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ABORIGÈNES AUSTRALIENS

Autochtones d'Australie depuis au moins cinquante mille ans, les Aborigènes n'en sont devenus citoyens à part entière qu'après le référendum de 1967. Leur qualité de premiers occupants du sol ne fut reconnue qu'en 1993 avec la loi sur les titres fonciers autochtones (Native Title Act) qui invalida le statut de terra nullius (terre sans propriétaire) du continent, grâce auquel les Britanniques avaient pu en prendre possession en 1788 sans signer de traité avec les habitants. Pour signifier leur appartenance à un peuple, ils ont obtenu également l'attribution de la majuscule à l'exonyme « aborigène », mot hérité des Latins (ab-origine, depuis l'origine) continuant de s'appliquer à de nombreux autres peuples premiers occupants d'un territoire.

Sociétés aborigènes d'Australie - crédits : Encyclopædia Universalis France

Sociétés aborigènes d'Australie

Spirituellement liée à la terre, à la faune et à la flore, l'organisation sociale traditionnelle aborigène est très complexe et varie selon les régions et les langues ; ces dernières sont au nombre de plus de deux cents, réparties en douze familles linguistiques. Malgré cette diversité, les échanges d'objets et de rituels ainsi que les mythes sur la formation du paysage et l'instauration de règles sociales par des voyageurs totémiques ont tissé un maillage d'itinéraires multiples reliant quelque cinq cents tribus d'un océan à l'autre.

L'étude des Aborigènes a largement inspiré les grands penseurs des sciences de l'homme. Marcel Mauss, Émile Durkheim, Sigmund Freud, et Claude Lévi-Strauss ont chacun commenté les données des premiers observateurs, analysant les systèmes dits totémiques des premiers Australiens comme des formes élémentaires de la société et de la religion. L'idée que ces populations à la technologie de pierre seraient des survivantes de la préhistoire a servi de prétexte à de nombreux préjugés et crimes, de la ségrégation jusqu'aux massacres. Depuis les années 1970, l'anthropologie fait une relecture critique de la tradition ethnographique et, dans la lignée de David Unaipon (1872-1961), inventeur et écrivain engagé, les Aborigènes prennent la parole comme militants politiques, sportifs, artistes, juristes ou anthropologues.

Ethnocide et ségrégation

Dès la constitution par les six anciennes colonies britanniques d'un État fédéral autonome, en 1901, l'administration australienne (Native Welfare) s'est employée à déraciner les populations indigènes de leur environnement de naissance, en les déportant dans des réserves, où il leur était interdit de reprendre leurs chasses semi-nomades et souvent de pratiquer leurs rites et d'élever eux-mêmes leurs enfants. Au début du xxe siècle, un missionnaire allemand, T. J. Bishof, appointé « protecteur » des Aborigènes du Nord-Ouest, proclama, en plein accord avec les doctrines eugénistes régnant à cette époque, que tout métissage mettrait en danger l'avenir de l'Australie ; il recommanda de concentrer les Aborigènes dans des zones « protégées » pour empêcher qu'ils ne rencontrent des colons européens ou des contractuels asiatiques. Secondé par la police, le service social reçut à la même époque pour mission de rassembler de force tous les enfants à la peau plus claire que les autres. Les enfants métis étaient ainsi isolés et envoyés dans des institutions lointaines pour y apprendre à servir les colons. Le Native Welfare les gardait sous sa tutelle leur vie durant, gérant pour son propre compte aussi bien les dons des employeurs satisfaits que ceux des parents non aborigènes qui espéraient se les voir restituer un jour. Sur toute la période d'application de ce système, entre 1905 et 1960, la Commission royale d'enquête sur la « génération volée » (Stolen Generation) a estimé qu'un enfant de couleur sur cinq a été enlevé à ses parents.

L'enlèvement et[...]

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Écrit par

  • : docteur d'État ès lettres et sciences humaines, directrice de recherche au C.N.R.S.

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Sociétés aborigènes d'Australie - crédits : Encyclopædia Universalis France

Sociétés aborigènes d'Australie

Colons et aborigènes - crédits : Henry Guttmann/ Getty Images

Colons et aborigènes

Ayers Rock - crédits : Doug Armand/ The Image Bank/ Getty Images

Ayers Rock

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