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CHORÉGRAPHIE L'art d'écrire la danse

« Danser à livre ouvert »

Dans le dessein d'enseigner les principes de la danse, de les transcrire graphiquement par signes distinctifs, de proposer diverses entrées de bal et ballet de Louis Pécour, Raoul-Auger Feuillet publie, en 1700, Chorégraphie, ou l'Art de décrire la dance par caractères, figures et signes démonstratifs. En haut de page, il note sommairement sur une ou deux portées la musique pour violon seul, puis situe la scène ou la salle, le danseur, son chemin linéaire jalonné des barres perpendiculaires de mesure, le symbole du pas sur lequel sont inscrits les signes figuratifs et abstraits désignant pliés, glissés, sautés... Témoignage précieux sur la technique contemporaine, le système ne transcrit guère les ports de bras, torse et tête. Toutefois il bénéficie vite d'un retentissement international qui atteste l'intérêt accordé à ce problème. L'ouvrage est publié aussitôt à Londres par P. Siris puis par John Weaver, à Leipzig par Gottfried Taubert, à Naples par Giambattista Dufort. Il est diffusé dans toute l'Europe. Selon le mot de Voltaire, on peut ainsi « danser à livre ouvert ». Durant plus de vingt ans, Feuillet puis Dezais et ses successeurs ne cessent de publier sarabandes, chaconnes, menuets, bourrées souvent créés à l'Opéra de Paris par des danseurs célèbres comme Claude Ballon, Marie-Thérèse Perdou de Subligny ou Françoise Prévost. Très utile aux maîtres à danser, complétée par Pierre Rameau, encore utilisée par Magny (1765), Malpied (1770), la chorégraphie reste discutée par les chorégraphes et maîtres de ballet tels que Michel Blondy, Pierre Gardel. Selon Jean-Georges Noverre, défenseur de la danse expressive ou ballet d'action, comme son rival Carlo Angiolini et ses disciples Jean Dauberval, Charles Didelot et Salvatore Vigano, elle n'offre qu'une « copie froide et muette » ; plus la danse s'embellira, « plus cette science sera inintelligible ». Après deux siècles d'oubli, elle est toutefois déchiffrée patiemment par Francine Lancelot et ses émules, leur permettant de réhabiliter style et répertoire baroque.

Au xixe siècle, Carlo Blasis, Théleur, August Bournonville, Philippe Taglioni, Jules Perrot, Jean Coralli, Joseph Mazilier et Marius Petipa adoptent des procédés empiriques restés personnels. En 1852, Arthur Saint-Léon s'attache dans sa Sténochorégraphie à décomposer chaque pas, à donner à chaque mouvement sa durée. Il superpose à la portée musicale une portée sur laquelle il inscrit les pas en pictogrammes et adaptations conventionnelles de dièse ou bémol, indiquant sur une sixième ligne les ports de tête et de bras. Noté tel qu'il est vu par le public, le mouvement doit être inversé par l'interprète. Cette méthode, déchiffrée au xxe siècle par Pierre Lacotte ou Ann Hutchinson, inspire en 1887 le traité de Friedrich Albert Zorn, Grammatik der Tanzkunst ; elle est diffusée en Allemagne et aux États-Unis.

En 1891, Vladimir Stepanov conçoit son Alphabet des mouvements du corps humain, système original fondé sur l'utilisation de notes et portées spéciales, sans référence exclusive aux styles et critères de la danse. Enseigné à l'École impériale de ballet de Saint-Pétersbourg, ce système sert à Nicolas Sergueïev qui enregistre ainsi les principaux ballets de Marius Petipa et Lev Ivanov. Vaslav Nijinsky s'en inspire lorsqu'il entreprend d'élaborer vers 1915 une méthode restée inachevée. Souvent liés à la démarche personnelle d'un chorégraphe, d'une pédagogue, des procédés de notation mnémotechnique apparaissent entre 1930 et 1972, tels ceux d'Antonine Meunier, Nicolas Zverev, Alwin Nikolaïs, Tatsumi Hijikata ; pas plus que ceux, plus ambitieux, de Margaret Morris ou Valerie Sutton, ils ne connaissent pas une large diffusion.

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Écrit par

  • : docteur d'État ès lettres, conservateur honoraire à la Bibliothèque nationale de France, écrivain et critique

Classification

Pour citer cet article

Marie-Françoise CHRISTOUT. CHORÉGRAPHIE - L'art d'écrire la danse [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>Orchésographie</it>, Thoinot Arbeau - crédits : British Library/ AKG-images

Orchésographie, Thoinot Arbeau

Autres références

  • DANSER SA VIE (exposition)

    • Écrit par Agnès IZRINE
    • 1 441 mots

    Présentée du 23 novembre 2011 au 2 avril 2012 au Centre Georges-Pompidou, Danser sa vie (sous-titrée Art et danse de 1900 à nos jours) fut une exposition sans précédent. Pour la première fois une institution muséale nationale consacrait une exposition entière à la danse, ou, plus précisément, aux...

  • ADRET FRANÇOISE (1920-2018)

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  • AILEY ALVIN (1931-1989)

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  • ALONSO ALICIA (1920-2019)

    • Écrit par Agnès IZRINE
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    La danseuse et chorégraphe cubaine Alicia Alonso a marqué l’histoire du ballet classique du xxe siècle. Légende de son vivant, interprète hors du commun et à forte personnalité, elle a su faire du Ballet national de Cuba l’une des meilleures compagnies du monde et fonder « l’école cubaine...

  • ANGIOLINI GASPARO (1731-1803)

    • Écrit par Universalis
    • 357 mots

    Chorégraphe, librettiste, compositeur et théoricien italien, Gasparo Angiolini fut l'un des premiers à mêler danse, musique et intrigue dans des ballets dramatiques.

    Né le 9 février 1731, à Florence, Gasparo Angiolini (de son vrai nom Domenico Maria Angelo Gasparini) devient en 1757 maître...

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Voir aussi