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CANYONS SOUS-MARINS

Courants marins et déplacements gravitaires

Toutes les observations résumées jusqu'à présent ont mis en relief l'importance du façonnement permanent des fonds et des versants par le jeu des courants et des remaniements gravitaires des sédiments ou des roches sédimentaires. De nombreuses études ont été faites au moyen de courantographes ancrés sur le fond, en particulier dans les canyons de La Jolla, par F. P. Shepard. Les enregistrements montrent que les courants sont alternativement dirigés vers l'amont ou vers l'aval. Ils sont en relation directe avec les mouvements de marée, mais avec des écarts de périodicité qui croissent avec la profondeur. Il est évident que ces courants, qui ne dépassent pas 10 centimètres par seconde, ne peuvent jouer un rôle dans le creusement des canyons ; ils peuvent tout au plus empêcher le dépôt des sédiments pélitiques. Des pointes de courants plus élevées ont été enregistrées à 200 ou 300 mètres de profondeur, corrélées soit à des ondes internes (courants alternés), soit à des ondes de tempête (courants descendants), mais l'influence de ces courants sporadiques reste difficile à estimer. C'est dans cette catégorie que l'on peut ranger les courants de turbidité faiblement chargés (quelques dizaines de milligrammes de sédiments par litre), dont la dynamique peut se comparer à celle des courants de densité. Leur passage a été enregistré à 1 000 mètres de profondeur dans le canyon du Var au moyen de courantographes placés à 1,5 m au-dessus du fond, l'absence de marées facilitant leur identification. Ils débutent par un accroissement quasi instantané de la vitesse jusqu'à 2 nœuds, suivi d'une diminution très irrégulière, échelonnée sur 6 heures environ. Leur relation avec les tempêtes et avec les crues du Var est évidente. Cette dynamique ressemble étroitement à celle des courants de turbidité expérimentaux réalisés en canal.

Les écoulements gravitaires de sédiments remaniés avec des quantités d'eau variables sont des processus bien identifiés, mais leur fréquence et leurs effets sont beaucoup moins connus. Mis à part les éboulements rocheux et les écoulements sableux (grain flows), on classe ces remaniements marneux en fonction de la quantité d'eau qu'ils contiennent, donc de leur viscosité et de leur possibilité de déplacement. Schématiquement, ce sont des décollements et glissements suivant des failles courbes (collapses), des debris flows (mélanges pâteux hétérogènes), des coulées boueuses plus fluides et, surtout, des courants de turbidité de haute densité qui constituent une classe tout à fait particulière et de grande importance.

On pense que ces courants prennent naissance au sein de glissements sédimentaires sur les versants, mais plus encore peut-être dans la tête des canyons. La turbulence crée un mélange eau-argile de haute densité (de 1,05 à 1,3 ; la densité de l'eau de mer est 1,02). Alors que les écoulements visqueux s'arrêtent le plus souvent dans le lit des canyons ou près de leur débouché, les courants de turbidité peuvent s'écouler jusqu'à la plaine abyssale. Il semble aujourd'hui admis que leur vitesse peut atteindre de 40 à 50 kilomètres à l'heure dans les canyons, expliquant ainsi la rupture de câbles téléphoniques sous-marins. Ils sont alors très comparables à des avalanches de neige et capables d'éroder les fonds meubles. Les dégâts occasionnés sont difficiles à estimer. Ainsi, le 16 octobre 1979 à 14 heures, survint le glissement du remblai du futur port de Nice, édifié sur la partie externe de la plate-forme prodeltaïque du Var. En quelques instants, une masse de rochers et de boue évaluée à 7 millions de mètres cubes glissa lentement sous la mer, entraînant avec elle dix hommes et des engins de chantier, qui ne furent jamais retrouvés. Au même moment, après un retrait de la mer qui dura plusieurs minutes,[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie

Classification

Pour citer cet article

Maurice GENNESSEAUX. CANYONS SOUS-MARINS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Canyon Bourcart - crédits : Encyclopædia Universalis France

Canyon Bourcart

Gouf de Capbreton - crédits : Encyclopædia Universalis France

Gouf de Capbreton

Baie des Anges : bathymétrie - crédits : Encyclopædia Universalis France

Baie des Anges : bathymétrie

Autres références

  • BOURCART JACQUES (1891-1965)

    • Écrit par Universalis
    • 589 mots

    Naturaliste de formation, Jacques Bourcart consacra une grande partie de sa vie à la géologie classique en y faisant preuve d'un esprit novateur et anticonformiste. Au cours de ses recherches sur le Quaternaire du Maroc, il aborda les problèmes littoraux et écrivit une œuvre d'une profonde réflexion...

  • DELTAS

    • Écrit par Gilbert BELLAICHE
    • 3 794 mots
    • 2 médias
    ...déséquilibre gravitaire, étaient périodiquement entraînées, sous forme de courants de turbidité, le long du talus continental, le plus souvent par l'intermédiaire des canyons sous-marins, jusqu'au pied de la marge continentale, où elles s'accumulaient sous forme d'édifices de type deltaïque.
  • GASCOGNE GOLFE DE

    • Écrit par Jean-Pierre PINOT
    • 1 363 mots
    • 2 médias
    ...les sables, mieux triés, contiennent une part plus importante d'éléments marins (glauconie et débris coquilliers). Ce plateau est entaillé par quelques canyons dont les têtes remontent presque jusqu'au littoral, à la faveur d'accidents tectoniques dans l'intervalle desquels l'escarpement continental, à...
  • MARGES CONTINENTALES

    • Écrit par Gilbert BOILLOT
    • 4 329 mots
    • 9 médias
    ...entre 200 et 3 000 ou 4 000 mètres de profondeur ; sa déclivité est de 7 p. 100 en moyenne. Elle est entamée, souvent profondément, par des vallées ou des canyons sous-marins, par où transitent les sédiments. Enfin, le glacis continental est situé en eau profonde (de 3 000 à 5 000 m), à cheval sur la croûte...
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Voir aussi