EINSTEIN ALBERT (1879-1955)

Relativité générale

Dès 1907, Einstein se posa le problème de la généralisation du principe de relativité aux mouvements quelconques, qui obligeait à reformuler la théorie de la gravitation. Selon la loi de Galilée de la chute des corps, l'accélération due à la pesanteur ne dépend pas de la nature du corps, ce dont la mécanique newtonienne rend compte par l'égalité de la masse gravitationnelle m G apparaissant dans la loi d'attraction :

et de la masse inertielle m I (présente dans la loi F = m I γ). Einstein érigea cette propriété en principe, l'interprétant comme l'équivalence entre un mouvement accéléré et un champ de gravitation, et se proposa de construire sur cette base une théorie relativiste de la gravitation.

C'est en 1912 qu'il fit le pas décisif qui devait le conduire, à la fin de 1915, à la théorie achevée de la relativité générale. Il s'appuya sur l'idée, empruntée à Mach, que l' inertie n'est pas déterminée par l'espace absolu (critique de l'expérience du seau tournant de Newton) mais n'est que relative aux autres masses d'inertie de l'Univers (« principe de la relativité de l'inertie », ou « principe de Mach »). Transposant à l' espace-temps de Minkowski la critique de Mach et remplaçant la distribution de matière par le champ de gravitation, il proposa de considérer les propriétés de l'espace-temps qui déterminent l'inertie comme des propriétés de champ, soumises à la covariance générale.

Le problème des déformations subies, en raison de la contraction de Lorentz, par une barre rigide en rotation suscita sa réflexion sur l'interprétation physique des coordonnées en termes de corps rigides, gouvernés par la géométrie euclidienne, en mécanique et en relativité restreinte. Rapportant la déformation à celle de l'espace dans lequel le corps se trouve plongé, il se rendit compte de la nécessité d'abandonner la signification physique directe des coordonnées, ce qui impliquait la covariance des lois (valables pour des systèmes de coordonnées quelconques). Il emprunta à la géométrie des surfaces de Gauss et à la géométrie riemannienne, puis au calcul tensoriel, les instruments mathématiques capables d'exprimer les lois du champ de gravitation sous forme covariante. Ce formalisme mathématique, appliqué à l'espace-temps de Minkowski, lui fournit la clé du problème initialement posé.

L'équivalence entre un champ de pesanteur homogène et un mouvement uniformément accéléré est locale et non pas globale, et la métrique d'espace-temps en un point, donnée par l'élément invariant :

est construite à partir de l'espace-temps de Minkowski tangent. Le champ de gravitation en ce point est identifié au tenseur métrique g μν . La force de gravitation est résorbée dans la courbure de l'espace et les corps suivent des trajectoires qui sont des géodésiques de cet espace.

L'étude des lois de transformation des tenseurs fournit le moyen d'exprimer des lois à covariance générale. En utilisant le calcul différentiel absolu de Ricci et Levi-Civitta et la notion de « champ de déplacement » (G j ik , qui détermine pour chaque vecteur en un point le vecteur en tout point infiniment voisin), Einstein obtint, en novembre 1915, les équations de la relativité générale :

(avec R μν  : tenseur de Ricci, formé sur le tenseur métrique fondamental g μν et obtenu par contraction du tenseur de Riemann-Christoffel d'ordre 4, R : courbure scalaire, T μν  : tenseur d'énergie-impulsion). Il en tira aussitôt les trois prédictions expérimentales, sur la courbure des rayons lumineux et sur le déplacement des fréquences vers le rouge dans un champ de gravitation, qui devaient être vérifiées par la suite, ainsi que sur l'avance séculaire[...]

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Écrit par

  • Michel PATY : directeur de recherche émérite au CNRS

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Pour citer cet article

Michel PATY, « EINSTEIN ALBERT (1879-1955) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

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Autres références

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    • Écrit par Bernard PIRE
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    • Écrit par Bernard PIRE
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