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BÉGUINES & BÉGARDS

La condamnation du concile de Vienne

Le procès et l'exécution à Paris, en 1310, de la « béguine clergesse » Marguerite Porète, auteur du Miroir des simples âmes, traduisent l'extrême inquiétude des théologiens confrontés à une pensée et à un comportement qui mettent en péril les fondements du christianisme. Romana Guarnieri a montré que les thèses condamnées du Miroir forment, pour une part importante, la matière du réquisitoire que le concile de Vienne prononce en 1311 contre béguines et bégards. Le pape lui-même a pris conscience du danger. Dans une lettre adressée à l'évêque de Crémone, Clément V s'élève contre « ceux qui veulent introduire dans l'Église un genre de vie abominable qu'ils appellent la liberté de l'esprit, c'est-à-dire la liberté de faire tout ce qui leur plaît ». À son initiative, deux décrets, Ad nostrum et Cum de quibusdam mulieribus, reprennent les principaux chefs d'accusation. Leur ensemble forme le recueil dit des Clémentines.

L'Ad nostrum attribue aux bégards et béguines une doctrine composite où se mêlent joachimisme et libre-esprit. On retrouve ainsi les théories de Joachim de Flore dans la proposition suivante : « Ils divisent le temps compris entre la création et la fin du monde en trois époques [...], l'époque du Père, l'époque du Fils [...] et l'époque du Saint-Esprit, le temps de la liberté pour l'homme de faire ce qui lui plaît, sans que rien puisse être appelé mal. » Au libre-esprit appartiennent des affirmations telles que celles-ci : « L'homme peut acquérir dès la vie présente la plénitude de la félicité céleste, telle qu'il l'obtiendra après la mort » ; « L'homme parvenu au dernier degré de perfection ne doit plus ni jeûner ni prier, car ses sens sont alors si bien soumis à sa raison qu'il peut en toute liberté accorder à son corps tout ce qui lui plaît » ; « L'âme parfaite donne congé à toutes les vertus. »

Les décrets du concile de Vienne ne furent pas publiés immédiatement. C'est seulement sous Jean XXII qu'ils parviendront à la connaissance des évêques, généralisant la répression. Les Clémentines serviront dès lors de guide aux inquisiteurs dans l'interrogatoire de tout suspect de bégardisme.

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Pour citer cet article

Marie-Madeleine DAVY et Raoul VANEIGEM. BÉGUINES & BÉGARDS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • JEAN DE BRÜNN (XIVe s.)

    • Écrit par Raoul VANEIGEM
    • 655 mots

    Après avoir été, pendant vingt ans, membre d'une communauté de bégards à Cologne, Jean de Brünn abjure en présence de l'inquisiteur Gallus Neuhaus et rallie l'ordre des Dominicains. Sa confession (1335), obtenue sans torture, livre de précieuses indications sur la pratique...

  • JOHANNES HARTMANN (mort en 1368)

    • Écrit par Raoul VANEIGEM
    • 330 mots

    Illustrant la tendance élitiste du Libre-Esprit, Johannes Hartmann a apporté, dans son interrogatoire, d'intéressantes précisions sur la doctrine qu'on attribuait aux bégards et qui fut condamnée en 1311 par le concile de Vienne. Selon toute vraisemblance, il périt sur le bûcher à Erfurt, en 1368....

  • LIBRE-ESPRIT MOUVEMENT DU

    • Écrit par Raoul VANEIGEM
    • 3 154 mots
    ...Bentivenga da Gubbio, propage des idées de Libre-Esprit jusqu'à son arrestation en 1307. Si ses aveux inquiètent les milieux pontificaux, c'est surtout le succès de la doctrine parmi les bégards et les béguines, membres d'associations caritatives mi-religieuses mi-laïques, qui va justifier l'intervention...
  • MARGUERITE PORÈTE (morte en 1310)

    • Écrit par Raoul VANEIGEM
    • 675 mots

    Brûlée le 1er juin 1310 à Paris, Marguerite Porète a laissé avec Le Miroir des simples âmes l'un des rares témoignages de première main sur les opinions qui caractérisent le mouvement du Libre-Esprit. Son enseignement, perpétué par Bloemardinne de Bruxelles (morte en 1335) et...

Voir aussi