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AQUEDUCS, Antiquité

Les ouvrages d'art : de l'« opus arcuatum » aux grands ponts

Dans les aqueducs antiques, l'eau circule ordinairement sous l'effet de la pression atmosphérique par simple écoulement gravitaire. Si le canal suit les courbes de niveau, son tracé est extrêmement sinueux puisqu'il doit remonter tous les vallons afin de les franchir à niveau. On en vint donc à construire des ouvrages d'art, tunnels sous les cols ou ponts au-dessus des vallées, afin de couper au plus court. On pouvait aussi vouloir maintenir la canalisation à un niveau élevé pour permettre l'arrivée à une plus grande hauteur et éviter les risques de prélèvement de l'eau par les riverains.

Pour les parties en opus arcuatum (appareil à arches), on édifie deux piles ou massifs, entre lesquels on bâtit sur cintre des arcs de tête constitués de briques ou de moellons de toutes formes. Au-dessus de ces arcs de tête, on monte les parements entre lesquels la maçonnerie de l'arche est coulée. Celle-ci est constituée d'une série d'assises construites par couches horizontales dans la continuité des piles. De la sorte, les arcs de tête, qui ont servi d'ossature pour la construction de l'arche elle-même, contribuent à la solidité de l'ensemble de l'ouvrage. Enfin, au-dessus, on construit un radier destiné à porter le canal.

De l'opus arcuatum, on passe progressivement aux grands ponts qui ont frappé l'imagination. Le plus important d'entre eux est, avec ses 48,77 m, le pont du Gard, par lequel l'aqueduc de Nîmes franchit le Gardon. D'autres approchent une hauteur similaire : le pont de l'aqueduc de Carthage sur l'oued Miliane a une quarantaine de mètres de hauteur ; d'après Frontin, les arches de l'Anio Novus à Rome atteignaient 109 pieds, soit 36 m. Les plus remarquables sont les ponts à trois niveaux qui permettent d'atteindre des hauteurs de l'ordre de 30 m ; c'est en particulier le cas des aqueducs de Tarragone (30 m), de Ségovie (31 m) en Espagne, du chabet Ilelouîne à Cherchel en Algérie (30 m), du pont sur la Moselle à Metz (32,50 m). Les ponts à deux niveaux permettaient de porter la canalisation à une hauteur de l'ordre de 20 m, comme dans les arches de l'Aqua Claudia à Rome.

Le pont du Gard - crédits : BasieB/ Getty Images

Le pont du Gard

Aqueduc de Ségovie - crédits : David Barnes/ The Image Bank/ Getty Images

Aqueduc de Ségovie

L'ouverture des arches est tout aussi importante que la hauteur du pont. Il convient là de distinguer deux cas. Dans le premier, celui des plus longs parcours sur arches, celles-ci ont pour fonction de réduire la quantité de maçonnerie nécessaire et donc les coûts d'un mur ; des ouvertures de 5,50 m à 5,20 m conviennent alors. Dans le second, une large ouverture est nécessaire pour franchir un ravin profond ou bien une rivière aux crues violentes. On rejoint alors le problème posé par la construction des ponts routiers. Là encore, le pont du Gard se distingue par ses deux arches de 24,52 m et ses 19,20 m d'ouverture. Les Romains savaient construire des arches encore plus larges : 25 m au pont Aemilius à Rome, dès la fin du iie siècle avant J.-C. ; de 22 à 24 m pour les quatre arches du pont sur la Nera près de Narni, sous Auguste ; de 34 à 38 m pour les arches du pont d'El Kantara qui, sous Trajan, permit à une voie de franchir le Tage à une hauteur de près de 54 m.

La technique la plus usitée dans la construction des ponts consistait à monter des piles dont le fruit (inclinaison) était réalisé soit par une série de décrochements en gradins, soit par une inclinaison régulière du mur donnant un profil trapézoïdal. L'importance de ce fruit transversal est liée à la possibilité d'implanter des fondations. Ainsi, sur l'aqueduc de Cherchel, selon la nature du terrain, le fruit des piles des différents ponts varie de 3,5 p. 100 à 5,9 p. 100. Une autre solution consiste à construire des contreforts latéraux. On en connaît aussi bien sur l'aqueduc de Fréjus[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Provence (Antiquités nationales)

Classification

Pour citer cet article

Philippe LEVEAU. AQUEDUCS, Antiquité [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Construction : aqueducs - crédits : Planeta Actimedia S.A.© Encyclopædia Universalis France pour la version française.

Construction : aqueducs

Le pont du Gard - crédits : BasieB/ Getty Images

Le pont du Gard

Aqueduc de Ségovie - crédits : David Barnes/ The Image Bank/ Getty Images

Aqueduc de Ségovie

Autres références

  • EUPALINOS DE MÉGARE (milieu VIe s. av. J.-C.)

    • Écrit par Bernard HOLTZMANN
    • 528 mots

    Ingénieur grec né à Mégare, auteur à Samos d'un aqueduc souterrain décrit par Hérodote (Histoires, III, 60) comme l'un des ouvrages d'art les plus remarquables construits par les Grecs.

    Redécouvert en 1882, le tunnel qui en constitue la section centrale a été complètement dégagé...

  • GAULE

    • Écrit par Jean-Paul DEMOULE, Jean-Jacques HATT
    • 26 438 mots
    • 4 médias
    ...deux catégories de travaux d'utilité publique : les adductions d'eau et les routes. Les grands thermes urbains devaient être desservis par d'immenses aqueducs qui ont laissé des vestiges souvent impressionnants (pont du Gard ; piles de Jouy-aux-Arches, près de Metz). L'alimentation en eau de source fut...
  • MINES, Antiquité gréco-romaine

    • Écrit par Claude DOMERGUE
    • 12 763 mots
    • 1 média
    ...quantité, d'abord pour séparer l'or de sa gangue de graviers et d'argiles, ensuite pour évacuer les stériles, dont les volumes étaient énormes. Dans ce but, d'innombrables réseaux d'aqueducs ont été construits, qui dérivaient l'eau de toutes les sources possibles – y compris parfois l'eau qui...
  • POMPÉI

    • Écrit par Hélène DESSALES
    • 4 784 mots
    • 31 médias
    La ville était desservie en eau par une dérivation de l’aqueduc construit sous le règne d'Auguste (Aqua Augusta) et alimenté par des sources à partir de Serino. Il a été précédé d'un autre aqueduc de moindre envergure, qui remonte à l'époque de la formation de la colonie. À Pompéi, outre un...

Voir aussi