BALLADE
Par son étymologie (ancien provençal ballada), la ballade est, comme le rondeau, une des formes lyriques associées à la danse. La structure la plus typique, qui l'a fait ranger parmi les formes fixes, comporte trois strophes sur les mêmes rimes terminées par un refrain, et un envoi comptant la moitié des vers de la strophe et reprenant les rimes finales et le refrain. L'idéal recherché est la strophe « carrée », où le nombre de vers par strophe est égal au nombre de syllabes par vers avec, comme perfection supplémentaire, la variation sémantique ou fonctionnelle que représente un refrain aux termes identiques (Charles d'Orléans et Villon en offrent d'excellents exemples). Cette structure est toutefois le produit d'une évolution et elle est traitée avec beaucoup de souplesse. La ballade ne se distingue nettement du virelai qu'à partir du xiii e siècle, pour acquérir sa physionomie propre au xiv e, notamment avec Guillaume de Machaut. À cette époque, l'envoi, généralement adressé à un prince (réel, ou à un bourgeois présidant un puy), est encore facultatif : même Eustache Deschamps (1346-1406), le producteur le plus fécond (plus de 1 000 ballades), ne se plie pas toujours à cette contrainte. La souplesse réside dans la variété des strophes et des mètres : ainsi les strophes peuvent être iso- ou hétérométriques (surtout au xiv e s., avec des vers de 4 à 10 syllabes) et d'une longueur variable (de 6 à 14 vers), comme l'envoi. Le refrain lui-même, constitué le plus souvent d'un vers, accueille des différences d'expression. D'abord chantée (Machaut), la ballade perdra progressivement son accompagnement musical (Deschamps), ce qui favorisera son épanouissement rhétorique et thématique. Les problématiques prises en charge par les auteurs sont très diverses : c'est d'abord la vie sentimentale, traitée dans la tradition courtoise, qui prime, mais, surtout grâce à Deschamps, et avec la distinction entre ballades amoureuses et ballades de moralité, interviennent de surcroît la vie politique, l'observation des mœurs, la réflexion moralisante sur l'homme et la marche du monde, la méditation religieuse ou encore (surtout avec Charles d'Orléans) l'exploration d'une psychologie personnelle. Il en va de même des mises en œuvre et des modes d'utilisation : la ballade peut être composée comme un poème isolé et avoir recours à toutes les techniques d'une époque marquée par la dialectique (démonstration, dialogue, apologue, allégorie, etc.), mais elle peut aussi être insérée dans une production narrative (ainsi avec Machaut, Froissart) ou dramatique (Pierre Gringore, A. de La Vigne) et, donc, tributaire du contexte général de l'œuvre. Enfin, elle peut n'être qu'un élément composant d'un cycle : dès la fin du xiv e siècle (Christine de Pizan) et plus encore au xv e, les ballades se constituent en séries écrites par un même auteur autour d'un thème commun (sentimental ou moral), ou en débats entre plusieurs auteurs. Encore pratiqué par Clément Marot, le genre sera banni par la Pléiade. Il est à distinguer de la ballade anglo-saxonne (narrative).
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
-
Claude THIRY
: docteur en philosophie et lettres (philologie romane), chercheur qualifié du F.N.R.S., chargé de cours à l'université de Liège (littérature française des
xv e etxvi e siècles), secrétaire de rédaction de la revueLe Moyen Âge , membre du Conseil de la langue de la Communauté française de Belgique
Classification
Pour citer cet article
Claude THIRY, « BALLADE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
Autres références
-
ARGOT
- Écrit par Pierre GUIRAUD
- 22 479 mots
-
BÜRGER GOTTFRIED AUGUST (1747-1794)
- Écrit par Lore de CHAMBURE
- 4 055 mots
- 1 média
Né près de Halberstadt dans le Harz, fils de pasteur, Gottfried August Bürger étudie d'abord la théologie avant de se tourner vers le droit. À Göttingen, il fréquente les membres du Göttinger Hain, cercle d'écrivains auquel appartient Voss, traducteur célèbre de L'Iliade[...]
-
BALLADE, musique
- Écrit par Edith WEBER
- 5 208 mots
- 3 médias
-
CHARLES D'ORLÉANS (1394-1465)
- Écrit par Daniel POIRION
- 3 027 mots
Le rapport entre la vie et les poèmes de Charles, duc d'Orléans (fils de Louis d'Orléans, qui fut tué par Jean sans Peur en 1407, et père de Louis XII), est plus compliqué que ne le ferait croire, par exemple, un rapprochement entre les ballades où il nous parle de son exil et l'histoire qui[...]
-
DANEMARK
- Écrit par Marc AUCHET, Frederik Julius BILLESKOV-JANSEN, Jean Maurice BIZIÈRE, Régis BOYER, Georges CHABOT, E.U., Lucien MUSSET, Claude NORDMANN
- 107 637 mots
- 14 médias
[...]pays en tant qu'État fondé sur la justice se fait jour dans les corps de lois provinciales, en vertu du culte littéral que vouent les Germains à la loi. En revanche, il semble bien que ce soit le Danemark qui ait lancé, sur des modèles français courtois, le genre des ballades, ou folkeviser, poèmes chantés[...] - Afficher les 14 références