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BORROMINI (1599-1667)

« Lombard », actif sous les trois papes de la « Rome baroque », Urbain VIII Barberini (1624-1644), Innocent X Pamphili (1644-1655) et Alexandre VII Chigi (1655-1667), Borromoni est l'exact contemporain de Bernin. Dénoncée par son grand rival dans les mêmes termes que par Fréart de Chambray, théoricien français du purisme classique, l'extravagance licencieuse de son architecture est la seule à mériter alors littéralement le qualificatif de « baroque », c'est-à-dire d'irrégulière.

Comme Michel-Ange, dont il se veut l'héritier, Borromini plaide pour l'invention (« je ne suis pas né pour être copiste »), mais son invention n'a rien de « sauvage » : elle se fonde sur une culture antique plus large que celle des classiques, qui veulent la réduire à quelques « bons exemples », sur une géométrie savante, plurifocale, où obliques et ellipses se substituent à la perspective linéaire trop simple. Par son goût pour le décor parlant, où symbolismes héraldique et biblique se conjuguent, Borromini participe pleinement à la culture de son temps.

Au xviie siècle, seul Guarino Guarini comprend et poursuit ces recherches d'une géométrie architecturale oblique, tandis qu'au xviiie l'esthétique rococo sera surtout sensible à la fantaisie du vocabulaire architectural.

Un Lombard à Rome

François Castelli, dit Borromino ou Borromini (d'après le second nom de son père Brumino), est né le 27 septembre 1599 dans le village de Bissone (Suisse), au bord du lac de Lugano, dans l'ancien diocèse de Côme, pays « tout de maçons », qui émigrent à Vienne, Prague, Palerme ou Rome. Sa mère, Anastasia Garovo, et son père Giovanni Domenico Castelli Brumino, qui devient architecte au service des Visconti, sont issus de vieilles familles de maîtres maçons. En 1609, le jeune Borromini est envoyé à Milan, où il fait son apprentissage auprès du sculpteur Andrea Biffi sur le chantier de la cathédrale. À vingt ans, il rejoint, comme le fit son frère cadet, l'importante colonie de Lombards qui, à partir du dernier tiers du xvie siècle, des plus modestes tailleurs de pierre aux architectes pontificaux (Domenico et Giovanni Fontana, puis leur neveu Carlo Maderno), supplantent peu à peu les Florentins sur les chantiers de la ville sainte.

Introduit par un cousin comme sculpteur d'ornements (scarpellino) sur le chantier de la basilique Saint-Pierre – le nom de Francesco Bromino apparaît dans les comptes en octobre 1619 –, Borromini entre bientôt comme dessinateur dans l'atelier de Maderno, son « oncle » par alliance (sans doute un cousin plus lointain) – en 1621 il est payé pour avoir mis au net son projet pour la coupole de Saint-André-de-la-Vallée. Pendant une douzaine d'années, tout en approfondissant sa culture architecturale au contact des ruines antiques et des œuvres de Michel-Ange (notamment de Saint-Pierre), il poursuit une triple activité de scarpellino, de petit entrepreneur, fournisseur de marbre et de travertin, et de dessinateur auprès de Maderno vieillissant, dont il devient le principal assistant, faisant, d'après le témoignage de Baldinucci, tous les dessins du palais Barberini.

Après la mort de Maderno, en 1629, Borromini continue d'exercer les mêmes fonctions de dessinateur auprès de Bernin, son successeur, comme il avait d'ailleurs commencé à le faire, dès 1624, en mettant au point tous les dessins de détail des colonnes du baldaquin de Saint-Pierre (dessins pour le palais Barberini, quittance finale de février 1631, et pour le couronnement du baldaquin, 1631-1633). En travaillant sur le chantier du palais Barberini, Borromini entre en contact avec nombre de ses futurs protecteurs et clients, Cassiano del Pozzo, dont le museo cartaceo (musée de papier) l'introduit à l'archéologie savante, Ascanio Filomarino et les frères Carpegna.

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Claude MIGNOT. BORROMINI (1599-1667) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Église Saint-Charles-aux-Quatre-Fontaines, Rome, F. Borromini - crédits : G. Nimatallah/ De Agostini/ Getty Images

Église Saint-Charles-aux-Quatre-Fontaines, Rome, F. Borromini

Autres références

  • BAROQUE

    • Écrit par Claude-Gilbert DUBOIS, Pierre-Paul LACAS, Victor-Lucien TAPIÉ
    • 20 831 mots
    • 23 médias
    Borromini a été le virtuose de la ligne et du volume en mouvement. Sauf à Saint-Jean-de-Latran, il n'est pas l'architecte, ni le sculpteur des proportions colossales, mais son extraordinaire ingéniosité a introduit dans le baroque romain une veine originale de grâce et de subtilité, un avantage donné...
  • BERNIN GIAN LORENZO BERNINI dit LE CAVALIER (1598-1680)

    • Écrit par Claude MIGNOT
    • 2 511 mots
    • 14 médias
    ... (1663-1666), qu'il orne d'une statue équestre de Constantin (1654-1670) et qu'il anime d'une colonnade en perspective accélérée comme Borromini l'avait fait au palais Spada (1652). Mais s'il imite ici Borromini, son architecture prend généralement le contre-pied de celle de son rival,...
  • CLASSIQUE ARCHITECTURE

    • Écrit par Claude MIGNOT
    • 4 847 mots
    • 5 médias
    ...Pour d'autres au contraire, il convient non d'imiter, mais d'inventer, et la variété de l'architecture antique est une provocation à l'invention : « Avec quelle variété les Anciens ont-ils traité l'architecture ! », s'écrieBorromini, qui déclare n'être pas né pour être un « copiste ».
  • CLOÎTRES

    • Écrit par Léon PRESSOUYRE
    • 5 514 mots
    • 3 médias
    ...l'expression d'une éthique propre à un ordre monastique. La pensée de Bramante règne sans partage au cloître de Sainte-Marie-des-Grâces de Milan. La tension de l'espace, au cloître de Saint-Charles-aux-Quatre-Fontaines, à Rome, appartient en propre au style de Borromini. L'architecte réinvente...
  • Afficher les 8 références

Voir aussi