérial après la mort de Maximilien. La réunion sous un même sceptre de tant de territoires a fait de lui le principal personnage de l'histoire politique de l'Europe entre 1519 et 1556, date de son abdication. Il a fallu attendre Napoléon pour retrouver une situation analogue.

L'histoire de Charles Quint a donné lieu à une énorme littérature. Certains ouvrages traitent de l'histoire d'un pays déterminé, sous son règne. D'autres retracent la vie du monarque et tentent de suivre sa politique générale. Des interprétations très diverses en ont été données. Une des plus courantes est celle qui fait de Charles Quint le champion de l'idéal d'unité hérité de la chrétienté médiévale, opposé à la poussée nationaliste qui caractériserait les Temps modernes. Plusieurs historiens se sont attachés à définir ce qu'ils appellent son idée impériale. Selon les savants allemands P. Rassow et K. Brandi, elle aurait été inspirée par le grand chancelier Mercurino Gattinara, un Italien, partisan de la monarchie universelle. Au contraire, selon le grand érudit espagnol R. Menéndez Pidal, Charles Quint aurait suivi les maximes de ses grands-parents, les Rois Catholiques : paix aux chrétiens, guerre aux infidèles. M. Fernández Alvarez a étudié la pensée de l'empereur d'après ses propres écrits, estimant qu'à partir de l'époque de son mariage il avait pris de l'assurance et ne fut nullement le jouet de ses conseillers. D'autres historiens comme J. Vicens Vives, H. G. Koenigsberger, F. Braudel n'accordent pas tant d'importance aux idées de l'empereur. Ils voient surtout en lui l'héritier d'un ensemble disparate de domaines, tiraillé de tous côtés, pris dans le tourbillon de l'histoire et condamné à des solutions du moment. Parler de l'Empire de Charles Quint est abusif car il n'y avait d'autre lien que celui de sa propre personne entre les territoires sur lesquels il régnait. Seul existait réellement le Saint Empire dont il était le chef, mais où ses pouvoirs étaient plus limités que partout ailleurs.

Les affaires d'Espagne et la lutte contre les Turcs

Ferdinand d'Aragon avait légué par testament ses possessions aragonaises à sa fille Jeanne la Folle, déjà reconnue reine de Castille depuis la mort d'Isabelle la Catholique (1504). Mais le prince Charles se fit proclamer souverain des deux royaumes, conjointement avec sa mère (1516). Il débarqua sur la côte des Asturies en septembre 1517 et resta en Espagne jusqu'en mai 1520. Pendant ce premier séjour, son entourage de conseillers flamands, avides et ignorants du pays, le rendit impopulaire. Peu après son départ éclata la révolte des Comuneros, qui unit plusieurs villes de Castille contre l'autorité du régent Adrien d'Utrecht, ancien précepteur du souverain. Ce mouvement, xénophobe à l'origine, prit par la suite l'aspect d'une lutte contre la noblesse. Il fut brisé en avril 1521 à la bataille de Villalar. En même temps se produisirent des troubles d'un caractère social plus marqué, les Germaniasde Valence et de Majorque (1519-1523). Pendant tout le reste du règne, la paix intérieure fut totale.

Charles Quint revint en Espagne en 1522 et y resta jusqu'en 1529. Ce furent sans doute les années les plus heureuses de son existence, grâce à son mariage avec Isabelle de Portugal (1526) et à la naissance du prince héritier Philippe, l'année suivante. L'Espagne, à cette époque, n'était pas véritablement unifiée. Le royaume de Castille était de beaucoup le plus considérable par son étendue et par le chiffre de sa population (6 000 000 d'habitants environ). Il était relativement homogène, les provinces basques et la Navarre, conquise en 1512, conservant seules une certaine autonomie. Une barrière douanière le séparait des pays de la couronne d'Aragon (Aragon proprement dit, Catalogne, royaume de Valence, Baléares) qui gardaient chacun ses propres institutions et formaient une confédération ayant des prolongements en Italie (Sardaigne, Sicile, royaume de Naples). Comme dans toute l'Europe, la société était foncièrement aristocratique. La présence de minorités officiellement converties au christianisme, juifs et anciens musulmans appelés morisques, qui restaient plus ou moins rebelles à une véritable assimilation, compromettait l'unité morale et religieuse du pays.

