ANCIEN RÉGIME
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L'Ancien Régime, forme de société
Car l'Ancien Régime est tout autant une forme de société qu'un type de gouvernement. C'est même la pérennité relative de sa société qui le caractérise plus exactement que ses formes successives de gouvernement. Pérennité d'ordre d'abord juridique, résumée par la fameuse hiérarchie des trois ordres : noblesse, clergé, tiers état. On peut répéter après tant d'autres que cette subdivision est loin de correspondre à la mouvante réalité sociale, qu'il faudrait parler du « quatrième ordre » (ce qui est un abus de langage), que l'apparition de classes sociales (mais tout dépend du sens que l'on donne à ce nom, et il existe à peu près autant de définitions que d'historiens) mine l'existence des ordres. Tout cela est plus ou moins vrai, mais n'empêche nullement que les ordres subsistent, et qu'ils sont l'une des raisons majeures du déclenchement de la Révolution.
Déclin de la noblesse ?
L'Ancien Régime est d'abord une société aristocratique, à l'intérieur de laquelle la noblesse, et surtout la haute noblesse, sans cesse mise en cause par les progrès de la monarchie absolue, reste cependant le pôle autour duquel tout tourne. Qu'on ne se laisse pas abuser, en effet, par les expressions stéréotypées des manuels : « déclin de la noblesse », « montée de la bourgeoisie », etc. Sans doute l'ascension de cette dernière (mais il faudrait dire de ces dernières) est-elle pratiquement continue depuis le Moyen Âge, sauf au xviiie siècle, dans le domaine politique ; encore convient-il de ne pas s'exagérer ce recul d'influence politique, en partie compensé par le rôle grandissant des premiers commis et de la bureaucratie administrative.
Mais le « déclin » de la noblesse nous semble infiniment plus douteux. Voici une catégorie sociale dont on ne cesse, à travers les siècles, d'affirmer la décadence : déclin au xvie siècle, d'après les études de Raveau dans le Poitou ; déclin au xviie siècle, illustré par l'expression célèbre de Saint-Simon : « Ce règne de vile bourgeoisie » ; déclin au xviiie siècle, clamé à tous vents et par les philosophes, et par les révolutionnaires, et par les mémorialistes de la noblesse elle-même, comme le marquis de Bouillé ; déclin encore au xixe, pour ne point parler du xxe siècle – évident, paraît-il, aux yeux de tous. En somme une noblesse qui n'en finit pas de mourir depuis au moins cinq siècles car, bien entendu, elle est aussi en déclin au xive et au xve siècle, voire au xiiie. Tant et si bien que l'on peut légitimement se demander pourquoi elle n'a pas disparu depuis longtemps. Or, ce moribond vit encore de nos jours et, au total, exerce sur la vie de la nation une influence sans commune mesure avec sa faiblesse numérique. En histoire, on le voit, tout est question de mesure et de proportion. Ces « déclins » qui n'en finissent plus sont déduits d'un déterminisme économique simpliste. Le noble est, par définition, rentier de la terre, et les hausses de prix l'appauvriraient, sous prétexte que ses rentrées sont fixes. Mais les conséquences sociales des évolutions économiques sont loin d'être inéluctables. Ainsi pour la hausse des prix, l'étude, qui mériterait de devenir classique, du docteur Merle sur la métairie en Gâtine poitevine démontre comment une noblesse provinciale du xvie siècle a su s'adapter à l'afflux des métaux précieux d'origine espagnole, dans ce Poitou fournisseur attitré de grains et de mulets. Réunissant les champs ouverts, divisés en d'innombrables petites lanières, qu'avaient abandonnés les paysans victimes des conséquences de la guerre de Cent Ans, cette noblesse, autant et plus que la bourgeoisie, regroupe ses exploitations en les agrandissant, en leur donnant une forme de location nouvelle, adaptée aux circonstances. Du coup, le paysage se transforme : le bocage devient la règle de ce pays de l'Ouest. Vérité purement locale ? Il semble que non, et que les conclusions valables pour la Gâtine poitevine soient, avec diverses réserves, susceptibles d'être étendues à d'autres parties de l'Ouest bocager. Ailleurs ? Il faudrait reprendre l'étude des chartriers seigneuriaux, et ne plus se contenter des généralisations tirées de récits rapides et de jugements pessimistes, comme ceux de Noël du Fail.
Peut-être le xviie siècle est-il vraiment pour la noblesse française une période difficile. Mais ce sont la noblesse parlementaire bretonne et la noblesse de cour qui à ce moment créent, ou renforcent, l'industrie métallurgique [...]
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Écrit par :
- Jean MEYER : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes
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Pour citer l’article
Jean MEYER, « ANCIEN RÉGIME », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 22 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/ancien-regime/