BOLCHEVISME
Carte mentale
Élargissez votre recherche dans Universalis
Le terme de bolchevisme, dérivé du substantif abstrait bolchinstvo (majorité), désigne la théorie révolutionnaire de Lénine et la praxis du Parti bolchevique dont celui-ci fut le fondateur, le dirigeant et le stratège. Les origines et l'évolution sémantique de ce mot, lointain souvenir d'un jargon d'exilés qui n'est entré dans le langage politique qu'à partir de la révolution de 1917, illustrent les vicissitudes, les métamorphoses du phénomène même qu'il désigne.
« D'abord, c'est un mot parfaitement incolore » (Berdiaev). Son origine remonte à 1903, au IIe congrès du P.O.S.D.R. (Parti ouvrier social-démocrate de Russie). Réuni initialement à Bruxelles, puis contraint de siéger à Londres, ce congrès fut le point de départ de la plus grave division qu'ait connue la social-démocratie. Après le congrès, pour désigner les protagonistes des deux tendances majeures qui s'y étaient affrontées, on nomma « bolcheviks » (c'est-à-dire membres de la majorité) les partisans de la conception de Lénine, et « mencheviks » (minoritaires) ceux dont le chef de file fut Martov.
Lénine (1870-1924) prononçant un discours en 1919 à Moscou.
Crédits : Keystone/ Getty Images
Les origines
Lors du IIe congrès du P.O.S.D.R., les divergences éclatèrent à propos de l'article premier des statuts, sur la question de savoir qui serait considéré comme membre du parti. Celui qui « en reconnaît le programme et soutient le parti tant par des moyens matériels que par sa participation personnelle dans une des organisations du parti », selon la formulation de Lénine, ou celui qui, en reconnaissant son programme, « coopère personnellement et régulièrement sous la direction de l'une des organisations du parti », selon celle de Martov ? Discussion oiseuse en apparence. En fait, les divergences sur le problème masquaient des dissensions plus profondes sur l'interprétation de la théorie marxiste de la révolution dans les conditions propres à la Russie. L'apparition et le développement du bolchevisme, en tant que théorie et praxis mûries en un long processus, doivent être situés dans un double contexte dont la complémentarité est organique : celui de la société russe industriellement peu développée, à l'orée de la révolution bourgeoise destinée à renverser l'autocratie tsariste, et celui de la doctrine marxiste, dans son évolution historique et dans son cadre.
Pour la social-démocratie, représentée dans les pays européens industrialisés par de puissants partis de masse, la Russie du début du xxe siècle apparaissait comme un cas tout à fait particulier. Dans ce pays, encore gouverné par un monarque absolu, une première tâche s'imposait à la social-démocratie : aider à l'accomplissement de la révolution bourgeoise démocratique, première étape historique vers la révolution socialiste. Pour accomplir cette tâche, il ne suffisait pas d'adapter la théorie marxiste de la lutte des classes, il fallait en outre tirer profit de l'expérience antérieure des marxistes, et notamment organiser un véritable parti. Or, depuis des années, la social-démocratie russe éprouvait des difficultés à quitter le stade des petits groupes où la propagande était la forme principale d'activité, pour passer à la création d'un parti structuré, capable de répondre aux exigences d'une action politique concertée à l'échelle nationale. Cela conféra une importance primordiale à la définition théorique du type particulier d'organisation dont devait disposer la social-démocratie russe pour « remplir sa mission historique ».
1
2
3
4
5
…
pour nos abonnés,
l’article se compose de 12 pages
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par :
- Georges HAUPT : sous-directeur d'études à l'École pratique des hautes études
Classification
Autres références
« BOLCHEVISME » est également traité dans :
COMMUNISME - Histoire
Dans le chapitre « La révolution d'Octobre » : […] La victoire inattendue des bolcheviks en Russie à l'issue de la seconde révolution, dite « d'Octobre » (nov. 1917) , apparaît comme l'événement décisif d'une toute nouvelle conjoncture qui se développe entre deux pôles : la signature d'une paix séparée sur le front oriental et l'espoir d'une révolution prolétarienne à court terme en Occident. Pour marquer la rupture avec le passé et la II e Inter […] Lire la suite
MENCHEVISME
Tout comme la dénomination de bolchevisme, celle de menchevisme est issue du II e congrès du Parti ouvrier social-démocrate de Russie ( P.O.S.D.R.) qui siégea pendant un mois à Bruxelles puis à Londres en août 1903 et établit un nouveau clivage fondamental à l'intérieur du mouvement ouvrier russe. Les mencheviks ( menchinstvo = minorité) doivent ce qualificatif au fait d'avoir été mis en minorit […] Lire la suite