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À partir de 1529, Charles Quint voyagea beaucoup plus souvent. Pendant ses absences, le gouvernement fut assuré jusqu'à sa mort (1539) par l'impératrice, assistée du Conseil royal du secrétaire Francisco de los Cobos, cheville ouvrière de la bureaucratie castillane. En 1543, le souverain quitta l'Espagne pour une période de treize ans. La régence revint au prince Philippe, puis, après son départ (1554), à sa sœur la reine Jeanne de Portugal. Charles Quint revint en 1556 des Pays-Bas, après son abdication, pour se retirer au monastère de Yuste où il finit ses jours.

Après les révoltes du début du règne, l'Espagne fut le pays qui donna le moins de soucis à l'empereur. Elle constitua le principal support de sa politique internationale, en lui fournissant d'excellents soldats et des ressources financières accrues par les trésors d'Amérique.

Charles Quint resta fidèle à l'une des traditions fondamentales de l'Espagne, la lutte contre les infidèles, poursuivie pendant les siècles de la Reconquista. Les Rois Catholiques avaient inauguré une brillante politique d'expansion en Afrique du Nord, en occupant successivement Melilla, Mers el-Kébir, Oran, Alger, Bougie et Tripoli, et en imposant leur protectorat à plusieurs princes indigènes. La formidable puissance turque, qui s'était accrue au début du xvie siècle, ne menaçait pas directement l'Espagne. Le danger devint plus redoutable lorsque se constitua, sous la direction de Khayr-al-Dīn Barberousse, l'État barbaresque d'Alger (1518), qui devint un nid de corsaires. Fidèle à l'idéal de la croisade, Charles Quint fut trop pris par ailleurs pour s'en occuper sérieusement avant 1535. Il conduisit en personne l'expédition qui s'empara de La Goulette et de Tunis, puis forma avec le pape Paul III et les Vénitiens une ligue contre les Turcs, qui se disloqua rapidement après la bataille navale de La Prevesa et la défection des Vénitiens. En 1541, l'empereur tenta de s'emparer d'Alger mais, sa flotte ayant été dispersée par la tempête, il dut rembarquer précipitamment. Après cet échec, la situation s'aggrava. D'une part, à deux reprises, les Français joignirent leurs forces navales à celles des Turcs (siège de Nice en 1543, intervention en Corse en 1553). D'autre part, plusieurs points d'appui africains (Bougie, Tripoli) furent perdus.

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Grenoble

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1500 à 1600. Expansion ibérique et Réforme - crédits : Encyclopædia Universalis France

1500 à 1600. Expansion ibérique et Réforme

Empire de Charles Quint - crédits : Encyclopædia Universalis France

Empire de Charles Quint

<it>Portrait de Charles Quint</it>, Titien - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Portrait de Charles Quint, Titien

Autres références

  • CHARLES QUINT, en bref

    • Écrit par
    • 222 mots
    • 1 média

    En 1516, Charles, le fils de Jeanne la Folle (et donc petit-fils des Rois Catholiques) a reçu la couronne d'Espagne. Trois ans plus tard, l'héritage de son père Philippe le Beau lui donna également l'empire des Habsbourg. Le roi Charles Ier devint alors Charles Quint, souverain...

  • ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne du XVIe et du XVIIe s.

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    • 6 508 mots
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    ...VIII, roi d'Angleterre, et du pape Léon X, le ralliement de l'Électeur de Mayence, le péril turc, la crainte du « despotisme à la française » entraînent l'élection de Charles d'Espagne, le 28 juin 1519. Entre les deux rivaux va s'ouvrir la lutte pour l'hégémonie européenne.
  • BELGIQUE - Histoire

    • Écrit par
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    • 16 médias
    ...Toutefois, la tendance à la centralisation fut reprise par l'époux de Marie de Bourgogne, Maximilien Ier de Habsbourg, par son fils Philippe le Beau et par Charles Quint, jusqu'à ce que celui-ci concrétisa en 1548 l'union des dix-sept provinces dans le cercle de Bourgogne, largement indépendant du Saint Empire....
  • BOURBON CHARLES duc de (1490-1527) connétable de France

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    Connétable de France sous François Ier, puis général sous le principal adversaire du roi, Charles Quint, Charles de Bourbon est né le 17 février 1490 à Montpensier et mort le 6 mai 1527 à Rome.

    Deuxième fils de Gilbert, comte de Montpensier, chef de file de la branche cadette de la maison...

  • CAMP DU DRAP D'OR

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    L'élection de Charles Quint comme empereur du Saint Empire romain germanique, le 28 juin 1519, signifie, face à la puissance française, l'« alliance », autour du noyau bourguignon puis espagnol, des pays limitrophes. Pour rétablir l'équilibre, compromis par l'afflux des richesses américaines,...

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