TRAJAN (53-117)

Trajan, buste en marbre - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Trajan, buste en marbre

Qui était Trajan ? Jérôme Carcopino voyait en lui le souverain qui avait amené l'Empire à son apogée et qui fut appelé en son temps « le meilleur des princes ». Pour Paul Petit, en revanche, il n'était qu'un « soudard au front bas », porté sur « le vin et les jeunes garçons ». Cependant, aux yeux des historiens actuels, la personnalité devra peut-être s'effacer devant la politique. En ce domaine, bien des interrogations subsistent. Jusqu'à présent, personne n'avait songé à nier l'importance des événements militaires qui ont marqué ce règne ; peut-être ne serait-il pas inutile de les passer au crible de la critique. D'autre part, certains savants en sont à se demander si Trajan s'est occupé des affaires intérieures, alors qu'un livre récent s'efforce de montrer que, de 98 à 117, l'État romain a obéi à un programme élaboré et cohérent.

Un provincial

Par ses origines et ses charges initiales, Trajan appartient aux milieux provinciaux. Il est le premier empereur né hors d'Italie, et cette nouveauté traduit une certaine évolution dans la conception du pouvoir impérial : l'accès aux responsabilités n'est plus l'apanage des seuls habitants de la ville de Rome.

Trajan a vu le jour dans le sud de l'Espagne, à Italica, le 18 septembre 53. Certes, il descend de colons italiens immigrés, et il a même grandi au sein de la noble famille des Vlpii (il s'appelait Marcus Vlpius Traianus). Mais il n'en demeure pas moins un provincial, et sa promotion accompagne l'essor de la région où il a vu le jour : l'Espagne romaine connaît alors en effet une période d'apogée.

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C'est sous Domitien qu'il accomplit l'essentiel de sa carrière (cette constatation amène d'ailleurs à penser que la rupture entre l'époque des Flaviens et celle des Antonins est moins tranchée qu'on ne l'a cru parfois). Trajan commence par dix ans de tribunat militaire : il sert comme officier en second de légion ; cette durée inhabituelle, la règle étant d'une année, prouve son goût pour l'armée. Appartenant à l'ordre sénatorial, il suit ensuite la carrière des honneurs, c'est-à-dire qu'il exerce les magistratures dans l'ordre normal jusqu'au consulat, qu'il atteint en 91. En 97, avec le titre de légat impérial propréteur de Germanie supérieure, il gouverne la province et commande l'armée qui s'y trouve, une des plus importantes de l'Empire. C'est à ce moment que Nerva le choisit comme successeur : il l'adopte et l'associe immédiatement à son pouvoir. Suivant le mot de la tradition, il fait appel « au meilleur », ce qui a été dans la suite la règle des Antonins, jusqu'à Marc Aurèle qui préféra désigner Commode, son propre fils.

Il dirige l'Empire dans la force de l'âge, entre quarante-quatre et soixante-quatre ans. Il a laissé de nombreux bustes, et son aspect physique est donc bien connu. Des cheveux courts et plats rétrécissent le front, et un visage plutôt osseux, avec un grand nez et une bouche étroite aux lèvres minces, n'a pas laissé un souvenir de beauté ; mais il avait beaucoup de majesté : il était laid et digne comme Louis XIV. Le portrait psychologique paraît plus difficile à tracer et, comme on l'a vu, il a donné matière à des interprétations divergentes, car on le connaît à travers des auteurs plus ou moins partisans. Mais lui-même se révèle à nous, sur le tard il est vrai, dans ses réponses à Pline le Jeune. Peut-être aimait-il le vin et les jeunes garçons : il n'aborde pas ces points dans cette correspondance ; mais on sait qu'il était marié à Plotine. On sait aussi qu'il attachait une grande importance à l'amitié : « Très cher Pline, tu as eu raison de faire confiance à mon amitié » (Lettre 121). Homme de pouvoir et de devoir, il fonde son action sur deux pôles : il s'appuie sur l'armée et le droit. Il fait partie de ceux qu'on appelle les uiri militares, nobles passionnés par les armes, véritables « traîneurs de sabres ». D'où une nette tendance à l'autoritarisme et à la sévérité ; ainsi dans la Lettre 30, à propos d'esclaves qui se sont fait enrôler dans l'armée : « S'ils sont venus d'eux-mêmes en pleine connaissance de leur condition, il faut les condamner à mort. » Mais il accorde tous ses soins aux provinciaux, il sait montrer son cœur et sa générosité et manifeste une certaine élégance dans ses attitudes. À cet égard, on n'a pas assez remarqué un étonnant souci de modernité dans la célèbre « Lettre sur les chrétiens » (97) ; condamnant les pratiques courantes sous les mauvais empereurs en général et sous Domitien en particulier, il écrit : « Quant aux dénonciations anonymes, elles ne doivent jouer aucun rôle dans quelque accusation que ce soit ; c'est un procédé d'un détestable exemple et qui n'est plus de notre temps. » Voilà l'homme, avec ses qualités et ses défauts. Voyons l'empereur.

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Trajan, buste en marbre - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Trajan, buste en marbre

Colonne Trajane, Rome - crédits : A. M. Bremmer/ Shutterstock

Colonne Trajane, Rome

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