AMOUR, fleuve
Pour les Russes, l'Extrême-Orient se distingue de la Sibérie par le fait que le premier voit ses fleuves se jeter dans le Pacifique, la seconde, dans l'océan glacial Arctique. Alors que les cours d'eau sibériens, coulant du sud au nord, nécessitaient pour la colonisation russe des transbordements pour avancer d'ouest en est, les fleuves d'Extrême-Orient allaient dans le même sens que la conquête. C'est dire l'importance du plus grand d'entre eux, l'Amour. Mais ce dernier est aussi chinois et, depuis l'arrivée des Slaves au début du xviiie siècle, le fleuve est devenu un enjeu militaire et est resté jusqu'à aujourd'hui une limite disputée. Pourtant, de par sa taille, l'Amour traverse trois régions géographiques bien distinctes, d'abord les plateaux vides de la Transbaïkalie, ensuite la partie moyenne frontalière, puis le tronçon aval, à l'approche des influences maritimes.
Le grand fleuve de l'Extrême-Orient
Long d'environ 4 400 km (4 384 à 4 444 selon la source considérée), l'Amour draine un bassin de 1 855 000 km2. Né dans les plateaux du nord-est de la Mongolie et de la Transbaïkalie russe, le fleuve s'écoule d'abord parallèlement aux grandes fractures, du sud-ouest au nord-est. Après son coude entre la chaîne russe de Toukouringra et le massif chinois du Grand Khingan, il se dirige vers le sud-est, recoupant perpendiculairement les grandes lignes de relief et faisant alterner des gorges, à la traversée des moyennes montagnes, et des élargissements, au niveau des bassins d'effondrement. Arrivé dans la plaine mandchoue, l'Amour prend la direction de la tectonique pacifique, s'incurvant en direction du nord-est et s'écoulant au pied du horst de Sikhota-Alin.
Quatrième fleuve le plus abondant de Russie, derrière l'Ienisseï, la Lena et l'Ob, l'Amour écoule en moyenne annuelle plus de 11 000 m3/s à l'embouchure. La station limnimétrique de référence est celle de Bogorodskoïé, qui enregistre un module brut (débit moyen annuel) de 10 300 m3/s, mais elle est située en amont de l'Amgoun, qui apporte à lui seul 490 m3/s, et de quelques autres affluents de moindre importance. À Bogorodskoïé, la moyenne mensuelle la plus basse est celle de mars (610 m3/s), quand la neige stocke sous forme solide les précipitations du bassin, de toute façon très faibles pendant tout l'hiver, et le fleuve écoule un filet d'eau sous la glace. Le débit remonte légèrement en avril et mai, puis fortement et brutalement en juin du fait de la fonte des neiges. Ce premier pic est cependant inférieur au second, qui survient en septembre, mois pendant lequel la moyenne est de 36 000 m3/s grâce aux pluies de moussons qui, provenant du sud, viennent mourir ici. C'est le maximum principal de fin d'été, sans aucun rapport avec le déstockage nival, qui distingue le comportement de l'Amour de celui de tous les fleuves sibériens et en fait, typiquement, un fleuve extrême-oriental. Ce régime pluvio-nival de mousson bimodal, à deux minima (mars et juillet) et deux maxima (juin et septembre), est dit régime amourien. Il est excessif dans ses variations saisonnières, mais régulier d'une année à l'autre. Lors de l'embâcle automnal et de la débâcle printanière, l'Amour ne souffre pas d'un gel plus précoce et d'un dégel plus tardif de l'aval, au contraire des fleuves sibériens, puisqu'il ne coule pas du sud au nord. Il ne subit donc pas le bouchon de glace qui cause les plus graves inondations sibériennes. Mais, en l'absence de barrages hydroélectriques sur son cours, il n'en est pas pour autant préservé par des équipements humains, au contraire de ses homologues sibériens. En tant que fleuve extrême-oriental, l'Amour prend au contraire en glace d'amont en aval et dégèle[...]
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Écrit par
- Laurent TOUCHART : professeur de géographie à l'université d'Orléans, président du C.S.T. du pôle-relais zones humides intérieures
Classification
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