Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

AMÉRIQUE LATINE Évolution géopolitique

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par

Une Amérique latine distante des États-Unis, pragmatique et plus sociale

Certains analystes des États-Unis considèrent que désormais l'Amérique latine évolue dans un contexte de Washington-free, de liberté vis-à-vis des États-Unis. Si l'on observe les processus électoraux des années 2000-2007, on ne peut que constater la vague puissante qui a – en dépit des mises en garde réitérées (et fort maladroites) de Washington – installé des gouvernements de gauche dans la plupart des pays : Nestor Kirchner en 2003 en Argentine ; Tabaré Vázquez en 2004 ; et, entre novembre 2005 et décembre 2006, Evo Morales (Bolivie), Michelle Bachelet (Chili), Oscar Arias (Costa Rica), Alan García (Pérou), Lula (Brésil), Daniel Ortega (Nicaragua), René Préval (Haïti), Hugo Chávez (Venezuela), Rafael Correa (Équateur). Deux gouvernements seulement se revendiquent de droite, Felipe Calderón (Mexique) et Álvaro Uribe (Colombie), et un, Manuel Zelaya (Honduras), se situerait plutôt au centre.

Apparences trompeuses

Mais cette dominante d'élus de gauche ne signifie pas qu'un front politique homogène soit en voie de constitution, tant les différences sont grandes entre eux, sur quantité de points. Hugo Chávez dénonce de manière virulente le modèle néo-libéral et lance de grands projets sociaux de type « assistanciel » en faveur des plus démunis, mais il ne peut le faire que grâce au pétrole qu'il vend sur les marchés internationaux et en premier lieu aux États-Unis. Il rêve d'occuper sur la scène régionale la place laissée vacante par le retrait forcé, pour cause de maladie, de Fidel Castro. Il ne perd jamais une occasion de stigmatiser « le diable » George W. Bush. Il aimerait entraîner avec lui Correa, Morales, Ortega. Mais l'Équateur, la Bolivie et le Nicaragua font partie des pays les plus pauvres du continent, et leurs dirigeants n'ont donc pas les moyens de le suivre activement sur ce terrain. Le pragmatisme que l'on observe dans la conduite des politiques économiques se retrouve dans la conduite des relations extérieures. La plupart des dirigeants « de gauche » connaissent l'importance du marché nord-américain pour leur développement, et il serait donc vain de faire de « l'antiaméricanisme » un critère de regroupement des « gauches » latino-américaines. Le Chili dirigé par un président socialiste, Ricardo Lagos, et le Mexique, dirigé par un président de droite, Vicente Fox, ont tous deux en 2002 voté au Conseil de sécurité de l'O.N.U. contre la proposition des États-Unis d'intervenir militairement en Irak. Et l'amitié dont se prévalait Vicente Fox pour G. W. Bush s'est fortement émoussée après que ce dernier eut demandé l'autorisation au Congrès de construire un mur de 1 120 kilomètres à la frontière entre les deux pays, pour tenter d'enrayer les flux migratoires clandestins.

En définitive, les points communs à l'ensemble des dirigeants « de droite » et « de gauche » sont nombreux. D'une part, aucun ne remet fondamentalement en cause le nouvel ordre économique néo-libéral orienté vers le développement des échanges mondiaux. Les « nationalisations » opérées par Chávez ou Morales ne sont que des renégociations de contrats avec des compagnies étrangères que l'on ne souhaite pas voir partir. D'autre part, tous les dirigeants souhaitent voir l'État jouer un rôle plus actif (s'il en a les moyens) dans la société, en particulier pour mettre en œuvre des politiques sociales qui puissent restaurer des tissus sociaux fortement dégradés après dix années d'application mécanique des recettes néo-libérales (connues sous le nom de Consensus de Washington) imposées au début des années 1990 par les créanciers internationaux : Banque mondiale, F.M.I., Club de Paris. Mais cette sensibilité au social[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur de science politique, Institut des hautes études de l'Amérique latine (I.H.E.A.L.), université de Paris III-Sorbonne nouvelle

Classification

Pour citer cet article

Georges COUFFIGNAL. AMÉRIQUE LATINE - Évolution géopolitique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 21/01/2021

Autres références

  • ALLIANCE POUR LE PROGRÈS

    • Écrit par
    • 928 mots

    Créée le 13 mars 1961 à Washington, l'Alliance pour le progrès (Alianza para el progreso) est lancée en août par la conférence de Punta del Este qui définit ses objectifs et ses organes d'exécution. L'effort entrepris s'inscrit dans la ligne politique inaugurée par les États-Unis, en 1895, lors...

  • AMAZONE, fleuve

    • Écrit par
    • 2 326 mots
    • 2 médias

    Un peu plus long que le Nil, avec les 7 025 km de son cours, l'Amazone se place au premier rang, parmi les fleuves du monde, pour l'étendue de la superficie drainée : environ 6 millions de kilomètres carrés qui se répartissent sur six États d'Amérique latine. Sa supério rité est encore plus...

  • AMÉRIQUE (Structure et milieu) - Géographie

    • Écrit par , et
    • 18 105 mots
    • 9 médias
    Quant aux Ibériques, nombreux furent les chefs militaires, les administrateurs et les religieux qui gagnèrent les rives de l'Amérique centrale et de l'Amérique méridionale : ils furent accompagnés d'un certain nombre de paysans qui arrivèrent, eux aussi, très tôt. De pauvres cultivateurs, rudes et privés...
  • ANARCHISME

    • Écrit par , , et
    • 13 391 mots
    • 7 médias
    L'influence des idées anarchistes en Amérique latine, principalement en Argentine, s'est fait sentir avec la pénétration des théories bakouniniennes. Un centre de propagande ouvrière édita en 1879 un opuscule, Una idea, exposant les conceptions de Bakounine. Les journaux El Descamisado...
  • Afficher les 53 références