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EINSTEIN ALBERT (1879-1955)

Critique de l'interprétation de la mécanique quantique

Tout en admettant la validité des relations de la mécanique quantique, Einstein formula des critiques sur son interprétation par Niels Bohr et l'École de Copenhague en termes de « philosophie de la complémentarité ». Il refusait d'y voir une théorie définitive et complète (selon les termes de Born et Heisenberg) et contestait qu'elle pût servir de point de départ pour une théorie plus fondamentale qui s'unifierait un jour avec la relativité générale.

Parmi les expériences de pensée qu'il utilisait volontiers pour s'interroger sur la nature et le contenu des théories, l'expérience dite « E.P.R. » (Einstein, Podolski, Rosen, 1935) est restée célèbre : elle fait intervenir des systèmes quantiques corrélés dans un état initial (deux particules issues d'un même atome) et qui le demeurent après leur séparation, quelle que soit leur distance. Cette propriété spécifiquement quantique (non-séparabilité locale) fut éclairée par Einstein, tout en étant refusée par lui ; elle devait être mise en évidence par Bell (1964) et testée expérimentalement (expériences d'Aspect, 1981).

Einstein considérait que l'objectif de la physique était de décrire une réalité – qui se présente, par exemple, sous la forme d'un système individuel – supposée exister indépendamment de l'acte de mesure. Il exprimait, par complétude théorique (dans un sens ici moins fort que celui qui est proposé pour la théorie du champ), la nécessité, pour une théorie fondamentale, de rendre compte de tous les éléments de réalité qu'il est possible de caractériser par la pensée concernant son domaine et d'être en relation biunivoque avec le système réel décrit. Il lui paraissait raisonnable de postuler un « principe de séparabilité locale » – bien qu'il fût étranger aux propositions de la mécanique quantique – pour des systèmes physiques définis dans l'espace et sans interaction entre eux : ce principe lui fournissait un moyen de caractériser un système physique réel indépendamment du fait qu'on l'observe ou non.

La mesure complète des grandeurs (A) caractérisant le premier sous-système (I) donne la connaissance de son état (ψAI) et, en raison de la corrélation initiale, celle (la fonction ψAII) du second système (II), qui n'est pas perturbé. Une autre mesure complète du premier sous-système, sur des grandeurs (B) qui sont incompatibles (au sens de la non-commutation) avec les précédentes, fournirait une autre description des deux sous-systèmes (ψBI et ψBII). Le second système non perturbé, supposé être représenté individuellement par une fonction y, pourrait donc être décrit de deux manières différentes (par ψAII et par ψBII) ; ou alors, il faudrait admettre que son état est déterminé par l'acte de mesure sur le premier, ce qui supposerait une interaction instantanée entre les deux, hypothèse déraisonnable aux yeux d'Einstein. La situation est différente si la fonction y ne décrit que des ensembles de systèmes, mais alors la mécanique quantique est une théorie seulement statistique et les systèmes individuels ne sont pas décrits, bien qu'on puisse les penser : c'est en ce sens qu'il convient d'entendre la formulation fameuse : « Dieu [c'est-à-dire la nature] ne joue pas aux dés. »

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS

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Pour citer cet article

Michel PATY. EINSTEIN ALBERT (1879-1955) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Théorie de la relativité - crédits : Encyclopædia Universalis France

Théorie de la relativité

Albert Einstein - crédits : AKG-images

Albert Einstein

Albert Einstein - crédits : Encyclopedia Britannica

Albert Einstein

Autres références

  • EINSTEIN ET LA RELATIVITÉ GÉNÉRALE, LES CHEMINS DE L'ESPACE-TEMPS (J. Eisenstaedt)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 961 mots

    Si les principes et les conséquences de la théorie de la relativité restreinte ont été souvent, et parfois de façon excellente, vulgarisés, la complexité mathématique de la théorie d'Einstein de la gravitation – appelée relativité générale – est telle qu'elle n'est appréciée que d'un petit nombre...

  • THÉORIE DE LA RELATIVITÉ, en bref

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 175 mots
    • 1 média

    Albert Einstein propose, en 1905, la théorie de la relativité restreinte comme un nouveau cadre pour décrire de façon cohérente les phénomènes physiques mettant en jeu des vitesses proches de celle de la lumière. En imposant l'universalité de la vitesse de la lumière, la relativité restreinte...

  • ATOME

    • Écrit par José LEITE LOPES
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    • 13 médias
    ...formulées quelques années auparavant, retenaient l'attention des physiciens : la théorie des quanta de Planck (1901) et la théorie de la relativité d' Einstein (1905). Les travaux de Poincaré, de Lorentz et d'Einstein conduisirent, au début du xxe siècle, à la découverte d'un énoncé très important,...
  • ATOMIQUE PHYSIQUE

    • Écrit par Philippe BOUYER, Georges LÉVI
    • 6 651 mots
    • 1 média
    ...par un rayonnement ultraviolet. Ce phénomène, connu sous le nom d'effet photoélectrique, ne fut expliqué de façon satisfaisante qu'en 1905 par Einstein, qui supposa que le rayonnement électromagnétique était réellement constitué de quanta, les photons, chacun d'eux possédant une énergie...
  • BIG BANG

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    ...qu'un modèle cosmologique, qui représente notre Univers, doit être construit dans le cadre de cette théorie fondamentale et révolutionnaire, énoncée par Albert Einstein en 1915. Ce fut d'ailleurs Einstein lui-même qui fonda cette « cosmologie » relativiste, en proposant dès 1917 le premier modèle relativiste....
  • BOSE-EINSTEIN CONDENSATION DE

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 1 580 mots

    En 1924, Albert Einstein (1879-1955) reçoit un court article intitulé « La loi de Planck et l'hypothèse des quanta de lumière » qu'un jeune enseignant indien de l'université de Dacca (Bangladesh), Satyendranath Bose (1894-1974), lui envoie en lui demandant respectueusement ce qu'il en pense. Einstein...

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Voir aussi