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CHARLEMAGNE (742-814)

Le roi des Francs

Le gouvernement du roi des Francs s'exerçant essentiellement sur des hommes (et non point sur la terre), Charlemagne tint à se les attacher par le serment de fidélité qu'il exigea à trois reprises (789, 793, 802), parce qu'il le considérait comme un remède aux défectuosités que présentait l'administration du royaume. Il tenta cependant d'améliorer la pratique et d'abord de résoudre le problème essentiel, celui des rapports entre la royauté et l'aristocratie, par l'extension de la vassalité et son incorporation à l'État. Mais l'institution fut incapable de rendre tous les services que Charlemagne attendait d'elle : l'emploi de la terre comme moyen de rétribution des vassaux et des fonctionnaires en fut le plus grave défaut, qui dérive directement de l'économie naturelle qui prévalait alors en Occident. Dans ces conditions, l'administration du royaume demeura rudimentaire et distendue et fonctionna au moyen d'institutions héritées de l'époque mérovingienne. Elles furent cependant réactivées et complétées sur certains points d'après les idées personnelles du roi ou en raison des besoins nouveaux qui naissaient des circonstances. Ainsi en fut-il, par exemple, d'une meilleure organisation des fiscs royaux, c'est-à-dire des terres appartenant au domaine de l'État, points d'appui et moyen d'action principal du souverain, ou encore du perfectionnement de l'institution des missi assurant le contact entre le palais et l'administration locale.

Dans la même perspective s'inscrit la très importante réforme de la justice, promulguée, semble-t-il, peu après 780. Elle réduisit le nombre des cours judiciaires ou plaids généraux à trois par an, en vue de diminuer la charge très lourde que représentait, pour les hommes libres, l'obligation d'assister à ces assises que le comte présidait dans sa circonscription. Elle créa, d'autre part, un corps de juges spécialisés, les échevins, qui devaient être désignés par les missi en accord avec les comtes et nommés à vie. Il leur appartenait de proposer la sentence que le comte ou son représentant se bornait à promulguer et à appliquer. Inspirée par la volonté d'assurer aux sujets une meilleure justice, la réforme judiciaire n'eut cependant que des résultats partiels. Son application fut une préoccupation constante de Charlemagne, dont les capitulaires ne cessent de rappeler les comtes et les échevins à leur devoir : le roi ne pouvait faire confiance aux hommes.

Conscient des lacunes et des défaillances de l'appareil administratif, désireux de pallier les insuffisances de la structure politique, Charlemagne voulut s'appuyer sur une Église forte et mettre celle-ci au service de l'État. L'idée n'était point nouvelle, mais sa réalisation fut poussée bien plus loin qu'elle ne l'avait été jusqu'alors. D'une part, les évêques et les abbés sont associés aux tâches de l'administration séculière. Ils prennent part aux grandes assemblées annuelles et participent activement aux décisions qui y sont prises. Ils conduisent à l'ost leurs propres vassaux ; dans les cités, évêques et comtes se surveillent réciproquement. Lorsqu'ils ont reçu un privilège d'immunité, évêques et abbés administrent directement, à l'exclusion des agents de l'État, les terres de leurs églises et les hommes qui y sont fixés. L'Église franque, d'autre part, subit la tutelle du roi qui poursuit la réforme de l'institution commencée depuis 743. Charlemagne légifère pour l'Église, soit par l'intermédiaire de conciles, soit directement en s'inspirant de la collection de canons et de décrétales de l'Église ancienne, dite Dionysio-Hadriana, dont le pape Hadrien Ier lui[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Dijon

Classification

Pour citer cet article

Robert FOLZ. CHARLEMAGNE (742-814) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Charlemagne - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Charlemagne

700 à 800. De 'Abd al-Malik à Charlemagne - crédits : Encyclopædia Universalis France

700 à 800. De 'Abd al-Malik à Charlemagne

Empire carolingien - crédits : Encyclopædia Universalis France

Empire carolingien

Autres références

  • COURONNEMENT IMPÉRIAL DE CHARLEMAGNE

    • Écrit par Pascal BURESI
    • 212 mots

    Le couronnement de Charlemagne consacre le rôle européen du monarque. Sacré roi des Francs en 754, à l'initiative de son père, Pépin III dit le Bref, et en même temps que lui, Charles accède au trône en 768 ; il le partage avec son frère Carloman jusqu'à la mort de celui-ci, en...

  • AIGLE IMPÉRIALE

    • Écrit par Hervé PINOTEAU
    • 542 mots

    Oiseau de Zeus puis de Jupiter, patron de Rome, l'aigle fut employé par les Barbares qui le considéraient comme le symbole de l'Être suprême (Édouard Salin). Des indices prouvent que Charlemagne l'employa au sommet du mât de ses navires (denier de Quentovic, après 804) et en mit...

  • AIX-LA-CHAPELLE

    • Écrit par Francis RAPP
    • 871 mots
    • 1 média

    Chef-lieu de district dans le Land de Rhénanie-du-Nord - Westphalie, Aix-la-Chapelle (en allemand, Aachen), dont la population était de 243 330 habitants en 2014, est une ville thermale et un centre culturel au riche passé.

    Le nom d'Aix-la-Chapelle (en latin Aquae Grani, ou Aquisgranum) est...

  • AIX-LA-CHAPELLE, histoire de l'art et archéologie

    • Écrit par Noureddine MEZOUGHI
    • 1 001 mots
    • 2 médias

    Aix connut son apogée quand Charlemagne s'y installa définitivement, en 794. Il entreprit alors la construction d'un vaste palais sur un plan régulier imité de l'Antiquité romaine. L'ensemble a malheureusement disparu, à l'exception de la célèbre chapelle...

  • ALCUIN, lat. ALBINUS FLACCUS (730 env.-804)

    • Écrit par Marcel PACAUT
    • 193 mots
    • 1 média

    Clerc anglo-saxon, né à York, Alcuin fut dans cette ville l'élève d'Aelbert, auquel il succéda à la tête de l'école cathédrale. Il fut alors regardé comme l'un des maîtres de la culture chrétienne anglaise. En 782, il est appelé par Charlemagne pour présider l'école...

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Voir aussi