RICHELIEU ARMAND JEAN DU PLESSIS cardinal duc de (1585-1642)

<it>Triple Portrait de Richelieu</it>, P. de Champaigne - crédits : National Gallery, London, UK/ Bridgeman Images

Triple Portrait de Richelieu, P. de Champaigne

L'histoire a offert de Richelieu des interprétations successives, comme il ne peut manquer d'arriver à une figure exceptionnelle. L'impopularité générale du cardinal en ses dernières années (« il n'était pas aimé du peuple, disait au xviiie siècle l'historien de Louis XIII, le père Griffet, et j'ai connu des vieillards qui se souvenaient encore des feux de joie [...] dans les provinces, [...] à la nouvelle de sa mort ») a rendu, selon Guy Joly, sa mémoire odieuse à la postérité. D'où les légendes autour de l'homme rouge. Plus tard, on a prêté un programme précis (les frontières naturelles) à un fondateur de la grandeur française, à un politique réaliste dont les attaches religieuses et monarchiques n'ont paru que secondes.

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Mais il faut le replacer dans son époque. Homme du xviie siècle, et du xviie siècle français, il croit que le pouvoir monarchique issu de Dieu est la condition essentielle de la puissance du pays, sous réserve que le roi sache se faire obéir à l'intérieur et redouter au-dehors : c'est la raison d'État. Comme l'a dit Georges Pagès (Monarchie d'Ancien Régime), Richelieu fut un très grand homme d'État ; il ne fut pas un administrateur, ni un réformateur par système. Opinion que rejoint celle de Carl J. Burckhardt sur « le grand pragmatique guettant chaque occasion ». Le but est constant : l'indépendance et le prestige de la France. Comment fut-il atteint ? Une meilleure connaissance de la réalité française de son temps (structure sociale, mentalités, conditions économiques) et de la réalité européenne permet de mieux apprécier les difficultés renaissantes, les contradictions de l'entreprise et les résultats obtenus. Ceux qu'a pu connaître Richelieu lui-même et ceux qui n'ont été atteints qu'après lui, tant en politique étrangère (traités de Westphalie) qu'en politique intérieure (absolutisme royal effectif), parce que les dix-huit ans de son ministériat avaient marqué une étape sans retour.

La conquête du pouvoir

Celui qui devait être le cardinal duc de Richelieu, Armand Jean du Plessis, naquit à Paris, troisième fils d'un grand prévôt de France et de la fille d'un avocat. Milieu familial où s'équilibraient la noblesse ancienne et le sang bourgeois, où les relations influentes compensaient la précarité de la fortune. Armand Jean perdit de bonne heure son père, mais, grâce à un oncle maternel, Amador de La Porte, commandeur de l'ordre de Malte, il put faire ses études au collège de Navarre et à l'académie Pluvinel. Il aurait choisi la carrière des armes sans une circonstance de famille qui l'orienta vers l'Église. Son frère Alphonse abandonnait l'évêché de Luçon pour devenir moine. Afin de conserver à la famille les revenus de cet évêché « crotté » qui comptait tout de même dans le patrimoine, Armand Jean fit des études de théologie. Puis il entreprit le voyage de Rome pour obtenir du pape Paul V les dispenses d'âge. Il fut consacré évêque en 1607. À vingt-deux ans, il possédait déjà l'expérience de milieux de cour aussi différents que ceux de Paris et de Rome, des gouvernements et de leurs intrigues. On commettrait une grande erreur en interprétant ces débuts et le déroulement de sa carrière par le cynisme. C'est un jeune ambitieux, intelligent et courageux qui s'intègre aux conditions mentales et sociales de son temps. Mais il est croyant, résolu à être un bon évêque, et il a déjà la plus haute idée de la monarchie française.

Son habileté consistait à se mettre en lumière dans des circonstances importantes. Il se distingua aux états généraux de 1614, comme député de son ordre ; il présenta le cahier général du clergé et, dans sa harangue, il exposa que les rois avaient intérêt à appeler dans leur Conseil des ecclésiastiques, « à cause des vertus de capacité et de prudence auxquelles les obligeait leur profession, outre que le célibat les dépouillait plus que les autres d'intérêt particulier ». Il fut nommé aumônier de la reine mère, Marie de Médicis, qui, malgré la majorité du roi, exerçait le pouvoir. Dans un temps où la clientèle décidait de tout, il devint un des fidèles de cette princesse, à la fois puissante et incapable. Grâce à elle, il entra au Conseil en 1616, mais il en sortit avec elle, disgraciés tous deux lorsque le roi eut fait abattre Concini et rétabli son autorité personnelle. En travaillant à la réconciliation du jeune roi et de la reine mère, après les deux guerres de la Mère et du Fils, il prépara son retour au Conseil. Pourvu du chapeau de cardinal, il devint principal ministre en 1624 et le demeura jusqu'à sa mort. Ainsi s'établit en France une forme particulière de gouvernement, l'association d'un roi réputé maître absolu et d'un fidèle qui agit en son nom et d'accord avec lui : le ministériat. Richelieu avait d'abord gagné l'amitié ardente du jeune roi, puis son entière confiance. Louis XIII était persuadé que son devoir d'État et son salut personnel exigeaient un gouvernement juste. Il estimait en Richelieu l'homme qui le servait le mieux ; il ne consentit jamais à s'en séparer, même quand il supporta avec peine l'autorité d'un ministre qu'il n'aimait plus.

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  • : membre de l'Institut, professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris

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