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LAVOISIER ANTOINE LAURENT (1743-1794)

Le chimiste Lavoisier n'a en rien enrichi l'inventaire des choses naturelles, ni découvert quelque phénomène qui eût été inconnu avant lui. Mais on lui doit, en revanche, d'avoir conçu et mis à l'épreuve une méthode de penser la représentation de l'univers matériel. Grâce à lui, le rapport de la substance au substantif sera désormais pensé au moyen de pesées. L'analytique doit trouver son image exacte dans le dénotatif, et celui-ci rend compte par la composition vocalique de la structure associative des combinaisons.

La consistance de son système repose sur le principe newtonien d'économie : « Rien ne se crée, ni dans les opérations de l'art, ni dans celles de la nature, et l'on peut poser en principe que, dans toute opération, il y a une égale quantité de matière avant et après l'opération ; que la qualité et la quantité des principes sont les mêmes et qu'il n'y a que des changements, des modifications. » Dès lors, le champ matériel des transformations est réductible en droit aux équations qui décrivent les occurrences des combinaisons, ce qui entraîne l'obligation corrélative de clore tout système expérimental, afin d'en tenir l'exacte définition quantitative.

Lavoisier paiera d'exemple dans cette exigence de clôture qui aura d'immenses conséquences dans la théorie des phénomènes naturels : la thermodynamique ne se constituera-t-elle pas comme un corps de relations descriptives de systèmes isolés ?

C'est également en vertu de son principe d'économie que Lavoisier constate l'inutilité de donner au phlogistiqueune fonction médiatrice et introduit l'action effective de l'oxygène. Celle-ci chevillera, mais imparfaitement, la distribution élémentaire des substances, selon un projet didactique aussi bien que cosmologique. Son apport fondamental, en définitive, aura été de lier dans un effort de représentation, tout à la fois scrupuleuse et globale, une méthode de nomenclature rationnelle, une classification méthodique et une théorie de la matière où tout est résoluble en réarrangements de combinaisons. Le développement de la thermodynamique clarifiera certaines implications du projet de Lavoisier, mais son mérite incontestable est d'avoir, par sa mise en ordre temporaire d'un savoir errant, fondé positivement la chimie moderne.

Une jeunesse studieuse

La famille Lavoisier a pour berceau la petite ville de Villers-Cotterêts, dans le Soissonnais. Le postillon Antoine Lavoisier, mort en 1620, y était chevaucheur des écuries du roi. Ses descendants s'élevèrent peu à peu dans la hiérarchie sociale, grâce à leur travail, à l'esprit d'économie, à une sage gestion du patrimoine, aux mariages calculés avec des jeunes filles riches et à la limitation des naissances. Leur mentalité de possédants bourgeois avait pour lointain objectif l'achat d'une charge entraînant l'accession à la noblesse non fieffée.

Jean-Antoine Lavoisier (1715-1775), descendant d'Antoine à la cinquième génération, fit ses études à la faculté de droit, à Paris, et succéda, en 1741, à un oncle procureur au parlement de Paris. En 1742, il épousa Émilie Punctis, fille d'un riche avocat. De cette union naquirent deux enfants : Antoine Laurent, le 26 août 1743, et, deux ans plus tard, Marie-Marguerite-Émilie, qui devait décéder à l'âge de quinze ans. Devenu veuf en 1746, le procureur s'établit chez ses beaux-parents où sa jeune belle-sœur, Clémence Punctis, se consacra aux deux orphelins.

Externe au collège Mazarin dont les cours de sciences étaient réputés, le jeune Antoine Laurent se révéla un brillant élève. En 1760, dans la classe de rhétorique, il obtint le second prix de discours français au concours général des collèges parisiens. Il suivit ensuite les leçons de mathématiques élémentaires de[...]

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Écrit par

  • : ingénieur civil des Mines, membre correspondant de l'Académie internationale d'histoire des sciences, professeur à l'université de Paris-I

Classification

Pour citer cet article

Arthur BIREMBAUT. LAVOISIER ANTOINE LAURENT (1743-1794) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>Portrait d'Antoine Laurent Lavoisier et de sa femme</it>, J.-L. David - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Portrait d'Antoine Laurent Lavoisier et de sa femme, J.-L. David

Autres références

  • LAVOISIER : LES COMBUSTIONS ET LA VIE

    • Écrit par Gabriel GACHELIN
    • 308 mots
    • 1 média

    Au moment où, en 1772, Antoine Laurent Lavoisier (1743-1794) débute ses expériences sur la combustion, l'opinion des chimistes était dominée par la théorie du phlogistique, un agent assimilable au feu et nécessaire autant à la combustion, à la calcination qu'à la respiration. Lavoisier...

  • ACIDES & BASES

    • Écrit par Yves GAUTIER, Pierre SOUCHAY
    • 12 364 mots
    • 7 médias
    Ce fut Lavoisier qui, le premier, tenta d'établir une corrélation entre les manifestations de l'acidité et la composition chimique des substances. S'appuyant sur le fait que la combustion de nombreux éléments (carbone, soufre, phosphore) dans l'oxygène conduit à des oxydes formant...
  • AIR

    • Écrit par Jean PERROTEY
    • 2 154 mots
    • 2 médias
    ...« nitre », d'où le nom d'« esprit nitro-aérien » alors donné à l' oxygène. Un siècle plus tard, la nature de l'air est vraiment élucidée par Lavoisier. L'expérience par laquelle il établit la composition de l'air est, encore à notre époque, un modèle de rigueur scientifique et de raisonnement...
  • BERTHOLLET CLAUDE LOUIS (1748-1822)

    • Écrit par Michelle GOUPIL-SADOUN
    • 1 193 mots
    ...royale des sciences dès 1778. Le jeune chimiste y fut admis comme adjoint le 15 avril 1780, associé le 23 avril 1785, et pensionnaire le 7 janvier 1792. Avec Fourcroy, Guyton de Morveau et Monge, il faisait partie du petit cercle de jeunes savants qui se réunissaient à l'Arsenal, autour de Lavoisier, dont...
  • CALORIQUE

    • Écrit par Georges KAYAS
    • 376 mots

    Ancien nom de la chaleur considérée comme un fluide pondérable dérivant du feu platonicien. Passant à travers les parois des vases (à cause de l'acuité de ses arêtes et de ses sommets pointus), il provoquait, d'une part, la dilatation des corps (en s'insinuant entre leurs propres particules qu'il...

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Voir aussi