BOSE-EINSTEIN CONDENSATION DE

La condensation de Bose-Einstein, prévue par Albert Einstein et le physicien indien Satyendranath Bose dès 1924, a constitué pendant bien des années un des objectifs majeurs des physiciens du monde entier. En refroidissant un nuage d'atomes à une température proche du zéro absolu (quelques dixièmes de millionième de kelvin), deux équipes de chercheurs américains, Eric Cornell et ses collaborateurs à l'université du Colorado, puis un groupe du Massachusetts Institute of Technology (M.I.T.), ont réussi à produire, en 1995, un tel condensat, étrange état de la matière, qui n'est ni solide ni liquide mais ressemblerait plutôt à un gaz pris en masse.

Le principe de la condensation de Bose-Einstein

La condensation de Bose-Einstein est un phénomène purement quantique ; elle plonge ses racines dans un monde qui n'a rien d'intuitif. La plupart des effets quantiques se manifestent soit dans le domaine microscopique, soit à basse température. Cette condensation ne déroge pas à la règle puisqu'elle apparaît lorsqu'on se rapproche du zéro absolu (— 273 0C ou 0 K). Autre fait remarquable et typique du monde quantique, elle ne peut se produire que pour un certain type de particules, les bosons (terme provenant de leur inventeur, Bose).

Toutes les particules formant l'Univers se classent en effet en deux catégories, les bosons et les fermions (cf. particules élémentaires). Ces deux familles diffèrent profondément par la manière dont elles se comportent au niveau quantique. Contrairement à ce qui se passe dans notre monde macroscopique régi par la mécanique classique, une particule ne peut pas avoir n'importe quelle vitesse ou n'importe quelle énergie. Seules sont autorisées pour l'énergie et quelques autres grandeurs physiques certaines valeurs bien déterminées correspondant à des états quantiques, que l'on peut se représenter comme des cases ou des étagères disponibles pour les particules. Les fermions et les bosons occupent les états quantiques de façon tout à fait différente.

Les fermions, par exemple les électrons, les protons ou les neutrons, obéissent à un principe d'exclusion, dit de Pauli, qui indique qu'un état quantique ne peut être occupé que par une seule particule. Au contraire, les bosons, comme les photons ou les particules composées d'un nombre pair de fermions, beaucoup moins individualistes, acceptent d'être à plusieurs dans le même état. Einstein a montré que cette caractéristique pouvait les amener à tous s'effondrer dans l'état de plus basse énergie : c'est précisément la condensation de Bose-Einstein. Celle-ci, reliée à la nature ondulatoire des particules, se produit lorsque les ondes associées aux différentes particules se recouvrent fortement, jusqu'à se confondre. Pour cela, il importe de renforcer la nature ondulatoire des particules, ce qui exige une très basse température.

Les fermions sembleraient donc avoir de la répulsion les uns pour les autres, tandis que les bosons s'attireraient. De fait, cette attirance et cette répulsion ne font intervenir aucune force, c'est-à-dire, pour les particules, aucune interaction mutuelle. Elles résident dans la nature même des particules. Alors qu'une vapeur se condense en liquide à cause de l'attraction entre ses atomes ou ses molécules, la condensation de Bose-Einstein survient dans un gaz où les particules n'interagissent pas du tout entre elles, en d'autres termes, dans un gaz parfait tel qu'il est défini en thermodynamique. Mais ce gaz n'existe qu'en théorie car la plupart des atomes ont en fait une forte attraction mutuelle dès qu'ils sont assez proches, et ils se condensent de manière banale si on les refroidit, bien avant que l'on puisse observer la condensation de Bose-Einstein.

Rien d'étonnant donc[...]

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Pour citer cet article

Elisabeth GIACOBINO, « BOSE-EINSTEIN CONDENSATION DE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Autres références

  • ASPECT ALAIN (1947- )

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 1 017 mots
    • 1 média
    ...de recherches au CNRS et affecté au laboratoire Charles-Fabry de l’Institut d’optique. Comme de nombreux physiciens atomiques, il tente de réaliser un « condensat de Bose-Einstein », cette mélasse composée d’atomes ayant perdu toute individualité pour se fondre en un état unique comparable à un ...
  • ATOMIQUE PHYSIQUE

    • Écrit par Philippe BOUYER, Georges LÉVI
    • 5 853 mots
    • 1 média
    ...en fermions. Les fermions peuvent être considérés comme « individualistes » alors que les bosons s'apparentent plutôt aux « moutons de Panurge ». Les bosons ont ainsi tendance à s'accumuler dans l'état fondamental du système, c'est la condensation de Bose-Einstein. Ce phénomène, qui est certainement...
  • COHEN-TANNOUDJI CLAUDE (1933- )

    • Écrit par Étienne GUYON
    • 677 mots
    • 1 média

    Prix Nobel de physique 1997, professeur au Collège de France où il occupe la chaire de physique atomique et moléculaire de 1973 à 2004 après avoir exercé à la faculté des sciences de Paris, mais aussi membre de l'Académie des sciences (1981) et médaille d'or du C.N.R.S. (1996), Claude Cohen-Tannoudji...

  • CORNELL ERIC A. (1961- )

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 359 mots

    Physicien américain, co-lauréat avec Carl Wieman et Wolfgang Ketterle du prix Nobel de physique 2001 pour la découverte du premier condensat de Bose-Einstein. Né le 19 décembre 1961 à Palo Alto (Californie), Eric A. Cornell est le fils d'un professeur de génie civil au Massachusetts Institute of...

  • DALIBARD JEAN (1958- )

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 900 mots
    • 1 média

    Jean Dalibard est un physicien expert des interactions entre la matière et le rayonnement électromagnétique intense généré par des lasers. Ses recherches se situent à l’interface de la physique atomique et de l'optique quantique. En 2021, il reçoit la médaille d’or du CNRS, qui couronne...

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