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BRICAGE CLAUDE (1937-1992)

Le photographe Claude Bricage est mort du sida le 21 mars 1992. Il préparait alors une exposition ainsi que trois ouvrages consacrés à Louis Aragon, à l'occasion du dixième anniversaire de la mort de l'écrivain, à la chorégraphe Maguy Marin, dont il suivait le travail depuis longtemps, et à Antoine Vitez, dont il fut le fidèle accompagnateur. Il avait également mis en chantier, avec des photographes qu'il estimait, selon sa généreuse habitude, deux belles productions collectives, l'une en Algérie, pour raconter ce pays qu'il aimait, l'autre dans la capitale, comme une relecture du Paysan de Paris. Il fut l'homme des « projets photographiques », projets pensés, construits, produits et réalisés avec une rigueur, une méticulosité et une précision qui n'avaient d'égale que l'intransigeance de ses prises de vue, recadrées au millimètre près.

Claude Bricage pratique la photographie en amateur à partir de l'âge de quinze ans. Il se lie d'amitié avec Claude Gaspari, photographe à L'Humanité. À vingt-sept ans, il décide de se consacrer à la photographie de théâtre. Gabriel Garran l'engage à Aubervilliers, puis Bernard Sobel à Gennevilliers. Il s'intéresse, avec une acuité rare, à tout ce qui change dans le théâtre, le rôle du metteur en scène, l'importance de l'acteur. Il essaie, sans relâche, alors qu'il ne maîtrise ni le cadre, ni les couleurs, ni les lumières, de créer des images qui évoquent le spectacle, le rendent intelligible sans pour autant le « reproduire ». Claude Bricage a travaillé avec tous les metteurs en scène importants : Patrice Chéreau, Jean-Pierre Vincent, Jean Jourdheuil, Bruno Bayen, Jacques Lassalle, Marcel Maréchal, Joël Jouanneau, Claude Régy et bien d'autres ; dans des lieux aussi différents que les théâtres de Saint-Denis, Strasbourg, Créteil, la Comédie de Caen, la M.C. 93 à Bobigny, Nancy, le festival d'Avignon, le festival d'Automne et la Comédie-Française à Paris. Pendant vingt-cinq ans, des créations prestigieuses aux recherches d'avant-garde, Claude Bricage écrit, avec modestie et justesse, la rénovation et les enjeux du théâtre en France. Antoine Vitez le consulte en 1981 lorsqu'il prend la direction du théâtre de Chaillot. De cette complicité, il voulait, avec Jean-Pierre Thibaudat, rendre compte dans un livre. Mais, pour cet inlassable défenseur du droit d'auteur, ce militant pour le respect du photographe comme créateur à part entière, pour ce généreux exigeant qui offre son savoir à des débutants comme Pierre-Olivier Deschamps, le théâtre, s'il est un territoire dialectique pour la photographie, n'est pas exclusif.

En 1983, il crée, avec Jean-Luc Baillet, l'association Photographier la ville, au travers de laquelle il va affirmer la théâtralité des paysages urbains contemporains et se lancer dans d'importantes aventures collectives : un ensemble sur Les Grands Chantiers de l'État à Paris, exposé en 1990, durant le Mois de la photo, mais, aussi, avec d'autres photographes, des travaux sur Marne-la-Vallée ou sur dix villes d'U.R.S.S. Ces photographies, d'une maturité esthétique et conceptuelle évidente, en écho au Portrait d'un jeune travailleur et au Métro intime des années 1970, prouvent son perpétuel attachement aux thèmes sociaux.

En 1990, il présente l'exposition De la théâtralité, à la fois manifeste et testament, qui explore les différentes approches possibles de la création théâtrale : le corps, le mouvement, l'espace, le récit. Malade, il fait ses adieux au théâtre de l'Odéon, avec Le Temps et la chambre de Botho Strauss, mis en scène par Patrice Chéreau, pour qui il avait signé ses premières images. Claude Bricage photographiera jusque sur son lit d'hôpital, « parce qu'il n'y a de photographie[...]

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Christian CAUJOLLE. BRICAGE CLAUDE (1937-1992) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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