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AMÉRIQUE LATINE Évolution géopolitique

En dépit de ses évidentes disparités, il n'est pas vain de continuer à considérer cette région du monde comme un ensemble où les convergences, en termes géopolitiques, l'emportent sur les différences, qu'il s'agisse de l'histoire des relations entre les deux parties du continent, des modes de développement économiques, du tournant opéré dans les années 1980 en matière économique et politique, ou des évolutions actuelles vers plus de pragmatisme et de distanciation vis-à-vis des États-Unis.

Le poids historique des États-Unis

Le 2 décembre 1823, James Monroe, cinquième président des États-Unis, fixait dans un message au Congrès les principes qui devaient guider la politique étrangère de Washington vis-à-vis de l'Europe et de l'Amérique latine : « ... weshouldconsideranyattempt on their part to extendtheir system to any portion of thishemisphere as dangerous to ourpeace and safety ». Ce message posait le principe qui a servi depuis lors de fondement à l'ensemble des relations interaméricaines : les États-Unis considéreraient leur sécurité menacée par toute atteinte européenne à l'indépendance de l'un ou l'autre des États qui composent la région. L'histoire n'a retenu de ce message que le primat donné à la sécurité des États-Unis, et la manière dont ceux-ci se sont ensuite attribué un pouvoir tutélaire sur l'ensemble du continent. Les nombreuses interventions militaires des États-Unis dans la région ont imposé l'idée de cette tutelle, provoquant en retour un fond d'antiaméricanisme que l'on retrouve dans toutes les populations.

Ambiguïtés de la doctrine

Mais ce message contenait un second volet : face à une Europe colonisatrice, les États-Unis, qui avaient conquis leur indépendance près d'un demi-siècle auparavant, saluaient les jeunes nations qui venaient de se constituer et les assuraient de leur protection face à toute tentative d'ingérence européenne. Ce ne fut pas toujours le cas au xixe siècle, puisqu'il y eut nombre d'interventions européennes (notamment anglaises, françaises et espagnoles). Mais le mythe de « l'Amérique aux Américains » s'installa profondément dans les imaginaires collectifs, avec une double acception : celle de Monroe (non à la présence de l'Europe sur le continent), et celle dont la montée en puissance des États-Unis à partir de la fin du xixe siècle va retenir sous le nom de « doctrine Monroe » : l'ensemble du continent est chasse gardée des États-Unis.

L'histoire du Mexique, de l'Amérique centrale, des Caraïbes est ainsi faite d'une longue suite d'interventions militaires des États-Unis, avec toujours le motif de sécurité mis en exergue. C'est vrai de la première intervention, un an après la déclaration de James Monroe, lorsqu'un corps expéditionnaire débarque à Porto Rico, comme de la dernière, à Panamá en décembre 1989, sans oublier le traité de Guadalupe Hidalgo, qui a clos le 2 février 1848 la guerre avec le Mexique et amputé ce dernier de près de la moitié de son territoire (Texas, Nouveau-Mexique, Arizona, Californie, Nevada, Utah, une partie du Colorado et du Wyoming). Si l'Amérique du Sud a moins connu d'interventions militaires directes que l'Amérique centrale, les interventions indirectes, pressions, menaces, rétorsions n'ont jamais manqué.

Les variantes du principe posé par Monroe ont été nombreuses. Le général Grant (1869-1877) a souligné la « communauté de destin » des deux Amériques pour revendiquer le droit d'intervention des États-Unis sur tout le continent. Derrière cette formule se faisaient jour les prétentions économiques d'une puissance naissante. L'Union panaméricaine, créée en 1910 sous couvert de reprendre les vieux mythes bolivariens d'unité continentale, n'était que le support[...]

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Écrit par

  • : professeur de science politique, Institut des hautes études de l'Amérique latine (I.H.E.A.L.), université de Paris III-Sorbonne nouvelle

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