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BOLCHEVISME

La révolution russe

Avec la révolution de Février, qui prit Lénine au dépourvu, vint le moment d'appliquer la théorie dont l'unité avec la praxis devait être la clef de voûte du bolchevisme. Ce n'est pas une vision doctrinale, mais l'analyse des rapports de forces, le souci de l'efficacité qui ont alors guidé Lénine dans les modalités concrètes de la réalisation du projet révolutionnaire. Rentré en hâte en Russie dans le fameux « wagon plombé » qui servira bientôt à l'accuser de collusion avec l'Allemagne, l'état-major bolchevique se heurte à une situation telle que l'incertitude le gagne. Lénine affronte alors ses propres compagnons pour faire adopter son analyse de la situation et le programme d'action du bolchevisme qu'il formule dans ses Thèses d'avril : « Ce qu'il y a d'original dans la situation actuelle en Russie, c'est la transition de la première étape de la révolution, qui a donné le pouvoir à la bourgeoisie par suite du degré insuffisant de conscience et d'organisation du prolétariat, à sa deuxième étape qui doit donner le pouvoir au prolétariat et aux couches pauvres de la paysannerie [...]. Cette situation originale exige que nous sachions nous adapter aux conditions spéciales du travail du Parti au sein de la masse prolétarienne innombrable qui vient de s'éveiller à la vie politique. » Dans le tourbillon révolutionnaire, le bolchevisme fut loin d'être homogène. Les divergences profondes apparues dans ses rangs isolèrent souvent Lénine, même en octobre 1917, lorsqu'il jugea que l'heure de la conquête du pouvoir était venue.

Le cabinet de Lenine et Trotski - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Le cabinet de Lenine et Trotski

En mars 1917, le Parti bolchevique, désorganisé par la guerre, comptait à peine 5 000 militants. Sverdlov s'avéra le grand artisan de sa réorganisation, et saura en faire un instrument efficace et discipliné, selon le modèle défini dès 1902. Dans le même temps, l'adhésion de Trotski et de ses amis renforça son état-major. D'adversaire redouté, Trotski devient le brillant second de Lénine et l'organisateur des journées d'Octobre. Il apporte aussi au bolchevisme un élargissement doctrinal. La conception à laquelle Lénine s'était en effet attaché jusqu'en 1917 était l'instauration de « la dictature démocratique révolutionnaire des ouvriers et des paysans » en Russie. Toutefois, la guerre mondiale marquera une nouvelle évolution ; en effet, le développement des événements, surtout après la révolution d'Octobre, tendra, tout à fait à l'encontre des prévisions de Lénine et contrairement à tous ses plans, à l'édification d'un « État socialiste ». Et, de ce fait, la conception léniniste initiale se transformera et se rapprochera de la vision stratégique d'ensemble de Trotski, formulée dès 1905, « dictature du prolétariat » et passage immédiat à une révolution socialiste, connue comme théorie de la « révolution permanente ».

Mais, en Russie, passer à la révolution socialiste n'était concevable que dans le cadre d'une révolution mondiale. Or, cette entreprise était désormais mise à l'ordre du jour par la crise révolutionnaire ouverte par la guerre, laquelle, selon l'analyse léniniste, était une crise d'ensemble du système impérialiste. La révolution russe s'avérait donc le point de départ et la base de la révolution mondiale. Cette subordination était le fondement doctrinal de la stratégie interne et externe du bolchevisme dans les premières années de la conquête du pouvoir.

Lénine établit entre elles un rapport dialectique au cours des âpres discussions sur la stratégie du bolchevisme qui suivent les négociations de Brest-Litovsk : il fallait sauver coûte que coûte le pouvoir des soviets pour préserver la base de la révolution mondiale, mais il ne fallait pas subordonner[...]

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Écrit par

  • : sous-directeur d'études à l'École pratique des hautes études

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Pour citer cet article

Georges HAUPT. BOLCHEVISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Discours de Lénine à Moscou - crédits : Keystone/ Getty Images

Discours de Lénine à Moscou

Jeune bolchevik, 1919 - crédits : P. Otsup/ Slava Katamidze Collection/ Hulton Archive/ Getty Images

Jeune bolchevik, 1919

Labourage de fortune - crédits : Slava Katamidze Collection/ Getty Images

Labourage de fortune

Autres références

  • AXELROD PAVEL BORISSOVITCH (1850-1928)

    • Écrit par Paul CLAUDEL
    • 398 mots
    • 1 média

    Né à Chklov dans une famille de paysans juifs, Axelrod suit les cours de l'école secondaire tout en organisant une école pour enfants de Juifs pauvres. À dix-huit ans il découvre Lassalle et s'engage dans le mouvement révolutionnaire. Populiste, il tente d'organiser à Kiev...

  • BOUKHARINE NICOLAS IVANOVITCH (1888-1938)

    • Écrit par Pierre FRANK
    • 1 676 mots

    Le plus jeune des six principaux dirigeants bolcheviques mentionnés par Lénine dans son « Testament », Boukharine « n'est pas seulement un théoricien des plus marquants et de très haute valeur ; il jouit à bon droit de l'affection du parti tout entier. Cependant, ses vues théoriques...

  • COMMUNISME - Histoire

    • Écrit par Annie KRIEGEL
    • 13 863 mots
    • 10 médias
    La victoire inattendue des bolcheviks en Russie à l'issue de la seconde révolution, dite « d'Octobre » (nov. 1917), apparaît comme l'événement décisif d'une toute nouvelle conjoncture qui se développe entre deux pôles : la signature d'une paix séparée sur le front oriental et l'espoir d'une révolution...
  • COMMUNISME - Mouvement communiste et question nationale

    • Écrit par Roland LOMME
    • 21 116 mots
    • 6 médias

    C'est en Europe centrale que le problème national s'est posé avec le plus d'acuité au mouvement ouvrier et marxiste au xixe et au début du xxe siècle. S'il est au centre des débats à l'issue de la révolution de 1905, qui fut le théâtre privilégié du soulèvement...

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Voir aussi