LÉNINE (1870-1924)
Dans le chapitre « Le fondateur du bolchevisme » : […] En 1902, Lénine publie un texte fondamental, Que faire ? , premier manifeste de ce qui deviendra, l'année suivante, le bolchevisme. Lénine y expose sa conception d'un parti révolutionnaire d'avant-garde, discipliné et centralisé, composé d'un noyau de révolutionnaires professionnels, chargés d'encadrer les masses ouvrières trop facilement tentées par la seule action quotidienne spontanée et incap […] Lire la suite
STALINE JOSEPH VISSARIONOVITCH DJOUGACHVILI dit (1879-1953)
Dans le chapitre « « Le merveilleux Géorgien » » : […] Les parents de Joseph Vissarionovitch Djougachvili étaient tous deux serfs de naissance, avant l'abolition du servage en 1861. Son père, Vissarion Djougachvili – un modeste cordonnier géorgien installé dans la petite ville de Gori (Géorgie) –, fut tué dans une rixe alors que son fils Sosso, le futur Staline (né en décembre 1879) n'avait que dix ans. En 1894, Sosso Djougachvili est inscrit au sémi […] Lire la suite
SOCIALISME - Les Internationales
Dans le chapitre « Aux origines de l'Internationale communiste » : […] L'Internationale communiste est d'abord issue de la guerre : c'est celle-ci qui met à jour l'exigence d'une scission dont avant 1914 nul ne voulait. Le corps entier est dénoncé comme gangrené. Lénine est le premier à en tirer des conclusions en termes d'organisation : la II e Internationale a « failli », il faut préparer une nouvelle Internationale. Mais la haine du socialisme de guerre ne se dév […] Lire la suite
TROTSKI LÉON (1879-1940) ET TROTSKISME
Dans le chapitre « Le théoricien de la révolution permanente » : […] Trotski se rend d'abord à Kiev, où ses feuilles d'agitation trouvent l'appui de l'ingénieur bolchevik Krassine qui dispose d'une imprimerie clandestine. C'est au long de 1905 que mûrit la théorie de la révolution permanente, aussi célèbre que méconnue. Partant à la fois des conclusions théoriques tirées par Marx en 1850 des leçons de la révolution de 1848 ( Adresse au comité central de la Ligue de […] Lire la suite
LE JEUNE STALINE (S. Sebag Montefiore)
Après le succès mondial de Staline : la cour du Tsar rouge , le journaliste britannique, romancier et présentateur de télévision Simon Sebag Montefiore s'est attaqué à la jeunesse du futur dictateur dans Le Jeune Staline (Calmann-Lévy, Paris, 2008). Dès l'introduction, l'auteur annonce son parti pris de narrer par le menu la « vie intime et secrète » de Staline car, explique-t-il, « les personna […] Lire la suite
AXELROD PAVEL BORISSOVITCH (1850-1928)
Né à Chklov dans une famille de paysans juifs, Axelrod suit les cours de l'école secondaire tout en organisant une école pour enfants de Juifs pauvres. À dix-huit ans il découvre Lassalle et s'engage dans le mouvement révolutionnaire. Populiste, il tente d'organiser à Kiev des cercles d'étudiants révolutionnaires. En 1872-1874, il participe à la croisade populiste des jeunes intellectuels vers le […] Lire la suite
BOUKHARINE NICOLAS IVANOVITCH (1888-1938)
Le plus jeune des six principaux dirigeants bolcheviques mentionnés par Lénine dans son « Testament », Boukharine « n'est pas seulement un théoricien des plus marquants et de très haute valeur ; il jouit à bon droit de l'affection du parti tout entier. Cependant, ses vues théoriques ne peuvent qu'avec la plus grande réserve être tenues pour parfaitement marxistes, car il y a en lui quelque chose […] Lire la suite
COMMUNISME - Mouvement communiste et question nationale
C'est en Europe centrale que le problème national s'est posé avec le plus d'acuité au mouvement ouvrier et marxiste au xix e et au début du xx e siècle. S'il est au centre des débats à l'issue de la révolution de 1905, qui fut le théâtre privilégié du soulèvement national dans l'Empire du tsar, le problème national est toutefois relativement peu théorisé par les grandes figures du marxisme russ […] Lire la suite
Voir aussi
- BOGDANOV
- COMMUNISME DE GUERRE
- DICTATURE DU PROLÉTARIAT
- ÉCONOMISME
- RÉVOLUTION DE FÉVRIER 1917
- FRACTIONNISME
- IMPÉRIALISME & ANTI-IMPÉRIALISME
- DEUXIÈME INTERNATIONALE
- INTERNATIONALISME
- KOMINTERN ou TROISIÈME INTERNATIONALE ou INTERNATIONALE COMMUNISTE
- RÉVOLUTION D' OCTOBRE
- CLASSE OUVRIÈRE
- P.C.U.S.
- P.O.S.D.R.
- RÉVISIONNISME
- RÉVOLUTION RUSSE DE 1905
- VOIES DE PASSAGE AU SOCIALISME
- MOUVEMENTS SOCIALISTES
- THÈSES D'AVRIL
Pour citer l’article
Georges HAUPT, « BOLCHEVISME », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 01 février 2023. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/bolchevisme/